Wolfdietrich Schnurre (1920 – 1989) : Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (III) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (III)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979
III
ARRIVEE
Le radeau : ici l’a poussé
la tempête
dans les eaux plus tranquilles.
Déchirées voile et chemise.
Il marche nu
sur la houle qui tangue
le saint,
que l’on ne conduit plus.
Son pied, familier
du marteau et du clou,
il le pose
sur les algues, sur des roseaux
pourrissants qui fermentent.
Entre les deux des taches d’huile,
des boîtes de conserves rouillées ; Kalmus,
la libellule morte.
Le blanc sur le front
de la foulque
confond
la pureté du ciel.
Seuls les ossements d’Icare
sont plus pâles. Au fond
de chaque mer
gît un éclat
de leur protestation.
A bas la pesanteur !
Et elle s’enfonce
et triomphe,
couronnée d’ombres
d’épinoches.
Mais le saint,
chassé
du conseil, privé
de son auréole,
marche sur l’eau.
S’élever, il ne le
peut, ni s’enfoncer ;
il ne peut que répandre
ce qu’il a conservé :
la semence de l’île.
ERE GLACIAIRE
Pour Alexandre
(Hôpital central psychiatrique
et neurologique, Klosterneuburg)
Brillante : blanche de cristaux :
ainsi nos ancêtres ont-ils
décrit la lèpre.
Les impulsions du courant se dégradent.
Mollement claquent les drapeaux
sur les centrales électriques.
Ce froid ne fait du morse
qu’avec une seule longue. La brève
manque, puisqu’elle a
été réclamée par la vie.
Ce que la turbine s’imagine
intéresse le détecteur
modérément. Les mensonges de bonne foi
ne seront plus maintenant consignés.
S’arrête le bourdonnement. Sans battre des paupières
la face de hibou des neiges
de la prise de courant
invite à l’électrochoc glacé.
Quels drôles de printemps nous avons aujourd’hui.
CHAMP D’HONNEUR
Du pavot sur la poitrine.
Confondu
avec le jaune saccagé
de serviles porteurs d’épis.
Une haine de la faux
parmi ceux qui furent fauchés.
De la verdure autour du casque,
à chaque espoir de moissonneur
une abomination.
Pain de personne.
Les arguments de la meule
tombent en poussière.
Qui a faim de paille ?
PRISON SHITOMIR 1944
Celui qu’on devait fusiller
chanta jusqu’au matin. Son chant
parlait d’une lagune bleue,
de mouettes, de nostalgie
et d’une bien aimée en pleurs.
Celui qu’on devait fusiller
chanta encore sa chanson,
quand on l’eut mis devant le mur.
La salve inversa la chanson : alors
on la reprit dans toutes les cellules.
Celui que l’on a fusillé
m’a fait estimer les chansons
avec des lagunes bleues et des mouettes blanches ;
même si dans ces chants la couleur du soleil
rappelle le massepain et l’eau de lessive.
RETOUR
Nele, ils brûlent
les champs
des Flandres.
Me revoici
traîné
dans un drap depuis Lamme
et noirci
par l’histoire.
Avec m’ bouche il me faut
peindre ce qui
est vrai :
Je ne les ai
plus, mes
bras ;
ils gisent
dans le champ, chrétiennement
enterrés.
Pourtant
je m’enroule autour
de tout ce qui vit.
Debout, cela
n’est pas possible ;
les ânes eux-mêmes
laissent aujourd’hui pendre
ce qui devrait se tenir droit :
oreilles et queues.
Nele, mon souffle
soulève de la poussière.
Viens, embrasse-moi.
FEUILLE D’ERABLE
Quand tu te recroquevilles
les cieux se cardent.
Il éclate le bleu vieillot.
Les oiseaux en vol se dispersent.
Etranglées par ta flétrissure
les forêts deviennent des os.
Sanglante griffe de l’automne.
Traduit de l’allemand par Raoul Bécousse
In, Wolfdietrich Schnurre : « Messages clandestins, et nouveaux poèmes »
Editions Noah, 1986
Du même auteur :
Adoration /Anbetung (28/11/2014)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (I) (28/11/2015)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (II) (28/11/2016)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (III) (28/11/2017)
Harangue du policier de banlieue pendant sa ronde du matin /Ansprache des vorortpolizisten waehrend der morgenrunde (28/11/2018)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (IV) (28/11/2019)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (I) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (I) (28/11/2021)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (II) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (II) (28/11/2022)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (IV) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (IV) (28/11/2023)
Neue Gedichte 1965 – 1979
III
ANKUNFT
Das Floss : Her trieb
der Sturm es
in die stillren Gewässer.
Zerschlissen Segel und Hemd.
Nackt betritt er
die schaukelnde Dünung
der Heilige, der
nicht mehr geführt wird.
Der Fuss, dem Hammer
vertraut und dem Nagel,
er setzt ihn
auf Algen, auf Soden
faulenden Schilfs.
Oelflecke dazwischen,
rostige Büchsen ; Kalmus,
die tote Libelle.
Das Weiss auf der Stirne
des Blesshuhns
beschämt
die Reinheit der Himmel.
Nur Ikarus’ Knochen
sind bleicher. Am Grund
jeglichen Wassers
ein Splitter
ihres Protests.
Nieder die Schwere !
Und hernieder sinkt sie,
und siegt, von
Stichlingsschatten
umkränzt.
Der Heilige aber,
aus dem Kollegium
verstossen, der Gloriole
verlustig, er
geht auf dem Wasser.
Nicht aufsteigen
kann er, nicht sinken ;
nur ausstreuen, was er
bewahrt hat :
Den Samen der Insel.
EISZEIT
Für Alexander
(Kreiskrankenhaus für ¨Psychiatrie
und Neurologie, Klosterneuburg)
Gleissend ; weiss von Kristallen :
so haben die Väter
den Aussatz, beschrieben.
Die Stromimpulse verkommen.
Klamm klirren auf den
Elektrizitätswerken die Fahnen.
Es morst dieser Frost nur
mit einer einzigen Länge. Die Kürze
entfällt, da in Anspruch
genommen vom Leben.
Was die Turbine sich denkt,
interessiert den Detektor
mit Massen. Gutgläubigkeitslügen
werden nun nicht mehr verzeichnet.
Das Summen hört auf. Lidschlaglos
lädt das Schnee-Eulengesicht
der Steckdose zum vereisten
Elektroshock ein.
Was sind das für Frühlinge jetzt.
EHRENFELD
Mohn auf der Brust.
Eingeschmolzen
ins niedergehauene Gelb
liebedienernder Aehrenträger
Sensenfeindschaft
unter den Hingemähten.
Ein Grün um den Helm,
jeglicher Schnitterhoffnung
ein Greuel.
Niemandes Brot.
Die Argumente des Mahlsteins
verkommen zu Staub.
Wen hungert nach Sroh ?
GEFAENGNIS SHITOMIR 1944
Der, der erschossen verden sollte,
sang bis in den Morgen. Es war von
einer blauen Lagune die Rede in
seinem Lied, von Möwen, Heimweh
und von einer weinendem Liebsten.
Der, der erschossen verden sollte,
sang das Lied noch, als man ihn
schon an die Wand gestellt hatte.
Die Salve polte es um : Jetzt wurde
das Lied in allen Zellen gesungen.
Der, der erschossen worden ist,
hat mich gelehrt, Lieder mit blauen
Lagunen und weissen Möwen zu achten ;
auch, wenn die Farbe der Sonne in ihnen
an Marzipan und Seifenlauge erinnert.
HEIMKEHR
Nele, es brennen
die flandrischen
Felder.
Hier komm ich,
von Lamme im Laken
geschleift
und geschwärzt
von Geschichte.
Mit m Mund muss
ich malen, was
wahr ist :
Ich hab sie
nicht mehr, meine
Arme ;
die liegen
im Acker, christlich
bestattet.
Doch ich
krümm mich um alles,
was lebt.
Aufrecht, das
gibts nicht ;
selbst Esel
lassen heut hängen
was stehn müsst :
Ohren und Schwänz.
Nele, es stäubt
mir der Atem.
Komm, küss mich.
AHORNBLATT
Wenn du dich krümmst,
hecheln die Himmel.
Es birst das ältliche Blau.
Die Vogelkette zerreisst.
Unterm Würgegriff deines Welkens
verknöchern die Wälder.
Blutige Kralle des Herbsts.
Kassiber und neue Gedichte,
Ullstein Buch, Berrlin, 1979 et 1982
Poème précédent en allemand :
Armin Senser: Eglogue /Egloge (12/10/2020)
Poème suivant en allemand :
Paul Celan: Eloge du lointain / Lob der Ferne (01/12/2020)