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Le bar à poèmes
28 novembre 2020

Wolfdietrich Schnurre (1920 – 1989) : Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (III) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (III)

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Nouveaux poèmes 1965 – 1979

III

 

ARRIVEE

Le radeau : ici l’a poussé

la tempête

dans les eaux plus tranquilles.

Déchirées voile et chemise.

Il marche nu

sur la houle qui tangue

le saint,

que l’on ne conduit plus.

 

Son pied, familier

du marteau et du clou,

il le pose

sur les algues, sur des roseaux

pourrissants qui fermentent.

Entre les deux des taches d’huile,

des boîtes de conserves rouillées ; Kalmus,

la libellule morte.

 

Le blanc sur le front

de la foulque

confond

la pureté du ciel.

 

Seuls les ossements d’Icare

sont plus pâles. Au fond

de chaque mer

gît un éclat

de leur protestation.

A bas la pesanteur !

Et elle s’enfonce

et triomphe,

couronnée d’ombres

d’épinoches.

 

Mais le saint,

chassé

du conseil, privé

de son auréole,

marche sur l’eau.

S’élever, il ne le

peut, ni s’enfoncer ;

il ne peut que répandre

ce qu’il a conservé :

la semence de l’île.

 

ERE GLACIAIRE

                                           Pour Alexandre

                                                                   (Hôpital central psychiatrique

                                                                              et neurologique,    Klosterneuburg)

 

Brillante : blanche de cristaux :

ainsi nos ancêtres ont-ils

décrit la lèpre.

 

Les impulsions du courant se dégradent.

Mollement claquent les drapeaux

sur les centrales électriques.

 

Ce froid ne fait du morse

qu’avec une seule longue. La brève

manque, puisqu’elle a

été réclamée par la vie.

 

Ce que la turbine s’imagine

intéresse le détecteur

modérément. Les mensonges de bonne foi

ne seront plus maintenant consignés.

 

S’arrête le bourdonnement. Sans battre des paupières

la face de hibou des neiges

de la prise de courant

invite à l’électrochoc glacé.

 

Quels drôles de printemps nous avons aujourd’hui.

 

CHAMP D’HONNEUR

Du pavot sur la poitrine.

Confondu

avec le jaune saccagé

de serviles porteurs d’épis.

 

Une haine de la faux

parmi ceux qui furent fauchés.

De la verdure autour du casque,

à chaque espoir de moissonneur

une abomination.

 

Pain de personne.

Les arguments de la meule

tombent en poussière.

Qui a faim de paille ?

 

PRISON SHITOMIR 1944

Celui qu’on devait fusiller

chanta jusqu’au matin. Son chant

parlait d’une lagune bleue,

de mouettes, de nostalgie

et d’une bien aimée en pleurs.

 

Celui qu’on devait fusiller

chanta encore sa chanson,

quand on l’eut mis devant le mur.

La salve inversa la chanson : alors

on la reprit dans toutes les cellules.

 

Celui que l’on a fusillé

m’a fait estimer les chansons

avec des lagunes bleues et des mouettes blanches ;

même si dans ces chants la couleur du soleil

rappelle le massepain et l’eau de lessive.

 

RETOUR

Nele, ils brûlent

les champs

des Flandres.

 

Me revoici

traîné

dans un drap depuis Lamme

 

et noirci

par l’histoire.

 

Avec m’ bouche il me faut

peindre ce qui

est vrai :

 

Je ne les ai

plus, mes

bras ;

 

ils gisent

dans le champ, chrétiennement

enterrés.

 

Pourtant

je m’enroule autour

de tout ce qui vit.

 

Debout, cela

n’est pas possible ;

les ânes eux-mêmes

laissent aujourd’hui pendre

ce qui devrait se tenir droit :

 

oreilles et queues.

 

Nele, mon souffle

soulève de la poussière.

Viens, embrasse-moi.

 

FEUILLE D’ERABLE

Quand tu te recroquevilles

les cieux se cardent.

 

Il éclate le bleu vieillot.

Les oiseaux en vol se dispersent.

 

Etranglées par ta flétrissure

les forêts deviennent des os.

 

Sanglante griffe de l’automne.

 

 

 

Traduit de l’allemand par Raoul Bécousse

In, Wolfdietrich Schnurre : « Messages clandestins, et nouveaux poèmes »

Editions Noah, 1986

Du même auteur :

Adoration /Anbetung (28/11/2014)

Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (I) (28/11/2015)

Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (II) (28/11/2016)

Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (III) (28/11/2017)

Harangue du policier de banlieue pendant sa ronde du matin /Ansprache des vorortpolizisten waehrend der morgenrunde (28/11/2018)

Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (IV) (28/11/2019)

Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (I) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (I) (28/11/2021)

Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (II) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (II) (28/11/2022)

Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (IV) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (IV) (28/11/2023)

 

 

 

Neue Gedichte 1965 – 1979

 

III

 

ANKUNFT

 

Das Floss : Her trieb

der Sturm es

in die stillren Gewässer.

Zerschlissen Segel und Hemd.

Nackt betritt er

die schaukelnde Dünung

der Heilige, der

nicht mehr geführt wird. 

 

 

Der Fuss, dem Hammer

vertraut und dem Nagel,

er setzt ihn

auf Algen, auf Soden

faulenden Schilfs.

Oelflecke dazwischen,

rostige Büchsen ; Kalmus,

die tote Libelle.

 

 

Das Weiss auf der Stirne

des Blesshuhns

beschämt

die Reinheit der Himmel.

 

 

Nur Ikarus’ Knochen

sind bleicher. Am Grund

jeglichen Wassers

ein Splitter

ihres Protests.

Nieder die Schwere !

Und hernieder sinkt sie,

und siegt, von

Stichlingsschatten

umkränzt.

 

 

Der Heilige aber,

aus dem Kollegium

verstossen, der Gloriole

verlustig, er

geht auf dem Wasser.

Nicht aufsteigen

kann er, nicht sinken ;

nur ausstreuen, was er

bewahrt hat :

Den Samen der Insel.

EISZEIT

 

                                                                                                                Für Alexander

                                                                                                                (Kreiskrankenhaus für ¨Psychiatrie

                                                                                                                und Neurologie,   Klosterneuburg)

 

Gleissend ; weiss von Kristallen :

so haben die Väter

den Aussatz, beschrieben.

 

 

Die Stromimpulse verkommen.

Klamm klirren auf den

Elektrizitätswerken die Fahnen.

 

 

Es morst dieser Frost nur

mit einer einzigen Länge. Die Kürze

entfällt, da in Anspruch

genommen vom Leben.

 

 

Was die Turbine sich denkt,

interessiert den Detektor

mit Massen. Gutgläubigkeitslügen

werden nun nicht mehr verzeichnet.

 

 

Das Summen hört auf. Lidschlaglos

lädt das Schnee-Eulengesicht

der Steckdose zum vereisten

Elektroshock ein.

 

 

Was sind das für Frühlinge jetzt.

 

EHRENFELD

 

Mohn auf der Brust.

Eingeschmolzen

ins niedergehauene Gelb

liebedienernder Aehrenträger

 

 

Sensenfeindschaft

unter den Hingemähten.

Ein Grün um den Helm,

jeglicher Schnitterhoffnung

ein Greuel.

 

 

Niemandes Brot.

Die Argumente des Mahlsteins

verkommen zu Staub.

Wen hungert nach Sroh ?

 

GEFAENGNIS SHITOMIR 1944

 

Der, der erschossen verden sollte,

sang bis in den Morgen. Es war von

einer blauen Lagune die Rede in

seinem Lied, von Möwen, Heimweh

und von einer weinendem Liebsten.

 

 

Der, der erschossen verden sollte,

sang das Lied noch, als man ihn

schon an die Wand gestellt hatte.

Die Salve polte es um : Jetzt wurde

das Lied in allen Zellen gesungen.

 

 

Der, der erschossen worden ist,

hat mich gelehrt, Lieder mit blauen

Lagunen und weissen Möwen zu achten ;

auch, wenn die Farbe der Sonne in ihnen

an Marzipan und Seifenlauge erinnert.

 

HEIMKEHR

 

Nele, es brennen

die flandrischen

Felder.

 

 

Hier komm ich,

von Lamme im Laken

geschleift

 

 

und geschwärzt

von Geschichte.

 

 

Mit m Mund muss

ich malen, was

wahr ist :

 

 

Ich hab sie

nicht mehr, meine

Arme ;

 

 

die liegen

im Acker, christlich

bestattet.

 

 

Doch ich

krümm mich um alles,

was lebt.

 

 

Aufrecht, das

gibts nicht ;

selbst Esel

lassen heut hängen

was stehn müsst :

 

 

Ohren und Schwänz.

 

 

Nele, es stäubt

mir der Atem.

Komm, küss mich.

 

AHORNBLATT

 

Wenn du dich krümmst,

hecheln die Himmel.

 

 

Es birst das ältliche Blau.

Die Vogelkette zerreisst.

 

 

Unterm Würgegriff deines Welkens

verknöchern die Wälder.

 

 

Blutige Kralle des Herbsts. 

 

 

Kassiber und neue Gedichte,

Ullstein Buch, Berrlin, 1979 et 1982

Poème précédent en allemand :

Armin Senser: Eglogue /Egloge (12/10/2020)

Poème suivant en allemand :

Paul Celan: Eloge du lointain / Lob der Ferne  (01/12/2020)

 

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