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Etat des lieux modifié
Fugue n°2
TOUJOURS S’EMBAUME ce moment d’avant l’étape
toujours s’embardent ces chevaux, qu’un faux pas
tant attendue & plus ombrée alors sera cette parole
de femme aura apeurés & à peine aura-t-elle soupiré que
que l’on serre sur son sein & la paume s’égratignant
des feuilles joncheront le sol pluvieux, d’un lent plaisir retenu,
sur les quatre fourchons de la lumière & le dernier labeur
quand le moment vient là, de partir, on n’interroge
du jour, avant la lente cuisson des séditions, on voudra
aucun tarot, on ne consulte aucun horaire de train,
accroire à la bonne veille des braves gens, aux angles
à peine aura-t-on porté attention à la teinte du ciel,
des lieux borgnes, mais on sait déjà n’est-ce pas,
à peine aura-t-on noué quelques bruits familiers
que le Malin ne se terre jamais dans l’obscur & s’invite
à la porte d’entrée, ainsi qu’au poignet on liait parfois
à l’autodafé des jours de fête & à la grande prière
un écheveau de laines rouges, en gage d’amitié,
des défunts, on sait déjà que la famille viendra
& quand, d’un va-&-vient des orteils, on aura longuement,
du plus loin du loin & s’assemblant autour du secret
amoureusement même, creusé le sable, dénudant alors
& de l’astreinte obédience & ceux-là baiseront
quelques anneaux du temps, tels qu’aux avant-bras
les sabots crottés du grand cerf au pelage vermineux
des manchons de mensonges, quand on remontera le fleuve,
& de purin séché, on se passera la carafe cuivrée de rogomme
ainsi que l’on remonte longuement, amoureusement même,
& de brandevin au poivre, on ragonnera les derniers mots
les rouages de l’horloge, avec son balancier silencieux,
prononcés au plus haut du labeur, on s’habituera à l’odeur,
dans la sombreur d’un salon, sentant le labour & la ronce
faudra bien n’est-ce pas, on goûtera aux cendres
malade, & toujours battront ces terreuses mains d’enfant,
& au cortège des serments, on s’assoupira de temps à autre
quand elles ont moulé des murailles de châteaux d’enfants
c’est sûr, on recrachera tout ensemble des nœuds de nerf
& leurs vertiges d’enfant en forme d’éclaircies, quand leurs ongles
longtemps mâchés & les plus douloureux souvenirs
ont la teinte des feuillages endeuillés, & levées haut,
longtemps mâchouillés de même, on posera une joue
face aux lassitudes, leurs terreuses mains d’enfant
contre le versant le plus brûlant des forêts ombrées,
serreront la flamberge des bâtisseurs,
là où traînassent ceux-là qui croient encore aux dieux
& leurs terreuses mains d’enfant empoigneront
& à l’irrépressible des hordes, ceux-là qui vénèrent
l’aveuglement & le désarroi feints des mendiants,
la neige & les cœurs battant dessous la neige,
au long des couloirs, menant aux quais de gare,
ceux-là encore qui scandent la marche de la mort
& toujours on pressera le pas, de peur que la main,
sous leurs lourds pas de moissonneurs transpirants,
de peur que le regard, de peur que la parole
& on hésitera à recouvrir le Malin de sa pelisse
se couchant au travers, de peur qu’une écume brunâtre,
de longues eaux noires, ainsi que l’on recouvre
frisant & frissonnant au liseré des noyés, & battant l’aire
les chemins de longs frissons violacés
de battage d’un dur talon têtu, & dansant & dansant & dansant
& on se refusera à pressentir ces vendanges
& soulevant le cœur, ainsi qu’en pleine mer, sous la houle
trop tardives, on suera fort sous ce manteau
& ses ronces, & viendrait alors ce faux pas que les époux
de ténèbres que l’on se sera cru autorisé à emprunter
redoutent tant & dressés, face à cette feinte amitié des orages
à l’ultime issue du jour
les chevaux s’ébroueront
Fugue n°3
TOUJOURS S’ETREINT ce corps, avec sa plainte
toujours s’entache de frilosités cette frêle renommée
& ses échos de rapace nocturne, à l’orée des lentes marées,
du pollen, & dans l’air d’avril claquent des étendards,
on n’entendra clairement ni les mots, ni les morts
au faîte des dimanches hissés & telle la boue couronnant
& on ignorera les vastes cérémonies de la haute mer,
les genoux, la tradition durcira & s’effritera à chaque enjambée
& le soleil se gangrènera, ainsi qu’un bras de soldat blessé
plus large, on presse d’un pouce insistant la veine gonflée
& désormais, tout se dira à haute voix, tout ne sera
du lendemain, tant de maisons ont été vite bâties
qu’éloignement fatal, tout sera pareil à ce crime d’homme
sur le flanc de l’éclair, que l’on ne sait quoi répondre
déposé en offrande aux pieds de l’homme, tout ne sera
aux appels des mères soucieuses, on transgresse
qu’un fauve épiant la tombée du jour, tout aura
tant d’usages sans songer à mal, on courrouce
cette fragrance de naufrage & de capture fatale
tant d’orages n’est-ce-pas, le temps sera proche
& de chienne en ses chaleurs, toujours s’étreint le vantail
d’une plus grande étreinte & d’un assaut convenu
à peine s’ouvrant de la solitude, toujours on traînera
des chiens sans maître, le temps sera venu
le charroi des geigneries & des sébiles sonnaillantes,
d’une démence démuselée & d’un sommet inversé,
tout ne sera qu’église désertée & hivernale, où tout
le temps sera venu d’un sacrifice des antipodes
souffle n’est que buée d’enfant & désormais, tout pourra
& d’une heure sans contreforts, le temps sera venu
s’oublier, autant l’impossible durée des choses, autant
d’un passé en guenilles & d’un verger déchiré de secrets
la salinité des insomnies, autant les mots, autant les morts,
& toujours, de quelques silhouettes grises de mécréants,
& toujours fermenteront les silences piégés dans les coins
s’entache la robe claire des fenêtres, on errera alors
mal balayés, la route glissera sous la semelle élimée des jours,
ainsi que des mendiants glorieux & les mains tendues
il faudra se montrer prudents bien sûr, puisque les mirages
seront la rémanence des âmes tuméfiées, le cœur s’épuisera
ont la vie dure & l’essaim palpitant se fixera
tel un grillon sous l’aube, & toujours d’oubli s’entache
sur les pesantes branches de la pluie, l’heure à venir
le tablier ceignant les hanches nues des eaux vives,
aura cette odeur surie d’un village sans habitants,
le temps sera venu de se prosterner devant le gave blanc
désormais, on pourra ignorer le figuier râblé
du jamais, du jamais plus, du jamais là, du jamais trop,
& son entêtement torsadé de figuier, on pourra affirmer
& on limera les pieux de la pluie, on taillera dans le vif
que tout çà a bien peu d’importance n’est-ce pas,
des vieux murs & l’enfer enfin affleurera les édifices des vivants
que ce soient les mots, ou les morts, ou les serpents
insouciants & les enfants musarderont dans le dédale
invisibles des sentiers caillouteux, ou encore
de l’invisible & des piteuses moissons du dernier été,
les nappes phosphorescentes de la mémoire,
& le temps sera venu alors d’une guerre sans rumeurs
ou ces histoires outrancièrement réinventées,
ni sillons & toujours s’entache de quelques frilosités
& leurs frottements d’étrave fendant les vagues
cette frêle renommée du pollens & dans l’air d’avril claquent
& on s’endormira plus tôt, bien plus tôt
des étendards au faîte des dimanches hissés & telle la boue
que de coutume dans le dénouement des rives
couronnant les genoux, la tradition durcira & s’effritera
Fugue n°4
TOUJOURS S’EN VENDENT de ces tristesses aux ballots,
toujours sont & vont & le vent & les sons
par le forains du dimanche matin & leurs cantilènes
au petit matin du décembre, on déblaie toujours
braillardes et toujours s’en vendent de ces frontières éphémères
plus de pierraille dans le tuf, on émiette le pain durci
entre le jour se levant & l’heure d’après, de ces cabots
au sillon des ornières, on s’avance au plus loin
toujours, à ces mêmes ballots, flânant au long
du ponton & on détache le filin des oraisons
d’un lent canal où tant de doutes s’allongent
du front des festons nacrés tout en haut des vagues,
puis filent l’ombre fuyante, on demande toujours plus,
tout en haut, on serre contre son sein des faisceaux
c’est l’apanage des gémissants & des aubépines fleuries
de phrases osseuses ayant forme de serments,
à l’aine des villages, & c’est toujours si ladrement
on détache une à une les bardanes accrochées
que l’on marchandera avec les saisons, menant les pays
aux mollets & à la fierté mal placée, on se tient
bon gré, mal gré, c’est à grand-peine que la nuit suivante
à cette hauteur où les mots les plus bourbeux
se haussera au même niveau de ruine que le jour
ne savent plus écheler, on écoute les phalènes
d’avant, on aura les ongles terreux & on traînera
cogner contre les lampes-tempête & on compte
sa pèlerine évidée de toute chair sous les basses ramées
les heurts saccadés ainsi que des pleureuses assises
d’un érable rouge & s’en vendent ainsi de ces cœurs
autour d’un parterre de soldats blessés & chiffrant
épars, vêtus de noir & pareils à de petits pains dit-on
leurs regrets & on a cette perçante impression
& la bonté se traînera tel un feu mourant & ses plumes
de déjà-vu en découvrant un bagage ventru
flétries ignorant le vent & qu’en sera-t-il alors de cette disgrâce
devant la grille, on se doute que les adieux
plus serrée qu’un lierre autour de l’heure, qu’en sera-t-il
seront granuleux, on ne saurait offenser
de cette disgrâce & de sa traîne d’escargot chaque matin
plus amèrement les mânes de la demeure familiale
sur les tomettes rouges de la terrasse, qu’en sera-t-il
qu’à ces moments-là de ruine & de rogue parlure,
de cette lenteur d’homme déclinant & arpentant son verger
& les ronces saillant aux dépens du cadastre
& son insolence vernale, & toujours s’en vendent ainsi
de référence & les vaines récréminations des paysans floués,
de ces colifichets de fête foraine dont on pare le poignet
on s’habituera aux glapissements de la nuit, & la fiente
ou le cou ou l’hiver dévêtu ou les après-midi insipides,
des très hauts oiseaux balisera tous lieux de discorde
& pourquoi donc faudrait-il souffrir de l’impermanence
& rassurant les mains tremblantes, qu’importent alors
des terres & de la gaucherie des amants de tout frais,
les décombres du décembre & qu’importent leurs vents
pourquoi faudrait-il laisser cuire la soupe plus longtemps
qui vont & traînent, insultants & arrogants, tels une bande
si la créance se fait pressante, autant s’avouer vaincu
d’ados autour du flipper ou du baby-foot & ne laissant personne
au plus tôt n’est-ce pas, autant se remémorer l’indolent
s’en approcher, on tirera l’amitié crasseuse à la courte paille,
va-et-vient de la houle & l’échappée à l’aveugle
on ouvrira les grilles des grands domaines du dimanche,
de tous ceux-là qui se sentiront pourchassés bientôt
ceux-là en bout des longues, si longues allées de platanes
Toujours
Mordre au travers, 22190 Plérin, 2021
Du même auteur :
Laudes du bois (20/04/2019)
L’Epaule d’Orphée (21/04/2020)
Laudes du feu (21/04/2021)
L’anneau des frontières (I-XI) (21/04/2022)
L’anneau des frontières (XII - XVIII) (21/04/2023)
Etat des lieux modifié : Fugue 1 (21/04/2024)