Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le bar à poèmes
14 août 2021

Eugenio Montale (1896 – 1981) : Le penser du prisonnier / Il sogno del prigionero

R-7304880-1441036619-4739

 

Le penser du prisonnier

 

Aubes et nuits qui par peu de signes varient.

 

Les étourneaux et leurs zigzags sur leurs beffrois

Dans les jours de bataille, seules ailes à moi,

Un brin de ciel polaire,

L’œil du gardien-chef dans le judas,

Un craquement de noix cassées, une huileuse

Rumeur de fritures dans les caves, d’imaginaires

Ou réelles tournebroches... Oui, mais la paille est de l’or,

Un âtre est la lampe vineuse ;

Quand je m’endors je me crois à tes pieds.

 

Sans un « pourquoi » ? depuis toujours dure la peine.

Ils disent : « Qui signe et abjure

« Peut se sauver de cette extermination d’oies ;

« Qui gémit et vitupère

« Puis avoue et dénonce met la main sur la cuiller

« Au lieu de se terminer dans le pâté

« Destiné aux dieux infects. »

 

Lent d’esprit, blessé

Par le poignant combat, je me suis fondu

Avec le vol de la mite que ma semelle

A réduite en poussière sur le plancher,

Avec les changeants kimonos que la clarté

A l’aube étale en linge de haut en bas des donjons ;

J’ai humé dans les vents le roussi

Des roulés fruités sortant des fours villageois,

Je me suis regardé à la ronde, j’ai suscité

Avec leur iris des horizons d’araignées,

Avec leurs pétales les treillis des grilles ;

Je me suis dressé, je suis retombé

Dans l’abîme où le siècle, c’est la minute.

 

Et de nouveau les coups, et les pas de nouveau ;

Et j’ignore toujours si au dîner je serai

Le farcisseur ou le farci. L’attente est longue

Mon penser de toi n’a pas de fin.

 

Traduit de l’italien par Armand Robin

in, « Poésie non traduite. II »

Editions Gallimard, 1958

Du même auteur :

« A midi faire halte …/ « Merrigiare pallido… » (10/05/2016)

La bourrasque / La bufera (14/08/2019)

Bateaux sur la Marne / Bache sulla Marna (14/08/2020)

Correspondances (08/02/2021)

« Ne t’abrite pas à l’ombre... » / « Non rifugiarti nell'ombra... »  08/02/2022)

Midi / « Gloria del disteso mezzogiorno... » (14/08/2022)

« Côtes de Ligurie... » / « Riviere... » (08/02/2023)

« Ne nous demande pas le verbe... » / « Non chiederci la parola... » (13/08/2023)

 Quatre poèmes / Quattro poesie (08/02/2024)

Sarcophage / Sarcofaghi (14/08/2024)

 

 

Il sogno del prigionero

 

 

Albe e notti qui variano per pochi segni.

 

Il zigzag degli storni sui battifredi

nei giorni di battaglia, mie sole ali,

un filo d’aria polare,

l’occhio del capoguardia dello spioncino,

crac di noci schiacciate, un oleoso

sfrigolio dalle cave, girarrosti

veri o supposti – ma la paglia è oro,

la lanterna vinosa è focolare

se dormendo mi credo ai tuoi piedi.

 

La purga dura da sempre, senza un perché.

Dicono che chi abiura e sottoscrive

può salvarsi da questo sterminio d’oche;

che chi obiurga se stesso, ma tradisce

e vende carne d’altri, afferra il mestolo

anzi che terminare nel paté

destinato agl’Iddii pestilenziali.

 

Tardo di mente, piagato

dal pungente giaciglio mi sono fuso

col volo della tarma che la mia suola

sfarina sull’impiantito,

coi kimoni cangianti delle luci

sciorinate all’aurora dai torrioni,

ho annusato nel vento il bruciaticcio

dei buccellati dai forni,

mi son guardato attorno, ho suscitato

iridi su orizzonti di ragnateli

e petali sui tralicci delle inferriate,

mi sono alzato, sono ricaduto

nel fondo dove il secolo è il minuto –

 

e i colpi si ripetono ed i passi,

e ancora ignoro se sarò al festino

farcitore o farcito. L’attesa è lunga,

il mio sogno di te non e finito.

 

La Bufera e altro

Neri Pozza Editore, Vicenza (Italia), 1956

Poème précédent en italien :

Rinaldo d’Aquino : « Jamais plus je n’aurai de joie... » / « Già mai non mi conforto... » (22/07/2021)

Poème suivant en italien :

Dino Campana : La baie vitrée / L’invetriata (20/08/2021)

 

Commentaires
Le bar à poèmes
Archives
Newsletter
106 abonnés