Eugenio Montale (1896 – 1981) :Elégie de Pico Farnese / Elegia di Pico Farnese
Elégie de Pico Farnese
Les pèlerines à l’étage qui ont tenu
toute la nuit en litanies
ajustent leur ample châle sur la tête,
éteignent les feux, remontent sur les chariots.
Dans l’aube triste se coulent à leurs
chatières découpées dans les portes les souples angoras
et un chien fauve s’allonge dans l’humide enclos
parmi les fruits tombés sur l’herbe à l’ombre du bigaradier.
Hier tout semblait figé en pénitence mais ce matin
des pierres-éponges sèchent à la lumière
et le profond sommeil s’éveille dans la vaste
cuisine, de la haute cheminée parviennent de joyeux bruits.
Faiblement la psalmodie revient en volutes plus légères,
vent et mémoire en dissipent les voix, les recomposent.
« Iles du sanctuaire,
voyages de vaisseaux aériens,
soulève le suaire,
compte les jours et les mois,
qui restent à finir. »
Rues et marchent qui montent en pyramide, et partout
s’entrecroisent, toiles d’araignée de pierre où s’ouvrent
des ténèbres animées par les yeux familiers
des porcs, archivoltes patinées de vert-de-gris,
le chant se dégage avec peine des ombrelles des pins,
croît puis se fond dans l’indigo qui perle
sur recoins, saillies, pans de murailles branlantes
« Grottes aux parois qu’incise
le Poisson luisant, sait-on
quel autre signe se perd
car la vie n’est pas toute
dans ce sépulcre vert. »
Paresseuse illusion ! Pourquoi m’attarder ici
à un amour de femmes barbues, à un vain délire
que le forgeron qui s’active lorsqu’il frappe l’enclume,
penché sur la chaleur blanche, repousse ? Tout autre
est l’Amour ; il vient même de passer entre les haies de buis,
avec ta frange ailée, messagère impérieuse.
Reflète-le dans les bénitiers, garde la douceur
de ton plumage sur ton front sans défaut,
ne te laisse pas distraire par les fables, veille sur mon passage,
(« collier de noisettes,
sucre filé à la main
sur la fente du rocher
miraculé qui porte
les prières jusqu’en bas, paroles
de cire qui dégoutte, paroles
que la graine de tournesol
disperse quand elle brille »)
veille sur le tien, d’en-haut triomphe les hommes-chèvres !
Sortant du couloir glacé qui fut un jour théâtre
pour enfants, du morne grenier sombre
d’astrolabes détruits, après une attente déjà
trop longue ton ample battement d’ailes nous conduit
vers un bois clairsemé où pour les invités quelqu’un
tente une fête de tirs. Et là ton vol même
devient inaudible ; mais en l’air la cible monte et brille en tournoyant
sous nos coups. Une petite clé suffit au jour,
L’heure est clémente. L’éclair de la robe s’estompe
dans l’humeur de l’œil qui réfracte en son
cristal d’autres couleurs. Derrière nous, calme, sans voir
le changement, de lémure dès lors redevenu céleste,
le tout jeune Anaclet recharge les fusils.
1er mai 1939
Traduit de l’italien par Patrice Dyerval Angelini
In, Revue « Polyphonies, N°14 (Hiver-Printemps 1991 – 1992)
Du même auteur :
« A midi faire halte …/ « Merrigiare pallido… » (10/05/2016)
La bourrasque / La bufera (14/08/2019)
Bateaux sur la Marne / Bache sulla Marna (14/08/2020)
Correspondances (08/02/2021)
« elle traversait pieds nus... » (13/08/2021)
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Elegia di Pico Farnese
Le pellegrine in sosta che hanno durato
tutta la notte la loro litania
s’aggiustano gli zendadi sulla testa,
spengono i fuochi, risalgono sui carri.
Nell’alba triste s’affacciano dai loro
sportelli tagliati negli usci i molli soriani
e un cane lionato s’allunga nell’umido orto
tra i frutti caduti sull’erba all’ombra del melangolo.
Ieri tutto pareva un macero ma stamane
pietre di spugna s’asciugano alla luce
e il cupo sonno si desta nelle cucina
vasta, dal grande camino giungono lieti rumori.
Torna la salmodia appena in volute più lievi,
vento e memoria ne sciolgono le voci, le ricompongono.
« Isole del santuario,
viaggi di vascelli sospesi,
alza il sudario,
numera i giorni e i mesi
che restano per finire ».
Strade e scale che salgono a piramide, fitte
d’incroci, ragnateli di sasso dove s’aprono
oscurità animate dagli occhi confidenti
dei maiali, archivolti tinti di verderame,
si svolge a stento il canto dalle ombrelle dei pini,
cresce e viene assorbito dall’indaco che stilla
su anfratti, tagli, spicchi di tremule muraglie.
« Grotte sove scalfito
luccica il Pesce, chi sa
quale altro segno si perde,
perché non tutta la vita
è in questo sepolcro verde ».
Oh la pigra illusione ! Perché m’attardo qui
ad un amore di donne barbute, a un vano farnetico
che l’alacre ferraio quando batte l’incudine
curvo sul calor bianco da sé respinge? Ben altro
è l’Amore ; è passato anche ora tra i bossi spartiti,
con la tua frangia d’ali, messaggera imperiosa.
Specchialo nelle pile d’acquasanta, mantieni
dolce il piumaggio sulla tua fronte senza errore
non distrarti alle fole, veglia sul moi trapasso,
(« collane di nocciuole,
zucchero filato a mano
sullo spacco del masso
miracolato che porta
le preci in basso, parole
di cera che stilla, parole
che il seme del girasole
se brilla disperde »)
veglia sul tuo, dall’alto vinci gli uomini-capre !
Dal gelo dell’androne che un giorno era teatro
di fanciulli, dal tedio della soffita cupa
di astrolabi distrutti, dopo un’attesa che già
fu troppo lunga il tuo grande palpito ci conduce
a una magra selva dove qualcuno per gli ospiti
tenta una festa di spari. E qui, diventa inubile
anche il tuo volo ; ma in aria sale il piattello e prilla
ai nostri colpi. Al giorno basta una piccola chiave.
È mite l’ora. Il lampo delle tue vesti è sciolto
nell’umore dell’occhio che rifrange nel suo
cristallo altri colori. Dietro di noi, calmo, ignaro
del mutamento, da lemure ora rifatto celeste,
il fanciulletto Anacleto ricarica i fucili.
1° Maggio 1939
L’opera in versi.
Einaudi editore,Turino,1980
Poème précédent en italien;
Dino Campana : Voyage à Montevideo / Viaggio a Montevideo (01/02/2025)