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Le bar à poèmes
8 février 2025

Eugenio Montale (1896 – 1981) :Elégie de Pico Farnese / Elegia di Pico Farnese

 

 

 

Elégie de Pico Farnese

 

 

Les pèlerines à l’étage qui ont tenu


 toute la nuit en litanies


ajustent leur ample châle sur la tête,


éteignent les feux, remontent sur les chariots.


Dans l’aube triste se coulent à leurs


chatières découpées dans les portes les souples angoras


et un chien fauve s’allonge dans l’humide enclos


parmi les fruits tombés sur l’herbe à l’ombre du bigaradier.


Hier tout semblait figé en pénitence mais ce matin


des pierres-éponges sèchent à la lumière


et le profond sommeil s’éveille dans la vaste


cuisine, de la haute cheminée parviennent de joyeux bruits.


Faiblement la psalmodie revient en volutes plus légères,


vent et mémoire en dissipent les voix, les recomposent.

 

 

                      « Iles du sanctuaire,


                      voyages de vaisseaux aériens,


                      soulève le suaire,


                      compte les jours et les mois,


                      qui restent à finir. »

 

 

Rues et marchent qui montent en pyramide, et partout


s’entrecroisent, toiles d’araignée de pierre où s’ouvrent


des ténèbres animées par les yeux familiers


des porcs, archivoltes patinées de vert-de-gris,


le chant se dégage avec peine des ombrelles des pins,


croît puis se fond dans l’indigo qui perle


sur recoins, saillies, pans de murailles  branlantes

 

 

                      « Grottes aux parois qu’incise


                      le Poisson luisant, sait-on


                      quel autre signe se perd


                      car la vie n’est pas toute


                      dans ce sépulcre vert. »

 

 

Paresseuse illusion ! Pourquoi m’attarder ici


à un amour de femmes barbues, à un vain délire


que le forgeron qui s’active lorsqu’il frappe l’enclume,


penché sur la chaleur blanche, repousse ? Tout autre


est l’Amour ; il vient même de passer entre les haies de buis,


avec ta frange ailée, messagère impérieuse.


Reflète-le dans les bénitiers, garde la douceur


de ton plumage sur ton front sans défaut,


ne te laisse pas distraire par les fables, veille sur mon passage,

 

 

                      (« collier de noisettes,


                      sucre filé à la main


                      sur la fente du rocher


                      miraculé qui porte


                      les prières jusqu’en bas, paroles


                      de cire qui dégoutte, paroles


                      que la graine de tournesol


                      disperse quand elle brille »)

 

 

veille sur le tien, d’en-haut triomphe les hommes-chèvres !


Sortant du couloir glacé qui fut un jour théâtre


pour enfants, du morne grenier sombre


d’astrolabes détruits, après une attente déjà


trop longue ton ample battement d’ailes nous conduit


vers un bois clairsemé où pour les invités quelqu’un


tente une fête de tirs. Et là ton vol même


devient inaudible ; mais en l’air la cible monte et brille en tournoyant


sous nos coups. Une petite clé suffit au jour,


L’heure est clémente. L’éclair de la robe s’estompe


dans l’humeur de l’œil qui réfracte en son


cristal d’autres couleurs. Derrière nous, calme, sans voir


le changement, de lémure dès lors redevenu céleste,


le tout jeune Anaclet recharge les fusils.


                                                                    1er mai 1939

 

 

 

Traduit de l’italien par Patrice Dyerval Angelini


In, Revue « Polyphonies, N°14 (Hiver-Printemps 1991 – 1992)


Du même auteur :


« A midi faire halte …/ « Merrigiare pallido… » (10/05/2016)


La bourrasque / La bufera (14/08/2019)


Bateaux sur la Marne / Bache sulla Marna (14/08/2020)


Correspondances (08/02/2021)


« elle traversait pieds nus... » (13/08/2021)


« Ne t’abrite pas à l’ombre... » / « Non rifugiarti nell'ombra... »  08/02/2022)


Midi / « Gloria del disteso mezzogiorno... » (14/08/2022)


 Côtes de Ligurie... » / « Riviere... » (08/02/2023)


« Ne nous demande pas le verbe... » / « Non chiederci la parola... » (13/08/2023)


Quatre poèmes / Quattro poesie (08/02/2024)


Sarcophage / Sarcofaghi (14/08/2024)

 

 

Elegia di Pico Farnese

 

 


Le pellegrine in sosta che hanno durato

 

tutta la notte la loro litania

 

s’aggiustano gli zendadi sulla testa,

 

spengono i fuochi, risalgono sui carri.

 

Nell’alba triste s’affacciano dai loro

 

sportelli tagliati negli usci i molli soriani

 

e un cane lionato s’allunga nell’umido orto

 

tra i frutti caduti sull’erba all’ombra del melangolo.

 

Ieri tutto pareva un macero ma stamane

 

pietre di spugna s’asciugano alla luce

 

e il cupo sonno si desta nelle cucina

 

vasta, dal grande camino giungono lieti rumori.

 

Torna la salmodia appena in volute più lievi,

 

vento e memoria ne sciolgono le voci, le ricompongono.

 

 

 

               « Isole del santuario,

 

               viaggi di vascelli sospesi,

 

               alza il sudario,

 

               numera i giorni e i mesi

 

               che restano per finire ».

 

 

 

Strade e scale che salgono a piramide, fitte

 

d’incroci, ragnateli di sasso dove s’aprono

 

oscurità animate dagli occhi confidenti

 

dei maiali, archivolti tinti di verderame,

 

si svolge a stento il canto dalle ombrelle dei pini,

 

cresce e viene assorbito dall’indaco che stilla

 

su anfratti, tagli, spicchi di tremule muraglie.

 

 

 

                « Grotte sove scalfito

 

               luccica il Pesce, chi sa


      
               quale altro segno si perde,

 

               perché non tutta la vita

 

               è in questo sepolcro verde ».

 

 

 

Oh la pigra illusione ! Perché m’attardo qui

 

ad un amore di donne barbute, a un vano farnetico

 

che l’alacre ferraio quando batte l’incudine

 

 


curvo sul calor bianco da sé respinge? Ben altro

 

è l’Amore ; è passato anche ora tra i bossi spartiti,

 

con la tua frangia d’ali, messaggera imperiosa.

 

Specchialo nelle pile d’acquasanta, mantieni

 

dolce il piumaggio sulla tua fronte senza errore

 

non distrarti alle fole, veglia sul moi trapasso,

 

 


               (« collane di nocciuole,

 

               zucchero filato a mano

 

               sullo spacco del masso

 

               miracolato che porta

 

               le preci in basso, parole

 

               di cera che stilla, parole

 

               che il seme del girasole

 

               se brilla disperde »)

 

 

veglia sul tuo, dall’alto vinci gli uomini-capre !

 

Dal gelo dell’androne  che un giorno era teatro

 

di fanciulli, dal tedio della soffita cupa

 

di astrolabi distrutti, dopo un’attesa che già

 

fu troppo lunga il tuo grande palpito ci conduce

 

a una magra selva dove qualcuno per gli ospiti

 

tenta una festa di spari. E qui, diventa inubile

 

anche il tuo volo ; ma in aria sale il piattello e prilla

 

ai nostri colpi. Al giorno basta una piccola chiave.

 

È mite l’ora. Il lampo delle tue vesti è sciolto

 

nell’umore dell’occhio che rifrange nel suo

 

cristallo altri colori. Dietro di noi, calmo, ignaro

 

del mutamento, da lemure ora rifatto celeste,

 

il fanciulletto Anacleto ricarica i fucili.

 

                                                                   1° Maggio 1939

 

 


L’opera in versi.

 

Einaudi editore,Turino,1980

 

Poème précédent en italien;


Dino Campana : Voyage à Montevideo / Viaggio a Montevideo (01/02/2025)

 

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