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Le bar à poèmes
11 août 2021

Oscar Wilde (1854 - 1900) : Silentium amoris

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Silentium amoris

 

Comme souvent le soleil, qui trop fort brille,

Repousse malgré elle en sa sombre caverne

La pâle lune, avant même que le rossignol

Ait pu lui offrir la moindre sérénade,

Ainsi ta beauté rend maladroites mes lèvres

Et mes chants les plus beaux sonnent faux.

 

Comme, à l’aurore, au-dessus des prairies,

Passera quelque vent impétueux et sauvage

Qui de trop de baisers brisera le roseau

Jusque-là instrument unique de son chant,

Ainsi la trop orageuses passion m’égare

Et, d’un excès d’amour, mon amour devient muet.

 

Il n’est de doute que mes yeux ne t’aient prévenue

De mon silence et du désaccord de mon luth.

Peut-être vaut-il mieux séparation fatale

Et que tu partes, toi, vers des lèvres plus mélodieuses

Et moi, de mon côté, avec le souvenir

De baisers non donnés et de chants non chantés.

 

Traduit de l’anglais par Bernard Delvaille

In, Oscar Wilde : « Œuvres »

Editions Gallimard (La Pléiade), 1996

Du même auteur :

La ballade de la geôle de Reading / The ballad of Reading Gaol (11/08/2017)

Bords de l’Arno / By the Arno (11/08/2018)

Désespoir / Desespoir (10/08/2019)

Endymion (11/08/2020)

Dans les allées de Magdalen / Magdalen walks (11/08/2022)

 

As often-times the too resplendent sun

Hurries the pallid and reluctant moon

Back to her sombre cave, ere she hath won

A single ballad from the nightingale,

So doth thy Beauty make my lips to fail,

And all my sweetest singing out of tune.

 

And as at dawn across the level mead

On wings impetuous some wind will come,

And with its too harsh kisses break the reed

Which was its only instrument of song,

So my too stormy passions work me wrong,

And for excess of Love my Love is dumb.

 

But surely unto Thee mine eyes did show

Why I am silent, and my lute unstrung;

Else it were better we should part, and go,

Thou to some lips of sweeter melody,

And I to nurse the barren memory

Of unkissed kisses, and songs never sung.

 

Poème précédent en anglais :

Thomas Stearn Eliot : « This music crept by me... » (28/07/2021)

Poème suivant en anglais :

John Montague : Tous les obstacles légendaires / All legendary obstacles (15/08/2021)

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