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Le bar à poèmes
2 février 2016

William Shakespeare (1564 – 1616) : « Lorsque quarante hivers… » / «When forty winters… »

1311250-William_Shakespeare[1]

 2

 

Lorsque quarante hivers auront battu ton front

Et labouré profond le champ de ta beauté,

Ton fier pourpoint de jeunesse, tant admiré,

Sera guenille dont on fera peu de cas.

 

A qui demanderait alors : où donc est-elle

Ta beauté, ton trésor des jours ardents, où donc ?

Répondre qu’ils sont enfouis dans tes yeux caves

Serait honte sans merci, louange de misère.

 

Combien plus nous louerions l’emploi de ta beauté

Si ta réponse était : « Ce bel enfant que j’ai

Pour moi sera garant, excusant ma vieillesse »,

Prouvant que sa beauté par succession est tienne.

 

Ce serait là renaître alors que tu es vieux,

Revoir ardent un sang qui se glace en tes veines.

 

 Traduit de l’anglais par Henri Thomas

In, "Oeuvres complètes de Shakespeare, Tome 7"

Editions Formes et Reflets, 1961

 

     Lorsque quarante hivers auront assailli ton front et creusé au champ de ta

beauté des tranchées profondes, la fière livrée de ta jeunesse si bien regardée

maintenant sera le vêtement foulé que l’on tient pour peu de choses ;

     Et sollicité de dire où elle gît ta beauté, où gisent tous les trésors de tes jours

de volupté : répondre qu’ils sont dans tes propres yeux creux, ce serait

dévorante honte, louange impuissante.

     Que l’usage de tes beautés mériterait plus de louange, si tu pouvais répondre

« un bel enfant de moi va payer pour mon compte, il excusera mon âge », en

montrant sa beauté tienne par succession.

     Ce serait faire neuf alors que tu es vieux, et voir ton sang brûlant alors que

tu l’as froid.

 

 Traduit de l’anglais par Pierre Jean Jouve

In, "Sonnets de Shakespeare"

Editions du Sagittaire (Club français du livre, 1955)

 

Lorsque quarante hivers assiégeront ton front,

Creusant de lourds sillons au champ de ta beauté,

Le fier habit de ta jeunesse, tant admiré,

Ne sera que haillon, tenu pour sans valeur.

Alors,  à qui demande où ta beauté demeure,

Où sont tous les trésors de tes vertes années,

Dire qu’on les retrouve en tes yeux enfoncés

Serait éloge creux et dévorante honte.

Combien plus on louerait l’emploi de ta beauté

Si tu pouvais répondre : « Ce bel enfant de moi

Apurera mon compte, justifiant ma vieillesse »,

Prouvant que sa beauté par succession est tienne.

     Ce serait recréer ton être vieillissant

     Et réchauffer ton sang que tu sentiras froid.

 

Traduit de l’anglais par Robert Ellrodt

In, « William Shakespeare, Oeuvres complètes. Poésies »

Editions Robert Laffont (Bouquins), 2002

 

Quand ces quarante hivers assiégeront ton front,

Creusant d’épais sillons au champ de ta beauté,

Ton habit de jeunesse, fier et tant admiré,

Sera tout en guenilles, et de tous méprisé :

Qu’on te demande alors où ta beauté réside,

Où donc est le trésor de tes jours enfiévrés ?

Si tu prétends répondre : en mes yeux naufragés,

Tu mérites la honte et bien peu de louange.

On le louerait bien plus, l’emploi de ta beauté,

Si ta réponse était : « Le bel enfant que j’ai

Mettra mon compte à jour, excusant ma vieillesse »,

Prouvant que sa beauté vient en ligne de moi !

Ce serait renouveau quand la vieillesse est là,

Et ton sang réchauffé quand déjà il se glace.

 

Traduit de l’anglais par Jean Orizet

In, Revue « Poésie1 / Vagabondage, N° 33, mars 2003 »

Le cherche midi éditeur, 2003

 

Quand de quarante hivers ton front blanchi

Verra son champ tout creusé de sillons,

Ton jeune habit, si prisé aujourd’hui,

N’aura pas plus de prix qu’un vil haillon :

Si l’on s’enquiert de ta beauté trompeuse

Et des trésors de tes jours luxurieux,

Dire qu’ils sont dans tes orbites creuses

Serait sans vergogne, éloge peu glorieux.

De ta beauté on louerait mieux l’usage

Si tu pouvais répondre : « cet enfant

Paye ma dette et rachète mon âge »,

Prouvant par sa bonté ton leg vivant.

          Se serait vivre à neuf, l’âge effacé,

          Et voir se réchauffer ton sang glacé.

 

 

Traduit de l’anglais par André Markowicz et Françoise Morvan,

In, William Shakespeare : « Les sonnets »

Editions Mesures, 2023

Du même auteur :

« C’est quand mon œil est clos… » / « When most I wink… » (02/02/2015)

« Quand je compte les coups du balancier... » / « When I do count the clock... » (09/09/2021)

 Les yeux de mon amante... » / « My mistress' eyes... » (09/092022)

« Mon poème a menti... » / « Those lines that I before have writ do lie... » (09/0/9/2023)

« D’aucuns vantent leur nom.. » / « Some glory in their birth,... » (09/09/2024)

 

2

 

When forty winters shall besiege thy brow

And dig deep trenches in thy beauty's field,

Thy youth's proud livery so gazed on now,

Will be a tottered weed of small worth held. 

 

Then, being asked, where all thy beauty lies,

Where all the treasure of thy lusty days; 

To say, within thine own deep sunken eyes,

Were an all-eating shame, and thriftless praise.

 

How much more praise deserved thy beauty's use,

If thou could answer “This fair child of mine

Shall sum my count, and make my old excuse,”

Proving his beauty by succession thine!

 

This were to be new made when thou art old,

And see thy blood warm when thou feel'st it cold.

 

SHAKESPEARES / SONNETS / Never before imprimed

Thomas Torpe, 1609

Poème précédent en anglais :

Walt Whitman  : Drossé au sable / Sea - drift (28/01/2016)

Poème suivant en anglais :

Charles Bukowski : L’écrasement / The crunch (10/02/2016)

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