Uwe Kolbe (1957 -) : Pour Allen Ginsberg, décédé le 5 avril 1997 / Für Allen Ginsberg, gestorben am 5. April 1997
Foto : dirk optiz
&
Pour Allen Ginsberg, décédé le 5 avril 1997
Tu n’étais pas là, quand je suis venu à New-York
pour la première fois de ma vie, en septembre 1987.
Je ne trouvai que ton usine, que ton atelier de poésie.
Les gens travaillaient sur des photocopieuses et des télécopieurs.
Quelqu’un me montra la piaule avec ton lit.
Je ne l’avais pas demandé, mais je l’avais craint.
Tu n’étais pas là, et cà m’amusait, et j’étais gêné.
« This is the shrine and where he meditates ! - I see... »
Tu avais laissé ton gros livre rouge
avec tes Collected Poems, avec un dessin
et la dédicace : « for Uwe Kolbe & Friends ».
Tu ignorais que j’étais solitaire.
Même la dédicace de tes poésie complètes
pour tes parents me resta à l’époque étrangère.
Nous ne nous connaissions pas, et j’appartenais
dans la double Allemagne à la génération presque prochaine.
La poésie beat voulait que nous devenions tous
vos disciples.
Personne ne pouvait prévoir que Burroughs
te survivrait.
Parce qu’il n’était quand même pas assez salaud,
comme tu l’avais supposé dans ton poème America pour rester à Tanger.
Ton travail consistait à prendre le monde dans tes bras par amour.
Tu as fait partie des gens au long souffle.
Tu n’as oublié aucune note sur ton orgue de prédicateur.
Au milieu des années quatre-vingt, je n’avais pas appris à temps
ta venue à Berlin-Est organisée par ce salaud de Sascha A. (1)
parce que je ne faisais pas partie des un-sur-sept.
On disait qu’en RDA un habitant sur sept avait le téléphone,
je présume qu’il y en avait moins.
Mais j’ai encore la cassette de ta prestation.
C’est chouette d’entendre comme les Berlinois de l’Est
étaient coincés quand ils parlaient leur anglais innocemment mauvais.
Ta voix maintenant disparaît lentement
dans les bruits de l’arrière-fond.
Le blues de la Fathers Death reste ma chanson préférée
de ces années-là, Bird Brain en était le résumé formidablement facile.
Ce n’est qu’en 1993 que tout marcha, et je pus t’écouter in live,
« Orplid and Co » merci. Tu revenais de Sarajevo.
Ce soir-là, tu appelais à la « guerre-éclair » culturelle
et tu voulus nous envoyer tous, nous les intellectuels allemands,
du café Clara directement là-bas. Tu te servais des mots
comme quelqu’un qui en a le droit.
Il n’en a rien été.
Tu n’as pas non plus réussi à implanter chez nous
ta joyeuse conception de la baise. On sait qu’en Amérique non plus.
C’est vrai que maintenant on en aurait besoin ;
juste avant l’Anno Domini 2000. Tu sais comment sont les choses aujourd’hui.
La liberté est assez brutale. Assez difficile à supporter
sans toi.
(1) Il s’agit du poète Sascha Anderson, accusé d’avoir travaillé pour la Stasi.
Traduit de l’allemand par François Mathieu
In, « La poésie allemande contemporaine »
Editions Seghers / Goethe-Institut Inter Nationes, Paris, 2001
Du warst nicht da, als ich nach Nerw-York kam
das erste Mal im Leben, September 1987.
Nur deine Fabrik fand ich vor, nur die poetische Werkstatt.
Die Leute arbeiteten an Kopierer und Faxgerät.
Jemand zeigte mir die Kammer mit deinem Bett.
Ich hatte nicht danach gefragt, hatte es aber befürchtet.
Du warst nicht da, und ich war amüsiert und geniert.
« This is the shrine and where he meditates ! » « I see... »
Das dicke rote Buch mit deinen Collected Poems
hattest du hinterlassen, mit einerZeichnung versehen
und der Widmung : « for Uwe Kolbe & Friends ».
Du wußtest nichts von meinem Einzelgängerturm.
Selbst die Zueignung deiner gesammelten Gedichte
für deine Eltern blieb mir damals irgendwie fremd.
Wir kannten einander nicht, und ich gehörte der beinahe
übernächsten Generation an in Zwiedeutschland.
Die Poesie der Beats war so, wir mußten alle
eure Jünger werden.
Daß Burroughs dich noch überlebte,
hat niemand voraussehen können.
Wohl weil er doch nicht so fies war, in Tanger zu bleiben,
wie du es in deinem Gedicht America vermutet hast.
Deine Arbeit war eine Liebesumarmung der Welt.
Du hast zu denen mit dem langen Atem gehört.
Du hast keinen Ton ausgelassen auf deiner Predigerorgel.
Von deinem Auftritt in Ostberlin der auf Sascha A.s Mist
gewachsen war, damals, Mitte der Achtziger, hatte ich nicht
rechtzeitig gehört, weil ich kein Siebenter war.
In der DDR hatte angeblich jeder Siebenter Telefon,
vermutlich waren es weniger.
Aber die Tonbandkassette von dem Auftritt habe ich noch,
Gut zu hören ist, wie verklemmt die Ostberliner waren
in ihrem unschuldig schlechten Englisch.
Deine Stimme geht jezt langsam
in das Hintergrundrauschen ein.
Der Blues vom Fathers Death bleibt mein Lieblingslied
jener Jahre, Bird Brain was ihr großartig leichtes Resümee.
Nur 1993 paßte alles zusammen, und ich konnte dir live zuhören,
« Orplid und Co.e.V. » sei Dank, Du kamst aust Sarajevo.
An dem Abend riefst du auf zum kulturellen « Blitzkreig »
und wolltest uns deutsche Intellektuelle allesamt
direkt vom Café Clara weg dorthin schicken . Das Wort
benutztest du wie einer, der so etwas darf.
Daraus ist nichts geworden.
Auch dein fröhlicher Umgang mit dem Ficken hat sich bei uns
nicht eingebürgert. Bekanntlich auch in Amerika nicht.
Dabei könnten wir gerade den jetzt gebrauchen,
kurz von Anno Domini 2000. Du weißt ja, wie’s heute aussieht.
Ziemlich brutale Freiheit. Ziemlich schwer auszuhalten
ohne dich.
Vineta
Suhrkamp Verlag, Franckfurt, 1998
Poème précédent en allemand :
Jacob van Hoddis (1887 – 1942) : Fin du monde / Weltende(09/07/2023)
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