Walther von Der Vogelweide (vers 1170 – vers 1230) : « Le monde resplendissait de vives couleurs... » / « Diu welt was gelf... »
Chansonnier enluminé de Weingarten, vers 1310-1320.
16.XII
Le monde resplendissait de vives couleurs, rouge et bleu,
vert dans les bois et ailleurs aussi.
Les petits oiseaux chantaient là.
Maintenant de nouveau c’est la corneille grise qui crie.
Le monde a-t-il d’autres couleurs ? Oui :
il est blafard et gris sur gris.
Plus d’un en fronce les sourcils.
J’étais assis sur un coteau verdoyant :
les fleurs et le trèfle y poussaient
entre l’endroit où j’étais et un étang.
Il ne reste plus rien de ce plaisir des yeux.
Là où autrefois nous tressions des guirlandes de fleurs,
il y a aujourd’hui du givre et aussi de la neige
Cela fait mal aux petits oiseaux.
Les insensés disent : « Tombe neige, tombe ! »
mais les pauvres gens disent : « Hélas, hélas ! »
Tout cela me rend lourd comme plomb.
Je ressens triplement le souci de l’hiver.
Quel que soit celui-ci et les autres,
j’en serais bien vite délivré
si l’été était proche de nous.
Plutôt que de vivre longtemps ainsi,
j’aimerais mieux manger l’écrevisse toute crue.
Eté, ramène-nous la gaieté.
Viens parer la plaine et le bosquet :
alors je jouerais avec les fleurs,
mon cœur s’envolerait jusqu’au soleil
Mais l’hiver réduit tout cela à néant.
Je suis aussi paresseux qu’une truie :
mes cheveux bien lissés sont ébouriffés.
Doux été, où es-tu ?
Pour sûr, j’aimerais que les champs fussent de nouveau cultivés.
Et, plutôt que d’être pris plus longtemps
au piège comme celui où je suis,
j’aimerais mieux être moine à Dobrilugk.
Traduit du moyen-haut allemand par
Danielle Buschinger, Marie-Renée Diot et Wolfgang Spiewok
In, « Poésie d’amour du Moyen Age allemand »
Union Générale d’Editions (10/18), 1993
Du même auteur :
« Quand les fleurs... » / « Sô die bluomen ... » (15/09/2019)
« Une attente pleine de joie... » / « Mich hât ein wünneclîcher wân... » (15/09/2020)
« Sous le tilleul... » / « Under der linden... » (15/09/2021)
« L’été et l’hiver sont tous deux ... » / « Sumer unde winter beide sint... » (15/09/2023)
« Las, où se sont enfuies toutes mes années !... » / « Owê war sind verswunden alliu mîniu jâr !... » (15/09/2024)
16.XII
Diu welt was gelf, rôt unde blâ,
grüen in dem walde und anderswâ :
kleine vogele sungen dâ.
nû schrîet aber diu nebelkrâ.
pfligt si iht ander varwe ? jâ :
sist worden bleich und übergrâ.
des rimpfet sich vil manic brâ.
Ich saz ûf eime grüenen lê :
da ensprungen bluomen unde klê
zwischen mir und eime sê.
der ougenweide ist dâ niht mê.
dâ wir schapel brâchen ê.
dâ lît nû rîfe und ouch der snê.
daz tuot den vogellînen wê.
Die tôren sprechent snîâ snî,
die armen liute owê owî.
ich bin swaere alsam ein blî.
der wintersorge hân ich drî :
swaz der unt der andern sî,
der wurde ich alse schiere frî,
waer uns der sumer nâhe bî.
E danne ich lange lebt alsô,
den krebz wolt ich é ezzen rô.
sumer, mache uns aber frô :
dû zierest anger unde lô.
milt den bluomen spilt ich dô,
min herze swebt in sunnen hô :
daz jaget der winter in ein strô.
Ich bin verlegen als ein sû :
mîn sleht hâr ist mir worden rû.
süezer sumer, wâ bist dû ?
jâ saehe ich gerner veltgebû.
ê deich lange in selher drû.
beklemmet waere als ich bin nû,
ich wurde ê münch ze Toberlû
Des Minnesangs Frühling.I
Nouvelle édition revue par H.Moser et H. Tervooren.
37ème édition, Stuggart, 1982
Poème précédent en moyen haut-allemand :
Heinrich Von Morungen: « Je crois qu’il n’y a personne... » / « Ich waene, nieman lebe... » (11/04/2022)
Poème suivant en moyen haut-allemand :
Ulrich von Lichtenstein : « Couleurs de l’été... » / « Sumervar... » (22/05/2023)