Eugenio Montale (1896 -1981) : Quatre poèmes / Quattro poesie
Eugenio Montale dans son atelier de Milan, le 17 juillet 1956. / Archivio Farabola - ArchiviFarabola
Quatre poèmes
LA C O N JEC TU R E
La conjecture selon laquelle le monde
serait une farce ne résout pas,
elle non plus, le puzzle fondamental.
Si l’on veut mon opinion,
l’illusion est la seule échappatoire,
car tout jour de vie
franchit la limite qu’il pose.
A FORTE DEI MARMI*
U n grand parasol d’ombres
qui, tantôt rondes, tantôt oblongues,
décident du midi ou de la tombée de la nuit.
Soirs et couchants roses, dans cet
inhabituel salon où j’ai vu
défiler tes amies. Paola,
la brune aux yeux d’émeraude,
viendra-t-elle encore?
* Station balnéaire toscane (N.d.T.).
.
L’ EMBOUCHURE
Non, ne t’éloigne pas
mon guerrier.
Le parcours est long
qui mène à l’embouchure,
le vent furieux
secoue les vieilles ramées.
Et sous chaque souffle glacé,
tremblent les feuillages.
Parfois, dans le silence, je redoute
que ne survienne le loup-garou
et qu’il ne balaie toute hésitation.
Mais dans l’attente la crainte
qui m ’est davantage familière
s’atténue...
LE CLO U
Certes, les Parques ont filé
l’étaim et enroulent
les câbles de nos vies.
Mais des confins du fini
et de l’infini, de l’espace
qui nous sépare du gouffre,
nous ne savons rien.
Nous sommes dans une enveloppe,
serrés jusqu’au cou,
et rien ne revient sinon, peut-être,
le souvenir. Le clou
n ’est pas ici-bas — dis-tu —
c’est la suite du temps, l’éternel,
c’est la métamorphose, non la métempsycose.
Ratio ultima rerum... id est deus.
Et c’est ainsi que ton discours
craintif et ardent en un clin d ’œil
me changea d ’athée en croyant.
Traduit de l’italien par Philippe Di Meo
In, Revue Po&sie, N°60
Belin éditeur, 1989
Du même auteur :
« A midi faire halte …/ « Merrigiare pallido… » (10/05/2016)
La bourrasque / La bufera (14/08/2019)
Bateaux sur la Marne / Bache sulla Marna (14/08/2020)
Correspondances (08/02/2021)
« elle traversait pieds nus... » (13/08/2021)
« Ne t’abrite pas à l’ombre... » / « Non rifugiarti nell'ombra... » 08/02/2022)
Midi / « Gloria del disteso mezzogiorno... » (14/08/2022)
Côtes de Ligurie... » / « Riviere... » (08/02/2023)
« Ne nous demande pas le verbe... » / « Non chiederci la parola... » (13/08/2023)
Sarcophage / Sarcofaghi (14/08/2024)
LA CONGETTURA
La congettura che il mondo
sia una burla, anch’essa
non risolve il puzzle fondamentale.
Se vuoi la mia opinione/
l’unica via d ’uscita è l’illusione,
perché ogni giorno la vita
supera il limiteche pone.
AL FORTE
Un grande ombrello d’ombre
che or rotonde or oblunghe
decidono il mezzogiorno o rim brunire.
Sere e tramonti rosa, in questo
inusuale salotto, dove ho visto
sfilare le tue amiche. Paola
la bruna dagli ochhi smeraldo
verrà ancora?
LA FOCE :
No non t’allontanare
mio guerriero.
Lungo il percoso
che conduce alla foce
il vento furioso
scuote i vecchi rami.
E a ogni soffio di gelo
tremano i fogliami.
A volte, pavento nel silenzio
chearrivi la mannara
e tronchi ogni esitare.
Ma s’attenua il timore
nell’attesa...
che mi è più familiare.
IL CLOU
Certo che le Parche han filato
lo stame e addugliano
i cavi delle nostre vite.
Ma dei confinitra finito
e infinito, e dello spazio
che ci separa dal baratro,
/ non ne sappiamo niente.
Siamo dentroun involucro
serrati fino al collo
e nulla torna, se non forse
il ricordo. Il clou
non è quaggiù — tudicci —
è il prosieguo, l’eterno,
v’è metamorfosi non metempsicosi.
Ratio ultima rerum... id est deus.
E fu così che il tuo parlare
timoroso e ardente, mi rese
in breve da atea credente.
Fondation Schlesinger
Poème précédent en italien :
Dino Campana : Femme génoise / Donna genovese (01/02/2024)
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Salvatore Quasimodo : Ô mes doux animaux / O miei dolci animali (15/04/2024)