Oscar Wilde (1854 - 1900) : Endymion
Endymion
(Pour la musique)
Les pommes d’or pendent aux arbres
Et les oiseaux pépient en Arcadie.
Les moutons bêlent dans leur parc,
Les cabris sautent sur les collines.
Hier, il avoua son amour,
Et je sais qu’il me reviendra.
Ô lune qui se lève ! Ô Séléné !
Sois sa gardienne. C’est lui,
Tu ne peux en douter, tu le connais si bien !
Il est chaussé de sandales pourpres.
Tu ne peux en douter, tu connais mon amour :
Il tient aussi la houlette du pâtre,
Il est plus doux que la colombe,
Et ses cheveux bruns sont bouclés.
La tourterelle n’appelle plus
Son fiancé aux pieds d’écarlate.
Le loup gris rôde autour de l’étable,
Le sénéchal chantant du lis
Dort au cœur des clochettes, et l’ombre
Confond les collines violettes.
Ô lune qui se lève ! Ô sainte lune !
Reste au sommet d’Hélice
Et si tu vois mon véritable amour
Ah ! si tu vois ses sandales de pourpre,
Sa houlette de coudrier, ses cheveux bruns,
Sa peau de chèvre sur son bras,
Dis-lui que je l’attends là où
La chandelle vacille dans la métairie.
Froide et glacée, la rosée tombe,
Et nul oiseau ne chante plus en Arcadie.
Les petits faunes ont quitté les collines.
Même les jonquilles fanées
Ont refermé leurs corolles d’or, et
Mon amour vers moi ne revient pas.
Menteuse lune ! menteuse lune ! Ô lune à ton décours,
Où mon amour s’est-il enfui ?
Où sont ses lèvres vermillon,
La houlette du pâtre et les sandales pourpres ?
Pourquoi étendre cette écharpe d’argent
Et ce voile de brume flottante ?
Ah ! tu as pris le jeune Endymion
Et ses lèvres qu’on voudrait tant baiser !
Traduit de l’anglais par Bernard Delvaille
In, Oscar Wilde : « Œuvres »
Editions Gallimard (La Pléiade), 1996
Du même auteur :
La ballade de la geôle de Reading / The ballad of Reading Gaol (11/08/2017)
Bords de l’Arno / By the Arno (11/08/2018)
Désespoir / Desespoir (10/08/2019)
Silentium amoris (11/08/2021)
Dans les allées de Magdalen / Magdalen walks (11/08/2022)
Endymion
(for music)
The apple trees are hung with gold,
And birds are loud in Arcady,
The sheep lie bleating in the fold,
The wild goat runs across the wold,
But yesterday his love he told,
I know he will come back to me.
O rising moon! O Lady moon!
Be you my lover’s sentinel,
You cannot choose but know him well,
For he is shod with purple shoon,
You cannot choose but know my love,
For he a shepherd’s crook doth bear,
And he is soft as any dove,
And brown and curly is his hair.
The turtle now has ceased to call
Upon her crimson-footed groom,
They grey wolf prowls about the stall,
The lily’s singing seneschal
Sleeps in the lily-bell, and all
The violet hills are lost in gloom.
O risen moon! O holy moon!
Stand on the tope of Helice,
And if my own true love you see,
Ah! if you see the purple shoon,
The hazel crook, the lad’s brown hair,
The goat-skin wrapped about his arm,
Tell him that I am waiting where
The rushlight glimmers in the Farm.
The falling dew is cold and chill,
And no bird sings in Arcady,
The little fauns have left the hill,
Even the tired daffodil
Has closed its gilded doors, and still
My lover comes not back to me.
False moon! False moon! O waning moon!
Where is my own true lover gone,
Where are the lips vermilion,
The shepherd’s crook, the purple shoon?
Why spread that silver pavilion,
Why wear that veil of drifting mist?
Ah! thou hast young Endymion,
Thou hast the lips that should be kissed!
Poème précédent en anglais :
Emily JaneBrontë : « Je viendrai quand ... » / « I’ll come when… » (01/07/2019)
Poème suivant en anglais :
Robert Graves : Tiède toile / Cool web (30/08/2020)