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Le bar à poèmes

18 avril 2025

Cesare Pavese (1908 – 1950) : Travailler fatigue / Lavorare stanca

 

 

Travailler fatigue

 

 

Traverser une rue pour s’enfuir de chez soi


seul un enfant le fait, mais un homme qui erre,


tout le jour, par les rues, ce n’est plus un enfant


et il ne s’enfuit pas de chez lui.

 

 

En été, il y a certains après-midi


où les places elles-mêmes sont vides, offertes


au soleil qui est près du déclin, et cet homme qui vient


le long d’une avenue aux arbres inutiles, s’arrête.


Est-ce la peine d’être seul pour être toujours plus seul ?


On a beau y errer, les places et les rues


sont désertes. Il faudrait arrêter une femme,


lui parler, la convaincre de vivre tous les deux.


Autrement, on se parle tout seul. C’est pour ça que parfois


il y a des ivrognes nocturnes qui viennent vous aborder


et vous racontent les projets de toute une existence.

 

 

Ce n’est sans doute pas en attendant sur la place déserte


qu’on rencontre quelqu’un, mais si on erre dans les rues,


on s’arrête parfois, S’ils étaient deux,


simplement pour marcher dans les rues, le foyer serait là


où serait cette femme et ça vaudrait la peine.


La place dans la nuit redevient déserte


et cet homme qui passe ne voit pas les maisons


entre les lumières inutiles, il ne lève plus les yeux :


il sent seulement le pavé qu’ont posé d’autres hommes


aux mains dures et calleuses comme les siennes.


Ce n’est pas juste de rester sur la place déserte.


Il y a certainement dans la rue une femme


qui, si on l’en priait, donnerait volontiers un foyer.

 

 

 


Traduit de l’italien par Gilles de Van


In, Cesare Pavese : « Travailler fatigue. La mort viendra


et elle aura tes yeux ».


Editions Gallimard, 1969

 


Du même auteur


Paysage (18/04/2016)


La terre et la mort (18/04/2017)


 La mort viendra et elle aura tes yeux / Verrà la morte e avrà i tuoi occhi (18/04/2018)


Paysage VIII / Paesaggio VIII (18/04/2019)


Femmes passionnées / Donne appassionate (18/04/2020)


Eté – Eté 1 / Estate – Estate I (18/04/2021)


L’Etoile du matin / Lo steddazzu (05/10/2021)


Dépaysement / Gente Spaesata (18/04/2022)


Manie de solitude / Mania di solitudine (05/10/2022)


Le paradis sur les toits / Il paradiso sui tetti (18/04/2023)


Marc en septembre / Grappa a settembre (18/04/2024)

 

 

Lavorare stanca

 

 

Traversare una strada per scappare di casa

 

lo fa solo un ragazzo, ma quest’uomo che gira

 

tutto il giorno le strade, non è più un ragazzo

 

 

 

e non scappa di casa.

 

 

                                   Ci sono d’estate

 

pomeriggi che fino le piazze son vuote, distese

 

sotto il sole che sta per calare, e quest’uomo, che giunge

 

per un viale d’inutili piante, si ferma.

 

Val la pena esser solo, per essere sempre più solo?

 

Solamente girarle, le piazze e le strade

 

sono vuote. Bisogna fermare una donna

 

e parlarle e deciderla a vivere insieme.

 

Altrimenti, uno parla da solo. È per questo che a volte

 

c’è lo sbronzo notturno che attacca discorsi

 

e racconta i progetti di tutta la vita.

 

 


Non è certo attendendo nella piazza deserta

 

che s’incontra qualcuno, ma chi gira le strade

 

si sofferma ogni tanto. Se fossero in due,

 

anche andando per strada, la casa sarebbe

 

dove c’è quella donna e varrebbe la pena.

 

Nella notte la piazza ritorna deserta

 

e quest’uomo, che passa, non vede le case

 

tra le inutili luci, non leva più gli occhi:

 

sente solo il selciato, che han fatto altri uomini

 

dalle mani indurite, come sono le sue.

 

Non è giusto restare sulla piazza deserta.

 

Ci sarà certamente quella donna per strada

 

che, pregata, vorrebbe dar mano alla casa.

 

 

Poème précédent en italien :


Salvatore Quasimodo : Plainte pour le Sud / Lamento per il Sud (15/04/25)
 

17 avril 2025

Saphô / Σαπφώ (vers 630 – vers 580 av. J. C.) : « Notre Anactoria, Attys, s’en est allée... ».

Mort de Sappho de Miguel Carbonell Selva

 

 

 

Notre Anactoria, Attys, s’en est allée.


Gardant de vos beaux jours l’image inconsolée,


Elle qu’émerveillait la douceur de ta voix,


Qui fit de toi son mile et sa pure ambroisie,


Elle habite aujourd’hui dans la lointaine Asie 

 
Comme la lune au ciel, calme, suivant sa voie,


Changeant la sombre mer en ruisseau de lueurs,


Et versant sa rosée au cœur fragrant des fleurs,


Pâlit autour de soi les feux vifs des étoiles,


Ainsi son beau regard et son front souriant


Eclipsent les splendeurs des femmes d’Orient.


Mais on âme est meurtrie et ses regards se voilent ;


Elle t’appelle, Attys, et son cri et sa plainte


Arrivent jusqu’à nous, portés par la nuit sainte.

 

 


Traduit du grec par Marguerite Yourcenar,


In, « La couronne et la lyre,


Anthologie de la poésie grecque ancienne »


Editions Gallimard, 1979

 

 

Ô mon Atthis, dans la lointaine Sarde est partie


Anactoria qui fut aimée de nous, Mais sa pensée souvent ici revient.

 

 

Comme jadis quand nous vivions ensemble et 


qu’elle t’adorait ainsi qu’une déesse apparue


ici-bas, et ton chant plus que tout la charmait.

 

 

Maintenant parmi les femmes lydiennes elle resplendit


comme, une fois le soleil


couché, la lune aux doigts de rose,

 

 

éclipsant tous les astres, sa lumière se ver-


se sur la mer salée,


sur les prés aussi aux maintes fleurs.

 

 

La rosée alors en gouttes de beauté est éparse,


s’épanouissent alors les roses et le délicat cerfeuil


et le mélilot parfumé.

 

 

Mais elle en mainte errance, de la douce


Atthis elle se souvient, dans le désir,


son tendre cœur pour ton destin ; oui, se consume

 

 

D’ailleurs là-bas vers elle d’un cri aigu elle nous le clame


     et cet appel


inconnu et secret, la nuit nombreuse


le redit par-delà les mers... entre nous...

 

 

 


Traduit du grec ancien par Yves Battistini


In, Sapphô : « Odes et fragments »


Editions Gallimard (Poésie), 2005


L’absente

 

 

O mon Atthis, dans Sardes vit au loin


Mnasidika que nous aimons toutes deux,


Et sa pensée auprès de nous revient.

 

 

Tu lui paraissais une fée


Aux temps où nous vivions ensemble,


Nul autre chant ne la charmait.

 

 

Chez les Lydiennes elle luit,


Comme, après le soleil couché,


La lune aux doigts de rose luit.

 

 

Près d’elle tout astre pâlit.


Sa clarté sur la mer salée


Se verse, et sur les prés fleuris.

 

 

Et la rose sous la rosée,


Le fin cerfeuil s’épanouit,


Et le mélilot parfumé.   

 

 

Mais elle, elle erre et se souvient


D’Atthis en fleurs, son âme est pleine


Du désir, cœur lourd de chagrin.

 

 

Et son cri aigu nous appelle.


L’appel inconnu et secret,


La nuit aux multiples oreilles,


A travers les mers entre nous,


L’a entendu et répété...

 

 

 

Traduit du grec par Robert Brasillach,


In « Anthologie de la poésie grecque »


Editions Stock, 1950

 


De la même autrice :


 « Je t’ai possédée, ô fille de Kuprôs ! » (13/04/2015)


Aphrodite / εἰς Ἀφροδίτην (13/04/2016)


A une aimée (13/04/2017)


Je serai toujours vierge (13/04/2018)


Nocturnes (13/04/2019)


« ... Et je ne reverrai jamais... » (13/04/2020)


« ... Rien n’est plus beau... » (03/04/2021)


« Je ne change point... » (13/04/2022)


Ode à Aphrodite (17/04/2023)


Confidences (17/04/2024)
 

16 avril 2025

Peter Huchel (1903 -1981) : La nasse à étoiles / Die Sterneureuse

 

 

La nasse à étoiles

 

 

Toujours là-haut, lune d’un autre temps ?


Tu flottais, bien ronde, lorsque jeune encore


j’ai habité près d’un fleuve,


où seule l’eau vivait avec moi.


L’eau résonnait, elle était chant,


je puisais et l’âme écoutait


l’eau qui bondissait, tumulte, entre les pierres,


jaillissement d’écume qui chutait à grand bruit.


Deux roches, pour ainsi dire bruinées de suie,


abruptes et resserrées comme une écluse,


en ce temps encore encadraient le fleuve.


Dans l’eau pendait la nasse à étoiles.


Je soulevais la nasse de la faille,


scintillaient des espaces de cristal,


nageait la verte forêt des algues,


je pêchais l’or et confiais mes rêves au fleuve.


Ô gorge du monde, le torrent de l’eau


venait comme un chant : était-ce cela ma vie ?


En ce temps-là, je voyais dans l’immensité obscure


toute proche la nasse à étoiles flotter.

 

 

 

Traduit de l’allemand par Maryse Jacob et Arnaud Villani

 

1n, Revue Po&sie, N°38

 

Belin éditeur, 1986


Du même auteur :


Exil (16/04/2015)


Ferme Thomasset (16/04/2016)


« Sous la houe brillante de la lune… » / Unter der blanken Hacke des Monds…

» (16/0420/17)


Origine / Herkunft (16/04/2018)


Le tombeau d’Ulysse / Das Grab des Odysseus (16/04/2019)


Le moissonneur polonais / Der polnische schnitter (16/04/2020)


Znorovy (16/04/2021)


Île du sud / Südliche insel (16/04/2022)


Eté écossais / Schottischer Sommer (16/04/2023)


Monnaie de Bir-El-Abbas / Münze aus Bir El Abbas (16/04/2024)

 

 

Die Sternenreuse

 


Daß du noch schwebst, uralter Mond?

 

Als jung noch deine Scheibe schwebte,

 

hab ich an einem Fluß gewohnt,

 

wo nur das Wasser mit mir lebte.

 

Das Wasser schwoll, es war Gesang,

 

ich schöpfte und mein Atem lauschte,

 

wie es um Steine tönend sprang

 

und schäumend schoß und niederrauschte.

 

Zwei Felsen, wie betäubt von Ruß

 

und steil und schmal wie eine Schleuse,

 

umstanden damals noch den Fluß.

 

Im Wasser hing die Sternenreuse.

 

Ich hob die Reuse aus dem Spalt,

 

es flimmerten kristallne Räume,

 

es schwamm der Algen grüner Wald,

 

ich fischte Gold und flößte Träume.

 

O Schlucht der Welt, des Wassers Schwall

 

kam wie Gesang: war es mein Leben?

 

Damals sah ich im dunkeln All

 

ganz nah die Sternenreuse schweben.

 

 

 


Die Sternenreuse

 

R.Piper & Co verlag, München, 1967

 

 

Poème précédent en allemand :

 

Friedrich Hölderlin : Souvenir / Andenken (06/02/2025)

15 avril 2025

Salvatore Quasimodo (1901 – 1968) : Plainte pour le Sud / Lamento per il Sud

 

Plainte pour le Sud

 

 

La lune rouge, le vent, ta couleur


de femme du nord, l’étendue de neige...


Mon cœur est désormais sur ces prairies


dans ces eaux assombries par les brumes.


J’ai oublié la mer, le pesant


coquillage dans lequel soufflaient les bergers siciliens,


les cantilènes des charrettes le long des routes


où le caroubier tremble dans la vapeur des éteules,


j’ai oublié le passage des hérons et des grues


dans l’air des hauts plateaux verts


par les terres et les fleuves de la Lombardie.


Mais l’homme crie partout le destin d’une patrie.


Plus personne ne m’emmènera vers le Sud.

 

 

Oh le Sud est las de charrier des morts


au bord des marécages de malaria,


il est las de solitude, las de chaînes


il est las dans sa bouche


des blasphèmes de toutes les races


qui ont hurlé à la mort avec l’écho de ses puits


qui ont bu le sang de son cœur.


C’est pourquoi ses enfants retournent sur les monts,


assujettissent les chevaux à des coutres d’étoiles,


mangent des fleurs d’acacias le long des pistes


de nouveau rouges, encore rouges, encore rouges.


Plus personne ne m’emmènera vers le Sud.

 

 

Et ce soir chargé d’hiver


nous appartient encore, et je te répète ici


mon absurde contrepoint


de douceurs et de rages,


une plainte d’amour sans amour.

 

 

 

Traduit de l’italien par Jean-Yves Masson,


In, Revue « Polyphonie, N°7 printemps 1988 »

 

 

Complainte pour le Sud

 

La lune rouge, le vent, ton teint


de femme du nord, l’étendue de neige...


Mon cœur est désormais sur ces prairies


dans ces eaux ennuagées de brumes.


J’ai oublié la mer, la conque


grave soufflent les bergers siciliens,


les cantilènes des charrettes le long des routes


où le caroubier tremble dans la fumée des chaumes,


j’ai oublié le pas des hérons et des grues


dans l’air des verts plateaux 


par les terres et les fleuves de la Lombardie.


Mais l’homme pleure partout le destin d’une patrie.


Plus personne ne m’emmènera dans le Sud.

 

 

Oh le Sud est las de charrier ses morts


au bord de palus de malaria,


il est las de solitude, las des chaînes


las d’avoir dans sa bouche


les blasphèmes de toutes les races


qui ont hurlé à la mort avec l’écho de ses puits


et qui ont bu le sang de son cœur.


C’est pour cela que ses enfants retournent dans les montagnes,


domptent les chevaux sous les draps d’étoiles,


mangent les fleurs d’acacias le long des pistes


à nouveau rouges, encore rouges, encore rouges.


Plus personne ne m’emmènera dans le Sud.

 

 

Et ce soir chargé d’hiver


est encore nôtre, et je te répète ici


mon absurde contrepoint


de douceurs et de rages,


une complainte d’amour sans amour.

 

 

 


Traduit de l'italien par Roland Ladrière


in, Salvatore Quasimodo : "Oeuvres poétiques"


Editions de Corlevour, 92110 Clichy, 2021

 

Du même auteur : 


Et c’est bientôt le soir / Ed è subito sera (01/11/2014)


J'entends encore la mer / S’ode ancora il mare (15/04/2018)


Devant le gisant d’Ilaria del Carretto / Davanti al simulacro d’Ilaria Del Carretto (15/04/2019)


Anno Domini MCMXLVII (15/04/2020)


Vent à Tyndaris / Vento a Tindari (15/04/2021)


Temple de Zeus à Agrigente / Tempio di Zeus Ad Agrigento 15/04/2022)


La pie noire rit sur les orangers / Ride la gazza, nera sugli aranci. (06/10/2022)


Les retours / I Ritorni (15/04/2023)


Glendalough (06/10/2023) 


Ô mes doux animaux / O miei dolci animali (15/04/2024)


Dialogue / Dialogo (06/10/2024)


Lamento per il Sud

 


La luna rossa, il vento, il tuo colore

 

di donna del Nord, la distesa di neve…

 

Il mio cuore è ormai su queste praterie,

 

in queste acque annuvolate dalle nebbie.

 

Ho dimenticato il mare, la grave

 

conchiglia soffiata dai pastori siciliani,

 

le cantilene dei carri lungo le strade

 

dove il carrubo trema nel fumo delle stoppie,

 

ho dimenticato il passo degli aironi e delle gru

 

nell’aria dei verdi altipiani

 

per le terre e i fiumi della Lombardia.

 

Ma l’uomo grida dovunque la sorte d’una patria.

 

Più nessuno mi porterà nel Sud.

 

 


Oh, il Sud è stanco di trascinare morti

 

 in riva alle paludi di malaria,

 

è stanco di solitudine, stanco di catene,

 

è stanco nella sua bocca

 

delle bestemmie di tutte le razze

 

che hanno urlato morte con l’eco dei suoi pozzi,

 

che hanno bevuto il sangue del suo cuore.

 

Per questo i suoi fanciulli tornano sui monti,

 

costringono i cavalli sotto coltri di stelle,

 

mangiano fiori d’acacia lungo le piste

 

nuovamente rosse, ancora rosse, ancora rosse.

 

Più nessuno mi porterà nel Sud.

 

 


E questa sera carica d’inverno

 

è ancora nostra, e qui ripeto a te

 

il mio assurdo contrappunto

 

di dolcezze e di furori,

 

un lamento d’amore senza amore. 

 

 

 


La vita non è sogno, 1946-1948


Mondadori, Milano (Italia),1949


Poème précédent en italien :


Eugenio Montale : Elégie de Pico  Farnese / Elegia di Pico Farnese 08/02/2025)

 

Poème suivant en italien :


Cesare Pavese (1908 – 1950) : Travailler fatigue / Lavorare stanca (18/04//2025)
 

14 avril 2025

L’épopée de Gilgameš (2100 avant J.C.) : Tablette V

 

 

L’épopée de Gilgameš


(Version ninivite)

 


 
TABLETTE V


(Prouesses et victoire)

 

 

Comment Gilgameš,et Enkidu, à leut arrivée, voient la Forêt

 

Immobiles,


     A la lisière de la Forêt,


Ils contemplaient


     L’altitude des Cèdres


Et ils examinaient 


     l’orée


Allées et venues de Humbaba,   


     Y avaient laisse des pistes :


Des sentiers tracé-droit,


     Des chemins bien marqués.


Et l’on voyait au loin


     La Montagne des Cèdres,


     Résidence de dieux,


     Sanctuaire de la sainte Irnini,


En avant de cette Montagne,


     Les Cèdres déployaient leur frondaison :


Délicieux était leur ombrage,


     Et tout embaumé de parfums !


La Forêt s’emmantelait


     D’un dense hallier


                Cèdres, Ballukku-odorants.


Un premier fossé l’entourait


     Large de dix kilomètres,


Puis un second


     Seulement des deux tiers.


...................................................................


Humbaba interpelle les deux héros : Gilgameš,puis Enkidu


Humbaba, ayant ouvert la bouche, prit la parole


     Et s’adressa à Gilgameš


     « Des fous et des inconscients


     T’auraient-ils conseillé, Gilgameš


     Que tu sois venu m’affronter ?


Hé, Enkidu, enfant de poisson,


     Qui n’a jamais connu son père,


Et, pas plus que les tortues,


     N’a jamais tété sa mère !

 

En ton jeune âge, je t’observais


     Mais me garder de te fréquenter !


A présent, si je te tue,


     J’en aurai l’âme épanouie !


Car c’est bien toi


     Qui as conduit jusqu’ici Gilgameš !


.......... un ennemi,


     Un étranger furieux.....


J’aurais dû, Gilgameš


     Lui déchirer la gorge


Et le donner en pâture


     Aux criards serpentaires, aux aigles, aux vautours. »


Gilgameš effrayé, se tourne vers Enkidu


Alors Gilgameš ouvrit la bouche, prit la parole


     Et s’adressa à Enkidu


« Mon ami,


     Humbaba a changé de visage !


.............................


Enkidu l’encourage


Mais Enkidu, ayant ouvert la bouche, prit la parole


     Et s’adressa à Gilgameš :


Pourquoi donc, mon ami,


     Parler ainsi tête basse, 


Main sur la bouche


     Et en te cachant.


A présent


     Il n y’a plus qu’une issue :


Le cuivre en fusion


     Est déjà en chemin vers le moule,


Tour à tour chauffé en deux heures,


     Puis tout autant refroidi.


Si tu veux faire un carnage


     Et frapper de grands coups,


Ne quitte pas ces lieux,


     Ne t’en retourne pas !


     N’en cogne que plus fort !


Gilgameš s’empoigne avec Humbaba


Gilgameš face à Humbaba


     Le frappa à la tête,


Ils piétinaient le sol,


     Des talons, 


Disloquant, de leurs saccades,


     L’Hermon et le Liban.


Šamaš l’assiste en déchaînant les éléments


La nuée claire 


     Devint sombre


Comme d’un brouillard


     Il pleuvait sur eux de la mort.


Et Šamaš, contre Humbaba,


     Fit lever de grandes tempêtes :


Vent-du-Nord, Vent-du-Sud,


     Vent-d’Est, Vent-d’Ouest, Vent-souffleur,


Vent-rafales, Vent-tourbillons,


     Vent-mauvais, Vent-poussières,


Vent-mortifère, Vent-de-Gel,


     Et Tempête, et Tornade :


Les Treize Vents tant se ruèrent sur lui


     Que son visage s’assombrit :


Il ne pouvait, ni avancer,


     Ni reculer,


A portée


     Des armes de Gilgameš


Humbaba qui se sent perdu, cherche à apitoyer Gilgameš en le flattant


Humbaba, qui tenait à la vie,


     S’adressa donc à lui :


« Tu a été enfant, Gilgameš,


     Ta mère t’a mis au monde


Et tu descends de....


Si tu t’es élevé, 


     C’est au gré de Šamaš, Roi de cette Montagne,


Ô rejeton du cœur d’Uruk,  


     Gilgameš souverain !


Et lui promet tout ce qu’il voudra


     Je demeurerai à tes ordres,


Et je te livrerai


     Autant d’arbres que tu me commanderas.


Je te réserverai aussi des Arbustes- à-myrte,


Tous les bois destinés à embellir


     Les Edifices de ta ville ! »


Enkidu intervient pour endurcir Gilgameš


Mais Enkidu ouvrit la bouche, prit la parole


     Et s’adressa à Gilgameš :


« N’écoute pas mon ami,


     Les discours de Humbaba : 


Ni ne défère à sa prière.


.............................................................................


Fin de la supplique d’Humbaba à Enkidu


« ... Tu es au courant du projet de Gilgameš


     De son dessein concernant ma Forêt,


Et tu sais


     Tout ce qu’il faut lui dire !


J’aurais pu t’emporter, j’aurais pu t’égorger


     Dans le profond maquis de ma Forêt,


Te donner en pâture


     Aux criards serpentaires, aux aigles, aux vautours !


A présent, Enkidu, il est en ton pouvoir 


     De me libérer :


Demande don à Gilgameš


     De me laisser la vie sauve ! »


Enkidu persiste à pousser Gilgameš au pire


Mais Enkidu ouvrit la bouche et, prenant la parole,


     S’adressa à Gilgameš :


« Mon ami, 


     Le Gardien de la Forêt des Cèdres


Achève-le, égorge-le


     Ecrase-le....


Avant qu’Enlil-le-Premier 


     N’entende son appel


Et que les grands dieux


     Ne soient furieux contre nous :


Enlil, à Nippur,


     Et Šamaš à Larsa/Sippar,


Etablis-toi


     La réputation éternelle


D’avoir toi-même


     Vaincu Humbaba !


Nouvelle supplique d’Humbaba à Enkidu


A présent, Enkidu, il est en ton pouvoir 


     De me libérez :


Demande donc à Gilgameš 


     De me laissez la vie sauve ! »


Nouveau refus d’Enkidu, qui réitère son exhortation à Gilgameš 


Mais Enkidu ouvrit la bouche, prit la parole,


     Et s’adressa à Gilgameš 


« Mon ami, Humbaba le Gardien de la Forêt-des-Cèdres


     Achève-le, égorge-le,


     Ecrase -le


Avant qu’Enlil-le -Premier


     N’entende son appel,


Et que les grands dieux


     Ne soient furieux contre nous :


Enlil, à Nippur,


     Et Šamaš à Larsa/Sippar,


Etablis-toi la réputation éternelle


D’avoir toi-même


     Vaincu Humbaba !


..............................................


S’adressant aux deux héros Humbaba les maudit


Qu’ils ne vieillissent,


     Ni l’un ni l’autre !


Et, pas d’avantage que son ami Gilgameš 


     Qu’Enkidu ne trouve jamais de salut ! »


Dernier appel d’Enkidu à Gilgameš 


Enkidu, ouvrant alors la bouche, prit la parole,


     Et s’adressa à Gilgameš :


« Mon ami, j’ai eu beau te parler,


     Tu ne m’a pas écouté !


Je vais expédier Humbaba !


...........................................................


Humbaba est abattut


Les deux héros


     Dégainèrent à cinq reprises


Tandis que, pour leur échapper,


     Humbaba bondissait.


A coups de pique


     Ils le tuèrent.


Aussitôt, d’épaisses ténèbres


     S’abattirent sur la Montagne !


Oui ! d’épaisses ténèbres


     S’abattirent sur la Montagne !


Gilgameš et Enkidu coupent des Cèdres


.............................................


Gilgameš abattait les arbres,


     Dont Enkidu repérait çà et là les troncs !


Pour se concilier Enlil, Enkidu propose de lui réserver le Cèdre le plus grand


Et, Enkidu ayant ouvert la bouche et pris la parole


     S’adressa à Gilgameš :


« Mon ami, nous avons abattu


     Un cèdre extraordinairement élevé,


Dont la cime


     Perçait le ciel !


Fais-en faire un vantail-de-porte


     De trente-six mètres de haut


     Et de douze de large,


Sur un demi-mètre d’épaisseur,


     Et dont les pivots : central, inférieur et d’en haut,


     Soient chacun de six mètres !


On le transportera à Nippur,


     L’Euphrate le portant,


     Et Nippur sera en liesse !

 

Transport des grumes et retour des héros


Ils agencèrent donc un radeau,


Enkidu embaqrué


Tandis que Gilgameš


     Portait la tête de Humbaba

 

 

 


Traduit de l’akkadien par Jean Bottéro


in, « L’épopée de Gilgameš, le grand homme qui ne voulait pas mourir »


Editions Gallimard 1992

 


Du même auteur :


 L’épopée de Gilgameš : Tablette I (14/04/2022)


Tablette II et III (14/04/2023)


Tablette IV (1 et 2) (14/04/2024)
 

13 avril 2025

Zoé Karèlli / Ζωής Καρέλλης (1901 – 1998) : Le murmure d’Eurydice / Ευρυδίκης ψίθυρος

 

 

Le murmure d’Eurydice

 

 

Ne crois pas...,


Viens avec moi. N’insiste pas


nous avons tellement cru au corps


entendu sa musique passionnée,

 

 

mais je ne crois pas au plaisir.


La douleur est trop puissante


et l’efface.


                 Le corps


souffre quand il meurt


et qu’il lui échoit de perdre 


sa gloire entière. Laisse-le.

 

 

Le laisser, n’est-ce pas mieux ?

 

 

Ne m’entraîne pas, ne me ramène pas


aux forces de la vie.


La mort qui m’emporta 


fut si cruelle.


                       Viens avec moi.


Tu goûteras au néant, à sa magie.


Ton corps parfait touchera toute l’épaisseur


de l’inexistence.


Tu connaîtras l’oubli comme la pierre,


tu éteindras dan l’immobilité


ta soif de vie.

 

 

Quand on peut aimer la vie à ce point,


à ce point croire en elle,


rien ne console sinon


l’anéantissement infini qu’on nous offre.

 

 

             (Orphée se retournant terrifié ne trouva pas 


Eurydice. Mais on se demande, pourquoi une 


telle mort ?)

 

 

 


Traduit du grec par Michel Volkovitch


in, « Anthologie de la poésie grecque contemporaine, 1945 – 2000 »


Editions Gallimard (Poésie), 2000

 


De la même autrice :


 Imagination du moi / Φαντασία του εγώ (13/04/2023)


Tristesse de la cité / Ηλυπημένη πολιτεία (13/04/2024)

 


Ευρυδίκης ψίθυρος

 

 


Μην πιστεύεις…

 

Μαζί μου να ’ρθεις. Μην επιμένεις

 

στο σώμα πιστέψαμε τόσο πολύ

 

κι ακούσαμε την περίπαθη μουσική του,

 

 


όμως μην πιστεύεις στην ηδονή.

 

Είναι τόσο δυνατή η οδύνη

 

που την αποσβήνει.

 

Το σώμα

 

πονεί όταν πεθαίνει,

 

σαν του λαχαίνει την πλήρη του δόξα

 

να χωριστεί. Να τ’ απαρνηθείς.

 

Καλύτερα είναι να τ’ απαρνηθείς;

 

Μη με σέρνεις, μη με παίρνεις πάλι

 

στη δύναμη της ζωής.

 

Ήταν τόσο δριμύς ο θάνατος

 

που με πήρε.

 

Μαζί μου να ’ρθεις.

 

Θα δοκιμάσεις του μηδενός τη μαγεία.

 

Θ’ αγγίξει το τέλειο σώμα σου

 

την πυκνήν ανυπαρξία.

 

Θα γνωρίσεις τη λίθινη λήθη

 

στη δική μου ακινησία

 

θα σβήσεις τη δίψα σου της ζωής.

 

 


Όταν τόσο μπορείς τη ζωή να λατρεύεις,

 

στη ζωή τόσο όταν πιστεύεις,

 

μονάχα το μηδέν παρηγορεί

 

στην απέραντη συντριβή που σου δίνει.

 

 


(Πετρίτρομος στράφηκε ο Ορφέας και βέβαια δεν βρήκε την Ευρυδίκη…

 

Όμως ρωτιέται κανείς, γιατί πέθανε τέτοιο θάνατο;)

 

 

 


Poème précédent en grec : 


Yorgos Markopoulos / Γιώργος Μαρκόπουλος : Mon père voulait construire une maison / « Ο πατέρας μου έφαγε μια

ζωή για να φτιάξει ένα σπίτι... (23/121/2024)
 

12 avril 2025

Percy Bysshe Shelley (1792 – 1822) : Orphée / Orpheus

 

 

Orphée

 

 

A. Non loin d’ici. Du pic, là-bas de cette colline

 

Coiffée d’une couronne de chênes, peut-être aperçois-tu

 

Un champ sombre et aride traversé par le flot

 

Paresseux et noir, d’un cours d’eau profond mais étroit

 

Que le vent ne ride pas, et que contemple en vain

 

La lune blonde, sans y trouver de miroir.

 

Longe les rives sans herbe de ce ruisseau étrange

 

Jusqu’à la halte d’une sombre mare,

 

Fontaine de ce ru dont le jaillissement

 

Est soustrait au regard par la nuit sans radiance

 

Qui règne sous le surplomb du roc

 

Ombrageant cette mare — intarissable source de ténèbres

 

Au bord de laquelle vacille la tendre lumière

 

Qui tremble de se mêler à sa maîtresse, —

 

Mais, de même que Syrinx Pan, la nuit fuit le jour,

 

Ou, murée dans la plus aveugle aversion,

 

Oppose un non brutal à son étreinte céleste.

 

En un flanc ravagé de cette colline informe

 

Se trouve une caverne, d’où monte en tourbillons

 

Un brouillard pâle, comme une gaze tissée d ’air,

 

Dont le souffle détruit toute vie — un instant elle voile

 

Le roc — avant de fuir, dispersée par le vent,

 

En suivant l’onde, ou de s’attarder au-dessus des crevasses,

 

Tuan t dans leur sommeil les vers, s’il en subsiste là.

 

Sur l’arête en saillie de ce sombre rocher

 

Se dresse un groupe de cyprès ; rien de semblable à ceux

 

Qui, de leur cime gracieuse et de leur vie frémissante

 

Transpercent le ciel pur de ta vallée natale,

 

Et dont l’air joue parmi les branches, mais sans

 

Rien déranger, de crainte de flétrir leur grâce solennelle ;

 

Non, ceux-là se dressent, desséchés et fourbus,

 

En se cramponnant l’un à l’autre ; leurs rameaux chétifs

 

Gémissent sous les gifles du vent, et ils tremblent

 

Sous ses rafales — équipage rossé par les grains !


Le Chœur. Quel son merveilleux est-ce là, évanescent et triste

 

Mais plus mélodieux que le murmure du vent

 

Qui se faufile entre les colonnes d’un temple ?

 

 


A.  C’est la voix errante de la lyre d’Orphée

 

Portée par les vents qui soupirent parce que leur roi brutal

 

Les presse de fuir vite ces notes emplissant l’air :

 

Mais dans leur précipitation avec eux ils emportent

 

Le son déchirant et le répandent, comme une rosée,

 

Sur les sens qui tressaillent.

 

 


Le Chœur. Chante-t-il encore ?

 

Je croyais que, de rage, il avait jeté sa harpe

 

Lorsqu’il avait perdu Eurydice.

 

 


A. Ah, non !

 

Il s ’est arrêté un temps. Comme un pauvre cerf aux abois

 

Frissonne un instant sur le bord effrayant

 

D’un courant rapide — les chiens cruels le harcèlent

 

De leurs cris assourdissants, les flèches étincelantes blessent –

 

Il plonge : Ainsi Orphée, happé et déchiré

 

Par les crocs acérés d’un inapaisable chagrin,

 

Agita telle une Ménade sa lyre dans l’air radieux

 

Et, sauvage, hurla : « Là où elle est, règne l’obscurité ! »

 

Mais il délivra dès lors de ses cordes un son

 

D’une mélodie profonde et terrible. Hélas !

 

En un lointain passé, quand la blonde Eurydice

 

Aux yeux brillants venait s’asseoir à ses côtés,

 

Il chantait à voix douce des thèmes célestes.

 

Comme dans un ruisseau qui, agité de vaguelettes

 

Par les souffles légers du printemps — la moindre ride

 

Offre au soleil un miroir à mille facettes,

 

S’écoule musicalement entre ses berges vertes,

 

Sans cesse et sans arrêt, toujours limpide et frais,

 

Ainsi coulait son chant, reflétant la joie profonde

 

Et le tendre amour qui nourrissaient ces notes exquises,

 

Progéniture céleste de la nourriture au goût d’ambroisie.

 

Mais c’est là du passé. Au retour des Enfers terribles,

 

Il choisit un siège solitaire de pierre non taillée,

 

Noircie de lichens, dans une plaine sans herbe.

 

Alors, de la source profonde et débordante

 

D’un chagrin éternel, étreignant à jamais,

 

Jaillirent vers le ciel les accents d’un chant rageur.

 

C’est comme une cataracte puissante qui sépare

 

Deux roches sœurs de ses rapides violents

 

Et se jette, dans le vacarme d ’un grondement horrible,

 

En bas d’un précipice ; d ’une source perpétuelle

 

Elle coule et tombe sans cesse et fend l’air

 

D’un grondement énorme et furieux, mais d’une harmonie sans pareille

 

Et, en tombant, projette une gerbe d ’écume

 

Que le soleil revêt des teintes de la lumière d ’iris.

 

Ainsi le torrent tempétueux de son chagrin

 

Est revêtu des sons les plus exquis et des mots variés

 

De la poésie. A la différence de toutes les œuvres hum aines,

 

 

Sagesse et beauté jointes au don divin

 

 


De la puissante poésie demeurent ensemble,

 

Se mêlant en un doux accord. De même ai-je vu

 

 


Un violent souffle du sud déchirer le ciel assombri,

 

Chassant la ribambelle des nuages ailés

 

Incapables de résister, mais toujours plus vite poussés

 

Selon le bon vouloir de leur berger, tandis que les étoiles,

 

Scintillant d ’une faible lueur, lorgnent entre les panaches.

 

Bientôt le ciel est dégagé, et le dôme élevé

 

De la voûte sereine, étoilée de fleurs embrasées,

 

Enferme la terre ébranlée ; à moins que la lune immobile,

 

A la hâte, mais avec grâce, commence sa course,

 

Montant toute brillante derrière les collines de l’est.

 

Je parle de la lune et du vent et des étoiles, et non

 

Du chant; mais si à son Grand Chant je voulais faire écho

 

Il faudrait que Nature me prête des mots encore inconnus,

 

Ou c’est moi qui devrais emprunter à ses œuvres parfaites

 

Pour donner une image de ses attributs parfaits.

 

Il n’est plus assis sur son trône

 

De pierre dans une plaine déserte et sans herbe

 

Car les chênes toujours verts et noueux

 

Et les cyprès qui rarement agitent leurs branches

 

Et les oliviers vert-marin aux fruits délicieux

 

Et les ormes entraînant les vignes entortillées

 

Qui, dans leur hâte à suivre, laissent tomber leurs baies,

 

Et les buissons de prunelliers portant leur race naissante

 

De roses rougissant ; les bouleaux, chers aux amants

 

Et les saules pleureurs ; tous, rapides ou lents,

 

Au gré de leurs vastes ramures ou de leurs robes plus légères,

 

Ont fait cercle autour de son trône, et la Terre elle-même

 

A envoyé de son sein maternel une éclosion

 

De fleurs pareilles à des étoiles et d’herbes aux senteurs suaves,

 

Pour tapisser le sol du temple que sa poésie

 

A bâti, tandis qu’à ses pieds sont couchés des lions menaçants

 

Et que, par l’amour rendus téméraires, des enfants rampent près de son

 

     repaire.

 

Même les vers aveugles paraissent sensibles au son.

 

Les oiseaux restent silencieux, penchant la tête,

 

Sur le perchoir des plus basses branches.

 

Le rossignol lui-même ne lance aucune note

 

Rivale, mais en extase écoute

 

 

 


Traduit de l’anglais par Robert Davreu

 

1n, Revue Po&sie, N°70

 

Belin éditeur, 1994

 

Du même auteur : 


 « Il y eut une créature… » (24/12/2014)


L’Île / The Isle (09/09/2017)

 

Cimetière un soir d’été / A summer evening churchyard (12/04/2024)

 

 

Orpheus

 

A:

 

Not far from hence. From yonder pointed hill,

 

Crowned with a ring of oaks, you may behold

 

A dark and barren field, through which there flows,

 

Sluggish and black, a deep but narrow stream,

 

Which the wind ripples not, and the fair moon   

 
                    
Gazes in vain, and finds no mirror there.

 

Follow the herbless banks of that strange brook

 

Until you pause beside a darksome pond,

 

The fountain of this rivulet, whose gush

 

Cannot be seen, hid by a rayless night   


                            
That lives beneath the overhanging rock

 

That shades the pool--an endless spring of gloom,

 

Upon whose edge hovers the tender light,

 

Trembling to mingle with its paramour,--

 

But, as Syrinx fled Pan, so night flies day,  


                      
Or, with most sullen and regardless hate,

 

Refuses stern her heaven-born embrace.

 

On one side of this jagged and shapeless hill

 

There is a cave, from which there eddies up

 

A pale mist, like aereal gossamer,    

 

Whose breath destroys all life--awhile it veils

 

The rock--then, scattered by the wind, it flies

 

Along the stream, or lingers on the clefts,

 

Killing the sleepy worms, if aught bide there.

 

Upon the beetling edge of that dark rock  


                           
There stands a group of cypresses; not such

 

As, with a graceful spire and stirring life,

 

Pierce the pure heaven of your native vale,

 

Whose branches the air plays among, but not

 

Disturbs, fearing to spoil their solemn grace; 


                      
But blasted and all wearily they stand,

 

One to another clinging; their weak boughs

 

Sigh as the wind buffets them, and they shake

 

Beneath its blasts--a weatherbeaten crew!

 


CHORUS:

 

What wondrous sound is that, mournful and faint,    

 

But more melodious than the murmuring wind

 

Which through the columns of a temple glides?

 


A:

 

It is the wandering voice of Orpheus' lyre,

 

Borne by the winds, who sigh that their rude king

 

Hurries them fast from these air-feeding notes;    

 

But in their speed they bear along with them

 

The waning sound, scattering it like dew

 

Upon the startled sense.


CHORUS:

 

Does he still sing?

 

Methought he rashly cast away his harp

 

When he had lost Eurydice.

 


A:

 

Ah, no! 


                                                            
Awhile he paused. As a poor hunted stag

 

A moment shudders on the fearful brink

 

Of a swift stream--the cruel hounds press on

 

With deafening yell, the arrows glance and wound,--

 

He plunges in: so Orpheus, seized and torn     

 

By the sharp fangs of an insatiate grief,

 

Maenad-like waved his lyre in the bright air,

 

And wildly shrieked 'Where she is, it is dark!'

 

And then he struck from forth the strings a sound

 

Of deep and fearful melody. Alas!  

 

In times long past, when fair Eurydice

 

With her bright eyes sat listening by his side,

 

He gently sang of high and heavenly themes.

 

As in a brook, fretted with little waves

 

By the light airs of spring--each riplet makes  

 

A many-sided mirror for the sun,

 

While it flows musically through green banks,

 

Ceaseless and pauseless, ever clear and fresh,

 

So flowed his song, reflecting the deep joy

 

And tender love that fed those sweetest notes, 

 

The heavenly offspring of ambrosial food.

 

But that is past. Returning from drear Hell,

 

He chose a lonely seat of unhewn stone,

 

Blackened with lichens, on a herbless plain.

 

Then from the deep and overflowing spring 


                           
Of his eternal ever-moving grief

 

There rose to Heaven a sound of angry song.

 

'Tis as a mighty cataract that parts

 

Two sister rocks with waters swift and strong,   


                    
And casts itself with horrid roar and din

 

Adown a steep; from a perennial source

 

It ever flows and falls, and breaks the air

 

With loud and fierce, but most harmonious roar,

 

And as it falls casts up a vaporous spray

 

Which the sun clothes in hues of Iris light.   


                      
Thus the tempestuous torrent of his grief

 

Is clothed in sweetest sounds and varying words

 

Of poesy. Unlike all human works,

 

It never slackens, and through every change

 

Wisdom and beauty and the power divine   

 

Of mighty poesy together dwell,

 

Mingling in sweet accord. As I have seen

 

A fierce south blast tear through the darkened sky,

 

Driving along a rack of winged clouds,

 

Which may not pause, but ever hurry on, 

 

As their wild shepherd wills them, while the stars,

 

Twinkling and dim, peep from between the plumes


.
Anon the sky is cleared, and the high dome

 

Of serene Heaven, starred with fiery flowers,

 

Shuts in the shaken earth; or the still moon    


                    
Swiftly, yet gracefully, begins her walk,

 

Rising all bright behind the eastern hills.

 

I talk of moon, and wind, and stars, and not

 

Of song; but, would I echo his high song,

 

Nature must lend me words ne'er used before,  

 

Or I must borrow from her perfect works,

 

To picture forth his perfect attributes.

 

He does no longer sit upon his throne

 

Of rock upon a desert herbless plain,

 

For the evergreen and knotted ilexes,  

 

And cypresses that seldom wave their boughs,

 

And sea-green olives with their grateful fruit,

 

And elms dragging along the twisted vines,

 

Which drop their berries as they follow fast,

 

And blackthorn bushes with their infant race  

 

Of blushing rose-blooms; beeches, to lovers dear,

 

And weeping willow trees; all swift or slow,

 

As their huge boughs or lighter dress permit,

 

Have circled in his throne, and Earth herself

 

Has sent from her maternal breast a growth   

    
                
Of starlike flowers and herbs of odour sweet,

 

To pave the temple that his poesy

 

Has framed, while near his feet grim lions couch,

 

And kids, fearless from love, creep near his lair.

 

Even the blind worms seem to feel the sound.  

 

The birds are silent, hanging down their heads,

 

Perched on the lowest branches of the trees;

 

Not even the nightingale intrudes a note

 

In rivalry, but all entranced she listens.

 


Poème précédent en anglais :


Jack Kerouac : Mexico city blues (97 – 102ème Chorus) / 97– 102th Chorus) (27/03/2025)
 

11 avril 2025

Ella Yevtouchenko / Елла Юхимівна Євтушенко (1996 -) : Seule face aux ténèbres

    

 

 

Seule face aux ténèbres

                                                                                             

 

  « Notre époque est détraquée. Maudite fatalité,


que je ne sois jamais né pour la remettre en ordre ! ».


                                                                                                           WILLIAM SHAKESPEARE, Hamlet

 

 

l’époque est détraquée, l’hiver craintif


qui ne sait être ou ne pas être


te réveillera à quatre heures du matin


et versera la brume froide du doute


sur toi qui restes allongée dans ton lit.


tes rêves ou bien ce qu’il en reste, 


s’échapperont comme des glaçons de tes mains


te laissant seuls face aux ténèbres.

 

 

l’époque est détraquée, et tu te sens


bien impuissante à la remettre en ordre.


la neige fond, tombe et fond, et tombe encore


l’époque est à la fois d’eau et de glace


au matin le jour boîte, et l’aube


est devenue le moment le plus noir.


ah, si seulement un spectre avait surgi


pour te dire : tue le frère perfide


tu n’aurais pas de doute au moins, mais non, 


il y a cent voix – cent spectres – cent pensées –


il ne te reste que le brouillard


et l’eau obscure où l’hiver te noiera.

 

 

l’époque galope, et la pendule se fige.


le maquillage de l’hiver a coulé,


c’est un piteux acteur, un cabotin –


dommage que tu ne puisses l’essorer, 


le pendre comme du linge et le sécher,


pour qu’il ne vienne prendre d’assaut nos villes.


l’époque est détraquée ? fâcheux, car tu


ne sais pas même stopper un saignement


ou empêcher ton rêve de s’envoler.


Et... tu t’endors avec cette seule pensée.


tu rêves d’un kit de survie que tu prends


pour chercher dans la forêt le printemps.

 

31janvier 2022

 

 

 


Traduit de l’ukrainien par Ella Yevtouchenko et Bruno Doucey


In, Ella Yevtouchenko : « Au cœur de la maison »


Editions Bruno Doucey, 2023  

 


De la même autrice :    Un aujourd’hui sans fin (11/04/2024)
 

 

 

 

 

10 avril 2025

Jacques Réda (1929 - 2024) : Ligne 223

 

 

Ligne 323

 

Ivry

 

L’aimable dame qui me tend son unique baba

 

au rhum, et qui ressemble aux souris de boulangerie,

 

Me dit en rangeant la monnaie : « On en reste baba.


Je m ’excuse, Monsieur ; l’existence... Il faut bien qu’on rie


Un peu, que voulez-vous, sinon... » De nouveau dans la rue,


J’approuve doublement la boulangère aux gris cheveux


Qui vend peu de babas, d ’éclairs rosâtres et baveux


Dans le bas d’Ivry que submerge une muette crue


De gravats, de soleil et de verdure se hissant


Pour crouler opulente en haut d’un mur dont on pressent


Assez vite ce qu’il entoure (un peu trop de fleuristes


En face, d’angelots moulés comme dans du saindoux,


Et de tranches de marbre noir aux galbes futuristes).


Un escalier à becs de gaz en dégringole, d’où


L’on voit en perspective une autre immense nécropole


Abritant les vivants de Vitry-sur-Seine et Charenton.


Mais voici la rue Antoine-Thomas qui s’interpole


Comme un fragment de bucolique assez sale et carton -


Pâte dans ce chaos en voie, où qu’on puisse être,


De devenir le dur réel. Ici passent étroits


Nos rêves entre une forêt sans arbres, sans effrois,


Et ces grands bois d’Arcueil, Bagneux et du Kremlin-Bicêtre


Qui font une escorte funèbre au bus 323.

 

 

Malakoff

 

J’oubliais que la graminée incomestible


Mûrit en même temps que l’avoine et le blé,


Car les trains qu’alimente un abstrait combustible


Circulent désormais sans feu pour dépeupler

 

 

Ces cantons onduleux d’or à demi sauvages


Qui ne se penchent pas sous le faix des épis


Et ne sont moissonnés qu’au hasard des orages :


Des mauves d’ecchymose ont l’air d’être tapis

 

 

Déjà dans les ombres que bougent ces broussailles


Où l’héraclitéen soleil monte d’un pied


Furibond vers la voie et plonge sur Versailles


Dans un bruissement de fer et de papier.

 

 

Salut, talus, Thébaïde pour une urbaine


Extase et flancs sans loi de notre Sinaï,


Entablements levant un ciel d’ocre et d’ébène


Et, parmi les poteaux néfastes, l’ébahi

 

 

Flambeau d’un pavot qui se balance et qui pèse


Tout l’espace : les bois aux énormes sourcils


Froncés sur la vallée où la ville s’apaise


Entre les monuments qui demeurent assis

 

 

Tandis que l’orage en suspens, du même geste,


Pose sa lampe au fond des jardins ocellés


Et fait jaillir de son manteau cette main preste


Et livide à nouveau jetant des osselets

 

 

Villejuif

 

La végétation fait songer à des poux


S’accrochant dans la plus vigoureuse tignasse.


La contemple une épouse grasse avec l’époux


A son bras, qui s’emmerde, et deux trois Saint-Ignace

 

 

De la zone, au cou mince, au regard dévorant,


S’y faufilent vers leurs exercices mystiques


De ferraille ou de haricots dont tout un rang


Fleurit sous un léger nuage de moustiques.

 

 

Au chef-d’œuvre hardi qu’un maçon copia


Sur Venise et Bagneux, d’une égale truelle,


S’accote un cabanon de planches sépia


Qui fait communiquer le fond de la ruelle

 

 

Avec un monde obscur derrière les rideaux


Qui bougent, oui, qui vont s’écarter comme l’herbe


Au passage d’un chat rouge dont les gros dos,


Et les ronronnements d’engrenages et l’air

 

 

Beaucoup trop bouddhique devraient nous donner à


Réfléchir. Au-delà d ’épouvantails qui jonglent


Avec la pie et l’étourneau, c’est un fol opéra


Canin qu’on déchaîne en entrant dans cette jungle

 

 

Où les clôtures en état d’ébriété


Titubant au long des sentiers dans l’immondice


Y proclament le droit à la propriété.


Entre des lambeaux de la robe d’Eurydice

 

 

Renvoyée aux Enfers avec ce long appel


Que répercute sur deux tons une ambulance,


L’hôpital aux angles brillants comme un scalpel


Élève sur la steppe un tombeau de silence.

 

 

Arcueil

 

Dimanche ténébreux tirant la pâle joie


D’un rayon, comme un promeneur pousse un caillou


Le long des boulevards dominant Arcueil où


L’on cherche encore, étroite et suave, la voie


Qui prenait jadis entre l’âme et les rosiers,


Comme au passage de la douce incarnadine


S’ouvre soudain là-bas l’immense gabardine


Du malade à qui l’on a dit « si vous osiez... »


Et qui ravi de honte et d ’extase trafique


Déjà l’autre embuscade au revers d’un talus.


Je voulais voir de près les jambages poilus


Que tracent les piliers du haut pont maléfique


Sous l’herbe qui se hâte et le soir soucieux.


On n’entend pas chanter là-haut les eaux obscures.


Des gens vivent apparemment en épicures


Sous ce scolopendre d’enfer, mais aussi eux


(Si j’en crois ces volets bien clos et le silence)


Demeurent malgré l’habitude circonspects.


Un regard Henri II y dédie à la paix


Son édicule funéraire, et l’indolence


Règne jusque chez Les Fils de Victor Michel


Dont l’usine présentement est occupée,


Moins par les syndicats que par une cépée


Ombrant le pré voisin doux au romanichel.


L’Anis Gras est plus loin, devant l’arrêt Lénine :


On s’attarde un peu, l’air alentour ne sent rien


Et c’est banal auprès du grand style assyrien


De la Poste. Le reste a pris de la strychnine


Et crève debout comme un sombre alléluia


Entre l’église en suie et le grand buddléia


Portant gaiement le demi-deuil de la mémoire.


On retrouve au rond-point dit de La Vache Noire


L’aqueduc qui poursuit son cours, mais enterré


Sous un galop de potagers et de prairie.


(Quand toute source en moi sera presque tarie,


J e reviendrai peut-être ici, puis m’en irai


Léger, dans le ciel bas, comme une allégorie)

 

 

Sceaux

 

Je prends un petit personnage entre deux doigts


Et le repose un peu plus loin sur la pelouse.


Il y recommence à courir. Ils étaient trois ;


En voilà cinq, en voilà neuf, en voilà douze,


Il en sort de partout sous les sévères bois :

 

 

Des bleus, des blancs, des verts d’un autre vert, des jaunes,


Un rouge qui doit être à mon sens féminin


Et qui va disparaître, indifférent aux faunes,


Dans les fourrés. Un ciel dément à la Bernin


Se convulse dans des volutes de cyclone

 

 

Arrachant l’astre comme un casque de nickel,


Cassant des traits cuivrés sur les chiens qui gambadent


Et font leur loi cynique. On ne sait pas lequel

 

Fuir, et l’on va de dérobade en dérobade,


De danois débonnaire en féroce teckel,

 

 

Vers le canal et ses peupliers d’Italie


Dont le vent fait ronfler et tordre les fuseaux.


L’allégresse, la peur et la mélancolie


S’évaporent à la surface de ces eaux :


L’âme à l’exemple des pêcheurs y concilie

 

 

Son néant et sa plénitude. Le bassin


Octogonal, ouvert sous une rampe aztèque 


Et sous l’octuple autel de la cascade, est ceint


Du silence feuillu d’une bibliothèque


Où rôderait le souvenir d ’un assassin.

 

 

On n’ose interroger l’une ou l’autre statue


Mutilée, ou les cerfs (ni la biche et le faon)


A peine réchappés d’une rude battue,


Car leur bronze aux naseaux qui palpitent se fend


Comme devant une abondance de laitue :

 

 

Malgré tous ces coureurs, au bout des promenoirs


Sylvestres, secouant en rythme leur gelée


Sous les multicolores points de leurs peignoirs ;


Malgré cet or soudain du pinceau de Gellée,


Le ciel, les eaux, les bois et tous les fonds sont noirs.

 

 

Le Kremlin-Bicêtre


Assez de cimetières. Las à la fin de marcher,

 

Comme chacun je chine au tour de deux ou trois liquettes

 

Parmi les tas du Kremlin-Bicêtre, sur le marché

 

Où le mulâtre amer et les adorables biquettes

 

A x yeux d ’ambre qui vont avec leur clan endimanché

 

Pouffent en regardant la grosse enfiler une robe

 

Entre des toiles qui tremblotent. C’est en français

 

Très p u r qu’elles lui disent merde, et se font en arabe

 

Vertement reprendre. La foule empêche tout accès

 

Hors de ses remous plus profonds et sombres qu’un érèbe.

 

Elle m’emporte sous les flammes roses des tréteau 

 

Ondulant avec la la la monotone musique

 

Auvent qui visite en flânant les cours des hôpitaux

 

Et qui bouleverse tous les jardin s en amnésique :

 

Il cherche, cherche et fuit vers les confins occidentaux

 

Où de l’Etoile à Courbevoie élèvent leur stature

 

Les monuments un peu déconcertés sur l’horizon.

 

De nouveau je marche avec ce soulier qui me triture

 

Mais satisfait de ma chemise, et la température

 

Reste délicieusement fraîche pour la saison.

 

 

 


Revue Po&sie, N°19


Belin éditeur, 1981

 


Du même auteur :

 

Elégie de la petite gare (10/04/2015) Aux environs (10/04/2015) 

 

Aux environs (10/04/16)


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« Quand montant de la porte d’Orléans… » (10/04/2018)

 

Oraison du matin (10/04/2019)

 

Le soir, rue de la Duée (10/04/2020)

 

L’aurore hésite (10/04/2021)

 

Lettre à Marie (10/04/2022)

 

La pente (10/04/2023)

 

Un paradis d’oiseaux (10/04/2024)
 

8 avril 2025

Pierre Reverdy (1889 – 1960) : De la pierre à l’eau

 

 

  De la pierre à l’eau

 

Le ciel est trop bas


                 Pour qu’on puisse rire


            La mer se retire 


            Et le jour s’en va


Les lumières poussent au ras du sol


Au bord de l’eau crépitent les étoiles


l’odeur des arbres morts


les cris pris dans les voiles


Et le bras vigoureux qui dresse le décor


Les hommes 


Les vaisseaux


Les feux du sémaphore


Sur le sable mouvant et les pas de la nuit


Dans le même rayon l’eau qui se décolore


Et le visage rond qui monte


                                   ou l’œil qui rit


Ce coin où les signaux sont plus loin que le monde


Où le feu qui se pose est plus vite englouti


Quand le soleil éclate et que l’air devient rose


Ce coin sous les rochers humides


                                       Et à midi

 

 

 

Sources du vent


Maurice Sachs éditeur, 1929


Du même auteur :


Cran d’arrêt (12/06/2014)

 

ard dans la vie (13/11/2014)


Chemin tournant (09/04/2016)


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