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Le bar à poèmes
23 septembre 2023

Uwe Kolbe (1957 -) : Pour Allen Ginsberg, décédé le 5 avril 1997 / Für Allen Ginsberg, gestorben am 5. April 1997

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Foto : dirk optiz

&

Pour Allen Ginsberg, décédé le 5 avril 1997

 

Tu n’étais pas là, quand je suis venu à New-York

pour la première fois de ma vie, en septembre 1987.

Je ne trouvai que ton usine, que ton atelier de poésie.

Les gens travaillaient sur des photocopieuses et des télécopieurs.

Quelqu’un me montra la piaule avec ton lit.

Je ne l’avais pas demandé, mais je l’avais craint.

Tu n’étais pas là, et cà m’amusait, et j’étais gêné.

« This is the shrine and where he meditates ! -  I see... »

Tu avais laissé ton gros livre rouge

avec tes Collected Poems, avec un dessin

et la dédicace : « for Uwe Kolbe & Friends ».

Tu ignorais que j’étais solitaire.

Même la dédicace de tes poésie complètes

pour tes parents me resta à l’époque étrangère.

Nous ne nous connaissions pas, et j’appartenais

dans la double Allemagne à la génération presque prochaine.

La poésie beat voulait que nous devenions tous

vos disciples.

Personne ne pouvait prévoir que Burroughs

te survivrait.

Parce qu’il n’était quand même pas assez salaud,

comme tu l’avais supposé dans ton poème America pour rester à Tanger.

Ton travail consistait à prendre le monde dans tes bras par amour.

Tu as fait partie des gens au long souffle.

Tu n’as oublié aucune note sur ton orgue de prédicateur.

Au milieu des années quatre-vingt, je n’avais pas appris à temps

ta venue à Berlin-Est organisée par ce salaud de Sascha A. (1)

parce que je ne faisais pas partie des un-sur-sept.

On disait qu’en RDA un habitant sur sept avait le téléphone,

je présume qu’il y en avait moins.

Mais j’ai encore la cassette de ta prestation.

C’est chouette d’entendre comme les Berlinois de l’Est

étaient coincés quand ils parlaient leur anglais innocemment mauvais.

Ta voix maintenant disparaît lentement

dans les bruits de l’arrière-fond.

Le blues de la Fathers Death reste ma chanson préférée

de ces années-là, Bird Brain en était le résumé formidablement facile.

Ce n’est qu’en 1993 que tout marcha, et je pus t’écouter in live,

« Orplid and Co » merci. Tu revenais de Sarajevo.

Ce soir-là, tu appelais à la « guerre-éclair » culturelle

et tu voulus nous envoyer tous, nous les intellectuels allemands,

du café Clara directement là-bas. Tu te servais des mots

comme quelqu’un qui en a le droit.

Il n’en a rien été.

Tu n’as pas non plus réussi à implanter chez nous

ta joyeuse conception de la baise. On sait qu’en Amérique non plus.

C’est vrai que maintenant on en aurait besoin ;

juste avant l’Anno Domini 2000. Tu sais comment sont les choses aujourd’hui.

La liberté est assez brutale. Assez difficile à supporter

sans toi.

 

(1) Il s’agit du poète Sascha Anderson, accusé d’avoir travaillé pour la Stasi.

 

 

Traduit de l’allemand par François Mathieu

In, « La poésie allemande contemporaine »

Editions Seghers / Goethe-Institut Inter Nationes, Paris, 2001

 

 

Du warst nicht da, als ich nach Nerw-York kam

das erste Mal im Leben, September 1987.

Nur deine Fabrik fand ich vor, nur die poetische Werkstatt.

Die Leute arbeiteten an Kopierer und Faxgerät.

Jemand zeigte mir die Kammer mit deinem Bett.

Ich hatte nicht danach gefragt, hatte es aber befürchtet.

Du warst nicht da, und ich war amüsiert und geniert.

« This is the shrine and where  he meditates ! » « I see... »

Das dicke rote Buch mit deinen Collected Poems

hattest du hinterlassen, mit einerZeichnung versehen

und der Widmung : « for Uwe Kolbe & Friends ».

Du wußtest nichts von meinem Einzelgängerturm.

Selbst die Zueignung deiner gesammelten Gedichte

für deine Eltern blieb mir damals irgendwie fremd.

Wir kannten einander nicht, und ich gehörte der beinahe

übernächsten Generation an in Zwiedeutschland.

Die Poesie der Beats war so, wir mußten alle

eure Jünger werden.

Daß Burroughs dich noch überlebte,

hat niemand voraussehen können.

Wohl weil er doch  nicht so fies war, in Tanger zu bleiben,

wie du es in deinem Gedicht America vermutet hast.

Deine Arbeit war eine Liebesumarmung der Welt.

Du hast zu denen mit dem langen Atem gehört.

Du hast keinen Ton ausgelassen auf deiner Predigerorgel.

Von deinem Auftritt in Ostberlin der auf Sascha A.s Mist

gewachsen war, damals, Mitte der Achtziger, hatte ich nicht

rechtzeitig gehört, weil ich kein Siebenter war.

In der DDR hatte angeblich jeder Siebenter Telefon,

vermutlich waren es weniger.

Aber die Tonbandkassette von dem Auftritt habe ich noch,

Gut zu hören ist, wie verklemmt die Ostberliner waren

in ihrem unschuldig schlechten Englisch.

Deine Stimme geht jezt langsam

in das Hintergrundrauschen ein.

Der Blues vom Fathers Death bleibt  mein Lieblingslied

jener Jahre, Bird Brain was ihr großartig leichtes Resümee.

Nur 1993 paßte alles zusammen, und ich konnte dir live zuhören,

« Orplid und Co.e.V. » sei Dank, Du kamst aust Sarajevo.

An dem Abend riefst du auf zum kulturellen « Blitzkreig »

und wolltest uns deutsche Intellektuelle allesamt

direkt vom Café Clara  weg dorthin schicken . Das Wort

benutztest du wie einer, der so  etwas darf.

Daraus ist nichts geworden.

Auch dein fröhlicher Umgang mit dem Ficken hat sich bei uns

nicht eingebürgert. Bekanntlich auch in Amerika nicht.

Dabei könnten wir gerade den jetzt gebrauchen,

kurz von Anno Domini 2000. Du weißt ja, wie’s heute aussieht.

Ziemlich brutale Freiheit. Ziemlich  schwer auszuhalten

ohne dich.

 

Vineta

Suhrkamp Verlag, Franckfurt, 1998

 

Poème précédent en allemand :

Jacob van Hoddis (1887 – 1942) : Fin du monde / Weltende(09/07/2023)

Poème suivant en allemand :

Wolfdietrich Schnurre : Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (IV) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (IV) (28/11/2023)

 

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