Erwin Kruk (1941 – 2017) : Ce n’est pas là-bas
fot. Tomasz Waszczuk / AG. Culture.pl
Ce n’est pas là-bas
Ce n’est pas là-bas, mais ici
Au Nord
Qu’est la Mer Méditerranée.
Nous traînons dans le froid
Nos barques et forêts. Et les morts
Nous suivent pas à pas.
Un pêcheur s’est attardé
Face au vent livide
Qui réveille ceux qui s’étaient assoupis
Et il tire son filet
De petits morceaux d’ambre
Qu’il dispersera
Sur le sable noir au bord de l’eau
Et une lumière froide
Monte au ciel
D’où depuis des siècles
Gèlent nos coeurs brisés
Dans un instant la tête d’un élan
Jouera à cache-cache derrière un pin alpestre
Il faudra écouter avec attention
Le chant des dunes.
Aux côtés du vent
S’élève un chant sans souffle
Le chant de ceux qui ont perdu
Les dieux et la parole.
Et comme on a répété tant de fois,
Un murmure parfois s’élève dans cette obscurité
Sois courageux et n’oublie pas
Si tu ne peux plus te le permettre
Dans cet appel
Quelque chose nous détourne de la terre
Les pleurs de Juraka (1), la colère de Perkunas (2) qui l’accompagne
Sur la côte, navires étrangers,
Et hors des forêts un saint en haillons
Qui bientôt mourra
Pour qu’ensuite
L’épée nomade
Ouvre
Nos cœurs païens
(1) Déesse de la mer, fille de Perkuna
(2) Dieu balte du tonnerre
Traduit du polonais par Frédérique Laurent
in, « Ciel et lacs. Anthologie de poètes de Varmie- Mazurie »
Editions Folle Avoine, 35137 Bédée, 2019
Du même auteur : Langue (25/01/2025)