Wolfdietrich Schnurre (1920 – 1989) : Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (IV)
Messages clandestins
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PRIERE
Effraie-moi.
Afflige-moi de visions d’horreur.
Ne te retire pas derrière le large écran
d’un divertissement coloré.
Ne me laisse pas dépérir dans cette forêt
d’antennes de télévision.
Brise avec mon trépas les séries
d’une statistique normalisée
et envoie une mort,
à qui terreur et technique
sont odieuses, qui librement
s’approchera de moi, dans l’auréole
de l’épouvante, mais dont le front aussi sera nimbé
d’un souffle de regret .
MESSAGE CLANDESTIN
Un nuage de poussière est arrivé,
un rouge ;
pesant,
tel un corps de brume,
il est descendu.
Le métro est resté en panne,
le bus a enfoncé le mur,
il était midi et il faisait
une nuit rougeâtre.
Et ça sentait le cuir,
la steppe et la sueur des bêtes.
Des femmes sont tombées dans des spasme de volupté ;
les enfants se sont figés dans leurs jeux ;
et il pleuvait du sable.
MESSAGE DES OISEAUX MIGRATEURS
Ne dispense pas tes trésors à ceux
qui les gaspillent ; ce sourire :
garde-le pour la grue, elle le prendra
en automne sous ses ailes,
pour te le rapporter en mars
comme un rire rouillé.
N’avoue pas ta pauvreté à ceux
qui la méprisent ; cette nudité :
recouvre-la pendant le rouge octobre
avec les pleurs de la bécasse
et durant l’avril bariolé
te réchauffera un duvet de neige
Ne montre pas ta fierté devant ceux
qu’elle offense ; tel est ce courage :
fais-le tournoyer dans le froid, puis jette-le
en volée de vanneaux au-dessus de la mer
et, sorti du plumage du printemps,
il te tombera pantelant dans le cœur.
COULISSE
La pluie...
La pluie murmure sur la foire.
La roue de la loterie se décolore
et le cornet à dés devient poisseux ;
au stand de tir dorment les coups de feu.
Quelqu’un veut-il encor tenter sa chance ?
Quelqu’un veut-il encor jouer aux dés ?
Quelqu’un veut-il encor tourner la roue ?
La pluie...
La pluie murmure sur la foire.
CAUCHEMAR D’AUTOMNE
La méduse de brume
a coiffé de la cloche
sans battant de son corps
le chef de la forêt
qui brille comme un os.
Déjà les poissons-volants
respirent à travers
leurs noires branchies d’ombre,
car la marée de la nuit tombe.
Elle apporte les requins
de nuages qui vont s’ouvrir
le croissant de leur bouche
dans le rêve de la colombe
et qui s’enfoncent seulement
quand tombe le miroir.
Maintenant s’avance la loutre
vers la plage en arêtes
de l’aveugle château-fort ;
sur sa peau couverte d’écailles
se brise la rosée
et dans un remous la palmure
de ses orteils
peigne la pâle chevelure
d’herbe du marécage.
La forêt traîne par là
un radeau de racines
de pins, qu’a recouvert
le cri des chouettes.
MESSAGE CLANDESTIN
Quelque chose viendra au-dessus de la mer.
Incolore,
une montagne de verre opalin,
rempli de l’ombre du néant.
Nul canon ne se dressera,
nul avion ne la poursuivra ;
les radars resteront perplexes.
Légère,
veinée de granit, elle passera :
un cerveau privé de pouvoirs
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Traduit de l’allemand par Raoul Bécousse
In, Wolfdietrich Schnurre : « Messages clandestins,
et nouveaux poèmes »
Editions Noah, 1986
Du même auteur :
Adoration /Anbetung (28/11/2014)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (I) (28/11/2015)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (II) (28/11/2016)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (III) (28/11/2017)
Harangue du policier de banlieue pendant sa ronde du matin /Ansprache des vorortpolizisten waehrend der morgenrunde (28/11/2018)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (III) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (III) (28/11/2020)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (I) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (I) (28/11/2021)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (II) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (II) (28/11/2022)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (IV) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (IV) (28/11/2023)
Kassiber
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GEBET
Erschreck mich.
Suche mich eim mit Gesichten.
Tritt nicht hinter die Breitwand
kolorierter Zerstreuung zurück.
Lasse mich nicht in diesem Wald
aus Fernsehantennen verkommen.
Durchbrich mit meinem Ende die
Reihen genormter Statistik
und schick einen Tod, dem Terror
und Technik verhasst sind, in der Gloriole
KASSIBER
Eine Staubwolke kam,
eine rote ;
lastend,
ein Dunstleib,
sank sie herab.
Die U-Bahn blieb stecken,
der Bus drückte die Wand ein,
es war Mittag, und war
eine rötliche Nacht.
Und roch nach Leder,
nach Steppe und Tierschweiss.
Frauen fielen in Krämpfe der Wollust ;
Kinder erstarrten im Spiel ;
und es regnete Sand.
ZUGVOGELBOTSCHAFT
Gib deine Schätze nicht denen,
die sie vertun ; dieses Lächeln :
bewahr es dem Kranich, er nimmt es
im Herbst unter die Schwingen,
im März bringt er es dir
als rostiges Lachen zurück.
Gesteh deine Armut nicht denen,
die sie verachten ; diese Blösse :
bedeck sie im roten Oktober
mit den Tränen der Schnepfe,
und im gescheckten April
wärmen dich Daunen aus Schnee
Zeig deinen Stolz nicht vor denen,
die er beleidigt ; hier diesen Mut :
lasse ihn kreisen im Frost, wirf ihn
dem Kibitzschwarm nach übers Meer,
und aus den Federn des Frühlings
fällt er dir keuchend ins Herz
KULISSE
Regen -
Regen rauscht auf den Rummel.
Das Glücksrad verliert seine Farbe,
der Würfelbecher wird klebrig ;
in der Schiessbude schlafen die Schüsse.
Wills keiner mehr wagen ?
Wills keiner mehr würfeln ?
Wills keiner mehr drehn ?
Regen -
Regen rauscht auf den Rummel.
HERBSTALB
Die Nebelqualle hat
die klöppellose Glocke
ihres Leibs dem Forst
aufs Haupt gestülpt,
das beinern glänzt.
Die Vogelfische atmen
schon durch schwarze
Schattenkiemen, denn
die Nachtflut steigt.
Sie bringt die Wolkenhaie,
die den Halbmond
ihres Munds im Traum
der Taube aufgehn lassen
und erst sinken, wenn
der Spiegel fällt.
Jetzt treibt der Otter
hin zum Grättenstrand
der blinden Burg ;
am Schuppenfell
zerschellt der Tau
und strudelnd kämmt
die Schwimmhaut
seiner Zehen das fahle
Gräserhaar des Rieds.
Ein Floss aus
Kiefernwurzeln, überdacht
von Eulenschreien, zieth
der Wald dahin.
KASSIBER
Es wird übers Meer kommen.
Farblos,
ein Milchglasgebirge, gefüllt
mit dem Schatten des Nichts.
Kein Geschützrohr erebt sich,
kein Radargeräte sind ratlos.
Leicht,
graniten geädert, zieht es dahin :
ein entmachteyes Hirn.
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Kassiber und neue Gedichte,
Ullstein Buch, Berrlin, 1979 et 1982
Poème précédent en allemand :
Herwarth Walden : « Ferne blühen Deine Augen – Loin fleurissent tes yeux... » (22/10/2019)
Poème suivant en allemand :
Paul Celan : Psaume / Psalm (01/12/2019)