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Le bar à poèmes
9 septembre 2023

William Shakespeare (1564 – 1616) : « Mon poème a menti... » / « Those lines that I before have writ do lie... »

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 CXV

Mon poème a menti, qui déclarait hier

Atteint le point où tout amour doit culminer ;

Mon jugement d’alors n’osait imaginer

Que sa flamme parfaite brûlerait plus claire.

 

Je comptais sur le temps qui dans son désarroi

Corrompt le Beau, brise le pacte, use la lame

Aiguisée du désir, brade les lois des rois,

Fourvoie dans son méandre les meilleures âmes.

 

Hélas ! J’avais du temps vorace l’inquiétude...

Pour l’instant souverain le reste je niais

Passant les doutes pour entrer en certitude

Et je pouvais jurer t’aimer plus que jamais !

 

. J’aurai dû ne rien dire :

-Laisser à l’infini l’épanoui s’épanouir.

 

 

Traduit de l’anglais par Cédric Demangeot

In, Revue « Moriturus N°3-4, avril 2004 »

Editions Fissile, 09310 les cabannes, 2004

 

115

Ces vers que j’écrivis mentent, qui prétendaient

Que je ne pourrais pas te chérir davantage,

Mais je ne voyais point comment plus tard ma flamme,

Si haut alors, pourrait encore s’aviver.

 

Et puis songeant au Temps, dont les mille hasards

Défont les vœux, et changent les décrets des rois,

Fanent la beauté sainte, usent les durs vouloirs,

Mènent les forts esprits au gré de ce qui change, -

 

Hélas ! alors, craignant la tyrannie du temps,

Pourquoi n’aurais-je dit : « C’est maintenant que j’aime

Le mieux », quand il n’était pour moi rien d’incertain,

Couronnant le présent, doutant de tout le reste ?

 

Amour est un enfant : j’aurai donc dû me taire,

Laissant pleine croissance à ce qui croit encore.

 

 Traduit de l’anglais par Henri Thomas

In, "Oeuvres complètes de Shakespeare, Tome 7"

Editions Formes et Reflets, 1961

 

115

Ils mentent, ces vers que j’écrivis, oui, ceux-là mêmes

Où je prétendais ne pouvoir vous aimer plus ;

Ma raison ne pouvait déjà savoir alors

Qu’une si haute flamme pourrait brûler plus claire.

Mais puisque le Temps, en ses millions d’accidents,

S’infiltre entre les vœux, change un édit royal,

Ternit beauté divine, émousse les désirs,

Et ploie un esprit ferme au cours changeant des choses –

Hélas ! pourquoi, craignant la tyrannie du temps,

N’eus-je pu dire « Maintenant je vous aime le plus »,

Certain que j’en étais contre l’incertitude,

Couronnant le présent, doutant de tout le reste ?

     L’amour est un enfant : il n’eût fallu le dire

     En sa pleine croissance puisqu’il peut croître encore.

 

Traduit de l’anglais par Robert Ellrodt

In, « William Shakespeare, Oeuvres complètes. Poésies »

Editions Robert Laffont (Bouquins), 2002

 

Ses yeux ne sont point tels que des soleils,

Le corail est plus rouge que ses lèvres,

Son sein n’est point à la neige pareil, 

Ses cheveux noirs sont loin du fil d’orfèvre.

J’ai vu s’ouvrir des roses sous les cieux

Mais sur ses joues je n’en vois point fleurir

Et il est des parfums plus délicieux

Que son haleine exhalée en soupir.

J’aime sa voix, mais je dois avouer

Que la musique est mieux faite pour plaire.

Je n’ai point vu de déesse marcher ;

Ma maîtresse, elle, a les deux pieds sur terre.

          Mais, par le ciel, je la crois aussi rare

          Qu’aucune autre qu’on loue, pare et compare.

 

Traduit de l’anglais par André Markowicz et Françoise Morvan,

In, William Shakespeare : « Les sonnets »

Editions Mesures, 2023

Du même auteur :

« C’est quand mon œil est clos… » / "When most I wink..." (02/02/2015)

« Lorsque quarante hivers… » / «When forty winters… » (02/02/2016)

« Quand je compte les coups du balancier... » / « When I do count the clock... » (09/09/2021)

« Les yeux de mon amante... » / « My mistress' eyes... » (09/09/2022)

« D’aucuns vantent leur nom.. » / « Some glory in their birth,... » (09/09/2024)

 

115

Those lines that I before have writ do lie,

Even those that said I could not love you dearer ;

Yet then my judgment knew no reason why

My most full flame should afterwards burn clearer.

But reckoning Time, whose millioned accidents

Creep in 'twixt vows, and change decrees of kings,

Tan sacred beauty, blunt the sharp'st intents,

Divert strong minds to th’ course of alt’ring things-

Alas, why, fearing of time's tyranny,

Might I not then say, « Now I love you best »,

When I was certain o'er incertainty,

Crowning the present, doubting of the rest?

   Love is a babe ; then might I not say so,

   To give full growth to that which still doth grow.

 

SHAKE-SPEARES / SONNETS / Never before imprimed

Thomas Torpe, 1609

 Poème précédent en anglais :

Walter Scott : Jock de Hazeldean / Jock of Hazeldean (18/08/2023)

 Poème suivant en anglais :

Richard Brautigan : Un coup de vieux dans le nez / My nose is growinge old (27/09/2023)

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