Shu Cai / 树才 (1965 -) : Hai Zi pour toujours / 永远的海子
Hai Zi (1) pour toujours
Un ami, le cœur dans l’eau, a marché loin de chez lui
Un ami, qui allait en fixant un feu éloigné, a marché loin de chez lui
Un ami, murmurant les noms de ceux qu’il aimait, a marché loin de chez lui…
Il se dissimule depuis dans le secret d’un cœur immortel
Ses yeux, à l’arrêt, sont comme deux trous sur la lisière d’un champ
Son nom, sa peine, par quoi le signe de sa vie a changé
Les mauvaises nouvelles, courant sur la terre le long de la voie ferrée…
en ont sauvé tellement !
Frère, tu n’es pas tombé et nous sommes toujours à genoux
Notre patrie est si abondante que tu ne cesses pas d’y goûter
Nos champs si fertiles que des os en remontent lorsqu’on laboure
Comment peux-tu impitoyablement réduire le temps en morceaux ?
Tes rêves de jeunesse vont sûrement se réaliser, et pour cette raison
Tu devras me mettre sur la route. Comme toi
J’aime la chaleur des corps au travail, les fleurs qui surgissent de la boue…
Je suis vivant, mais continuerai à l’être jusqu’au bout
Quand tu es mort, on raconte que les couleurs étaient belles
Comme si d’une flaque de sang montait un autre soleil
Ta douleur déjà diffusée dans la clôture des mots
Celui qui frémit quand on le touche sera heureux le reste de sa vie !
(1) Haizi : Poète et ami de Shu Cai, Haizi, dont l’œuvre est d’une force et d’une noirceur exceptionnelles, s’est suicidé à l’âge de 25 ans. Il est aujourd’hui le poète le plus lu par la jeune génération chinoise (Note du traducteur)
Traduit de l’américain par Alexis Gloaguen
Inédit
Hai Zi Forever
A friend, heart filled with water, has travelled far from home
A friend, walking as he looks towards the far fire, has travelled far from home
A friend, murmuring the names of his loved ones, has travelled far from home…
He has since gone into hiding deep in his undying heart
His eyes, stopped, are like two holes on the ridge of a field
His name, his pain, in which the face of his previous life changes
The bad news, spreading across the land along the railway…
So many are saved for that!
Brother, you have not fallen, and we are still on our knees
Our native home so richly abundant you can’t keep tasting it
Our fields so fertile bones turn up when you dig them…
How can you so ruthlessly grind time to pieces?
Your early dreams will definitely be realized, and because of that
You’ve got to trust me with the road behind you. Like you
I love the body temperature in labour, flowers and grasses in the eruption of the mud…
I am alive, but I’ll keep being so till the end
When you died, the legend has it, you looked well
Like the sun whose blood rose in another direction in blood
Your pain already scattered in the enclosed words
He who trembles in the touch will be happy for the rest of his life!
Traduit du chinois en américain par Ouyang yu
In, « Poems of Yi sha, Shu Cai &Yang Xie »
Vagabond Press,2014
Du même auteur :
15 septembre 1990 (18/12/2022)
Tranquillité (18/12/2023)
永远的海子
一位朋友,心里驮满了水,出了远门
一位朋友,边走边遥望火光,出了远门
一位朋友,最后一遍念叨亲人的名字,出了远门……
从此他深深地躲进不死的心里。
他停顿的双目像田埂上的两个孔
他的名字,他的疼痛,变幻着生前的面容
噩耗,沿着铁轨传遍大地……
多少人因此得救!
兄弟,你不曾倒下,我们也还跪着
我们的家乡太浓厚,你怎么能长久品尝
我们的田野太肥沃,你刨一下,就是一把骨头……
你怎么能如此无情地碾碎时间?
你早年的梦必将实现,为此
你要把身后的路托付给我。像你,
我热爱劳动中的体温,泥土喷吐的花草……
我活着。但我要活到底。
你死时,传说,颜色很好
像太阳从另一个方向升起血泊
你的痛楚已遍布在密封的句子里
谁在触摸中颤抖,谁就此生有福!