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Incandescences
A Bernard
Feux de mer, feux de terre
terre de feu, vie de feu
danse ! danse ! danse !
aime : brûle ! brûle ! aime !
Brûlent les phares dans les démences éoliennes
feux chantants, antiennes
Ouessant ! Penmarc’h ! Sein
baou ! baou ! baou !
Lumières du monde qui chaque nuit renaît
dans le partage des eaux
âmes des trépassés mes beaux navires
allez ! allez ! allez !
car nos morts sont des feux
feu mon père
feu mon frère
mes feux errants
feux de Bretagne aux confins du paradis
brûlez ! brûlez ! brûlez !
Phares plantés pleine houle
menhirs couronnés de lueurs
pierres debout dans le buisson des vagues
phares, feux fraternels
pour les naufragés s’il vous plaît
brûlez ! brûlez ! brûlez !
et pour les vivants s’il vous plaît
envoyez votre musique de flammes
sur les cargos perdus
Feux de mer, feux de terre
terre de feu, vie de feu
danse ! danse ! danse !
aime : brûle ! brûle ! aime !
Quand ils passaient le Horn
ils juraient Dieu qu’ils n’y retourneraient plus
ils enverguaient nuit et froidure
avec de pauvres mains pleines de gerçures et de gelures
les albatros haubannés chantaient le libéra
et comme c’est triste un albatros qui meurt !
froid : enfer !
enfer froid !
transis ! transis ! transis !
damnés seront transis
froide haine ! froide peine !
le cœur en glace, l’esprit gelé
pas de flamme dans l’enfer
Ô l’éternelle bise !
Passé le Horn infernal
les marins retrouvaient l’épiphanie
des phares et des balises
et le Chili venait à eux comme une femme
Valparaiso !
finie l’obsession de l’iceberg à blanche gueule de satan
finie l’angoisse, finie !
bonjour paradis
et ils dansaient au bras des araucanes
la chaude, la marine, la bonne chanson
Feux de mer, feux de terre
terre de feu, vie de feu
danse ! danse ! danse !
aime : brûle ! brûle ! aime !
Salut mes entrées de ports armoricaines
merci mes abers où les carènes dansent le slow
salut mes havres doux comme des ventres
salut La Trinité ! salut Kerdruc ! salut Port Navalo
salut mes proues dans les soirs de septembre
ancre de miséricorde, salut !
salut mes caboulots ! salut mes malamoks !
mes oiseaux blancs, salut !
Feux de mer, feux de terre
terre de feu, vie de feu
danse ! danse ! danse !
aime : brûle ! brûle ! aime !
Et ces feux de terre dans la cambrure des landes
brasiers réveillant l’âme des fermes
hou ! hou ! le vent ! le vent !
Ô gloire des braseros par les hivers ruraux
ne laisse pas tes larmes geler dans ta pierre
ouvre ! ouvre ta porte au vagabond et au loriot
aime ! brûle ! aime !
il faut aller jusqu’au bout de l’amour et du feu
prends tout, aime tout
de ton feu ne soit jamais avare
Tan ! tan ! tan !
feu ! feu !feu !
craquent les fagots au noir pignon des chaumines
et le feu se met à parler du soleil et des astres
aux enfants en sabots, aux meubles de merisier
et voilà que les rêves cheminent.
Feux de tourbes
écobuages
ainsi se parlent les hameaux dans le bocage
et flamboient les persiennes aux torches des aurores
Feux des bergeries
feux de hautes laines
feux forains, feux bohémiens
et vient la Saint-Jean d’été
et la fête du feu
solstice ! solstice ! solstice !
dansez mes arbres ! dansez mes haies !
brûlez, ô chênes ! incendiez-moi ces ville puantes
mes feux, allez ! allez !
feux fols, feux follets, feux fols,
incendiez-moi ces Babylones qui ne savent ni le blé
ni la mer
brasillez ! brasillez ! mes feux follets
solstice ! solstice : solstice !
Feux de mer, feux de terre
terre de feu, vie de feu
danse ! danse ! danse !
aime : brûle ! brûle ! aime !
Le feu est réellement paroles de l’Esprit
feu de Dieu, oui ! feu de Dieu, superbe langue.
La Sône des pluies et des tombes,
Editions Kelenn,29215 Guipavas,1976
Du même auteur :
Solo (07/07/2014)
Allez dire à la ville (0707/2015)
Les Déments (07/072016)
Ne me parlez pas de moi (07/07/2017)
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