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Le bar à poèmes
28 novembre 2022

Wolfdietrich Schnurre (1920 – 1989) : Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (II) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (II)

s[1]IMAGO / teutopress

 

Nouveaux poèmes 1965 – 1979

II

APPEL

Faites des vers.

L’empereur

a envoyé

ses collecteurs

de chansons.

 

Péniblement

les Honorables

s’en vont

à travers champs

et affrontent

le vent.

 

Pensez

à leurs chaussures

inadaptées.

 

DECLARATION

Pour que la chaise à porteurs

du préfet des contributions

ne soit pas

trop balancée

sur le caillebotis

qui divise

les marais du sud,

nous avons

remis en état

les fascines.

Puisse

sa Seigneurie

parvenir

jusqu’à nous, pauvres gens,

avec un bon moral.

 

EN CONNAISSANCE DE CAUSE

J’ai lavé

le pantalon

à mon mari.

 

En tant que femme de soldat

je sais quelle importance

a la place où reposent

les bourses.

 

Là se rejoignent les coutures

de la jambe

droite et

de la gauche.

 

De pareils assemblages de coutures

peuvent se transformer

en lames de couteau.

 

C’est pourquoi je les frappe

avec mon battoir

à cet endroit

surtout.

 

Rien de plus mauvais

pour les hommes

en fuite vers le pays

qu’une blessure

dans cette région-là.

 

LE FILS

J’attends mon père

qui revient de son champ.

Il m’a promis

de rapiécer mon cerf-volant.

Être le familier de la terre

et du ciel : qui peut établir

de tels liens ?

 

LE PERE

Je ne comprends pas.

Le mur de liège absorbe

mes propos. L’impatience

rend ma voix éraillée.

Je te vois plus petit,

alors que tu grandis.

En riant tu cours à travers

la rhubarbe craquante.

 

LIMITES

Comment-est-il permis

que cet homme ordinaire

ose écrire un poème

sur le ver à soie ; en définitive

qui habille-t-il

donc : lui

ou Nous ?

 

Majesté impériale,

il doit

y avoir là

quelque trahison ;

les démarches

nécessaires

seront

entreprises

 

POESIE

Bourreau, tu les as bien

dépeints

dans ton poème,

hier après-midi,

les nuages du soir.

 

Puisses-tu bientôt

être de nouveau exempt de service,

pour alors aussi,

au-dessus des bois de bambous,

faire se lever

la lune.

 

INSTRUCTION

Tchou Hsi instruit

le bœuf :

 

courbe la nuque.

 

Eprouve

la rude

discipline

de ton joug.

 

Comprends que c’est

la position

la plus avantageuse

pour utiliser

ta corne :

 

rigoureusement,

dans une poussée

calculée.

 

 

ACTION DE GRÂCES

Empereur.

Tu as nourri

ta grue favorite

avec des poissons

volants ;

orné

le bout des seins

de tes maîtresses

avec des clochettes

d’argent ;

cultivé un pin

qui,

bien que centenaire,

tenait

dans un petit seau d’enfant.

Tu as perdu

treize batailles ;

pas planté

un seul grain de riz ;

jamais parlé

des citernes.

On te nommera

en tout cas,

à cause de tes esquisses

de papier peint,

l’Homme de soie.

C’est plus honorable

que

l’Homme de fer,

Empereur.

 

LE MEFIANT

Le cri de l’oie sauvage

autour de la tempe ;

l’encre

à la ceinture ; ainsi

marche

celui qu’ils

appellent

le trompeur de lune.

 

Il envoie

son ombre

en avant.

C’est seulement

quand le nuage

l’efface

qu’il pose

son soulier de raphia

 

dans la

clairière

qui s’obscurcit.

 

VICTOIRE

Fu, le paysan

a été élu

par les combattants

héros de la steppe

des pins ; son sang

a nourri leurs racines.

 

Tsen, le fonctionnaire

a écrit un poème

sur l’égalité d’âme,

au moment où le coup d’épée

habile

séparait proprement

tête et tronc

 

Wang, le prolétaire,

a enlevé

à l’ennemi

son creuset ;

il rouille

dans le Yang-Tsé.

 

Dsing, le sage

la brigade l’a poussé

en le rouant de coups,

dans la rizière.

Il enseigne à présent

à goûter

les grains.

 

Fu recevra

un écriteau de bois ;

la veuve de Tsen

une bicyclette.

A Wang

le Comité central

transmettra

son salut.

 

Les cuillères

vanteront Dsing.

 

LA GRANDE APPARITION

Tu parles aux soldats.

Tu dis sur le combat des choses importantes.

Tu as en vue de multiples victoires.

Tu te réchauffes aux montagnes de glace

de l’avenir. Foules au pied les feux

d’autrefois. Nivelles les cascades des classes.

Mais où, Grand Homme, penses-tu

à nous qui sommes prêts à donner notre amour

avec plus de sagesse ; et à ne pas planter

sept fleurs mais une seule. Celle qui s’enracine

au fond et qui ne convient pas

pour orner les fusils. Une seule chose

apporte le salut. Plus serait désastreux.

Car déjà deux sont bien des adversaires. Où,

Grand Homme, cela est écrit-il. Réponds, pierre.

 

MEKONG

Mille terrasses.

Ils montent.

Vers le bas ou vers le haut ?

 

Le puisage

travaille contre

toute logique ;

il pousse

l’eau en amont.

 

Le long du ravin

retentissent

de sèches détonations.

 

L’enfant,

pour faire avancer

le buffle,

préfère

le grain de riz :

 

avec sa sarbacane

il atteint

les testicules

avec précision

 

ANKOR

Il a parlé

le grand Libérateur :

 

« Faisons

un homme nouveau.

Qu’il défriche

d’abord. Puis

il pourra semer. »

 

Là-dessus

ses soldats

ont commencé

à moissonner.

 

MESSAGE CLANDESTIN

Lotus :

but de la flèche ;

ornement des tempes ;

étoile

au-dessus des in-

sondables abîmes

de l’étang ;

mandala de moine - :

 

Il

y a

des contrefaçons

en circulation.

 

Libellules :

les

étamines

que rougit la rouille

 

REDDITION

Voici la chemise du dossier.

Voici une feuille du meilleur papier à cigarettes.

Cette machine à écrire dégouttait de miel,

on l’a sauvée d’une fourmilière.

Le ruban peut écrire en rouge comme en noir.

Recense qui fut contre nous. Note les bruits qui courent.

Tu devras t’habituer à incliner la tête.

Varie la phrase : la révolution n’a pas

brisé que les carreaux des fenêtres.

 

INTRONISATION

On l’amène,

paré

de la barbe vernie,

du crâne de l’ibis.

 

Les prêtres

brûlent

l’ombre.

 

Les astrologues

éteignent

le soleil.

 

Le peuple

ne prend pas

part à la fête ;

il extrait la pierre

pour le monument.

 

APRES

Le fonctionnement

de l’appareil de l’administration

postrévolutionnaire

réjouit le combattant de la jungle

en particulier. Rien de pire

que le désordre : dans la musette

comme parmi les gens.

 

Traduit de l’allemand par Raoul Bécousse

In, Wolfdietrich Schnurre : « Messages clandestins, et nouveaux poèmes »

Editions Noah, 1986

Du même auteur :

Adoration /Anbetung (28/11/2014)

Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (I) (28/11/2015)

Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (II) (28/11/2016)

Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (III) (28/11/2017)

Harangue du policier de banlieue pendant sa ronde du matin /Ansprache des vorortpolizisten waehrend der morgenrunde (28/11/2018)

Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (IV) (28/11/2019)

Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (III) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (III) (28/11/2020)

Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (I) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (I) (28/11/2021)

Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (IV) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (IV) (28/11/2023)

 

Neue Gedichte 1965 – 1979

II

AUFRUF

Dichtet.

Der Kaiser

hat die

Liedeinsammler

geschickt.

 

Mühsam, die

Ehrenwerten,

gehn sie

über die Felder

und gegen

den Wird an.

 

Gedenkt

ihres ungeeigneten

Schuhwerks.

 

ANZEIGE

Wir haben,

um die Sänfte

des Steuerpräfekten

nicht

allzu sehr

ins Schaukeln

geraten zu lassen,

am Knüppeldamm,

der die Südsümpfe

teilt,

die Faschinen

erneuert.

Der Herr

möge

guten Mutes

zu uns Armen

gelangen.

 

IN KENNTNIS

Ich habe

meinem Mann

die Hose gewaschen.

 

Als Soldatenfrau

weiss ich, wie wichtig

die Stelle ist, wo

der Hodensack aufliegt.

 

Dort laufen  die Nähte

des rechten  und

des linken

Beines zusammen.

 

Solche   Nahtkombinationem

können zu

Messerklingen geraten.

 

Daher schlag ich

auf die hier

mit dem Klopfholz

besonders

 

Nichts ärger, als

wenn sich die Männer,

heimwärts fliehend,

in jener Gegend

verletzen

 

DER SOHN

Ich erwarte

den Vater vom Feld.

Er hat mir versprochen,

den Drachen zu flicken.

Mit Erde und Himmel

vertraut : Wer hat

solche Verbindungen ?

 

DER VATER

Ich verstehe dich nicht.

Die Korkwand schluckt,

was ich meine. Ungeduld

beitz meine Stimme. Ich

sehe dich kleiner werden,

obwohl du grösser wirst.

Lachend rennst du durch

den knackenden Rhabarber.

 

GRENZEN

Wie darf

dieser einfache Mann

es wagen, ein Gedicht

über die Seidenraupe

zu schreiben ; schliesslich,

wenn kleidet

sie denn : ihn

oder Uns ?

 

Kaiserliche Hoheit,

es muss da

Verrat

mit im Spiel

sein ; die

entsprechenden

Schritte werden

veranlasst.

 

LYRIK

Henker, wie schön

sin dir

in deinem Vers

gestern nachmittag

die  Abendwolken geraten.

 

Mögest du bald

wieder dienstfrei haben,

um nun auch

über den Bambuswäldern

den Mond

aufsteigen zu lassen.

 

WEISUNG

Dschu Hsi lehrt

den Ochsen :

 

Beuge den Nacken.

 

Spüre

die hölzerne

Disziplin

deines Jochs

 

Verstehe, dass dies

die günstigste

Haltung ist,

dein Horn

zu gebrauchen :

 

streng, in

berechnendem

Zustoss.

 

DANKSAGUNG

Kaiser.

Du hast

deinen Lieblingskranich

mit Fliegenden Fischen

gefüttert ;

die Brustwarzen

deiner Mätressen

mit Silberglöckchen

behängt ;

eine Kiefer gezüchtet,

die,

obwohl hundertjährig,

in ein Spei-Eimerchen

passte.

Du hast dreizehn Schlachten

verloren ;

nicht ein Korn Reis

angepflanzt ;

nie von Zisternen

gesprochen.

Man wird dich,

ausgehend von deinen

Tapetenentwürfen,

allenfalls

Der Seidige nennen.

Da ist ehrenwerter

als

Der Eiserne,

Kaiser.

 

DER ARGWOEHNISCHE

Wildgansschrei

um die Schläfe ;

die Tinte

am Gürtel ; so

wandert,

den sie den

Mondtäuscher

nennen.

 

Er schickt

seinen Schatten

voraus.

Erst

wenn die Wolke

iIhn auslöcht,

setz er

den Bastschuh

 

auf die

dunkelnde

Lichtung.

 

SIEG

Fu, den Bauern

haben die Kämpfer

zum Helden der

Kiefernsteppe

erkoren ; sein Blut

nährte die Wurzeln.

 

Tsen, der Beamte

schrieb  ein Gedicht

über den Gleichmut,

als der kunstvolle

Schwertstreich

Kopf und Rumpf

säuberlich trennte.

 

Wang, der Prolet

hat dem Feind

seinen Schmelztrog

entzogen ; er

rostet

im Jang-tse.

 

Dsing, den Weisen

trieb die Brigade

mit Schlägen

aufs Reisfeld.

Er lehrt jetzt

die Körner

zu schmecken.

 

Fu erhält

eine Holztafel ;

Tsens Witwe

ein Fahrrad.

Wang wird das

Zentralkomitee

einen Gruss

übermitteln

 

Dsing preisen

die Löffel.

 

VOR DER GROSSEN ERSCHEINUNG

Du sprichst zu Soldaten.

Du sagst Bedeutendes über den Kampf.

Du hast mannigfache Siege im Auge.

Erwärmst dich an den Eisgebirgen

der Zukunft. Zertrittst die früheren

Feuer. Nivellierst die Kaskaden der

Klassen. Wo aber, Grosser, gedenkst du

unser, die wir bereit sind, weiser

zu lieben ; nicht sieben Blumen zu

pflanzen sondern nur eine. Die mit

der Wurzel zum Grund. Die sich nicht

eignet  zum Schmuck der Gewehre. Eins

ist die Rettung. Mehr bringt Verderben.

Denn schon zwei sind ja Gegner. Wo,

Grosser, steht das. Antworte, Stein.

 

MEKONG

Tausend Terrassen.

Sie steigen.

Herab oder hinan ?

 

Das Schöpfwerk

arbeitet wider

die Logik ; es

schafft das

Wasser bergauf.

 

Schluchthin

hallen

trockene Schüsse.

 

Das Kind, um

den Büffel

zu treiben,

bevorzugt

das Reiskorn ;

 

Mit dem Blasrohr

trifft es

den Hoden

genau.

 

ANKOR

Es sprach der

Grosse Befreier :

 

« Lasst uns einen

neuen Menschen

machen. Er rode

zuvörderst. Dann

mag er säen. »

 

Darauf

begannen

zeine Soldaten

zu ernten.

 

KASSIDER

Lotos :

Pfeilziel ;

Schläfenschmieger ;

Stern

über den Un-

tiefen des

Teichs ;

Mönchsmandala - :

 

Es

sind

Falsifikate

im Umlauf.

 

Libellen :

Die

Staubgefässe

rötet der Rost.

 

UEBERGABE

Hier der Aktendeckel.

Hier ein Bogen besten Zigarettenpapiers.

Diese Schreibmaschine war mit Honig beträufelt,

man hat sie aus einem Ameisenhaufen geborgen.

Das Farrband kann rot schreiben und schwarz.

Erfasse, wer gegen uns war. Notiere Gerüchte.

Du wirst dir ein Kopfneigen zulegen müssen.

Variiere den Satz : Die Revolution hat nicht nur

Fensterscheiben zerschlagen.

 

INTHRONISIERUNG

Hergeführt wird er,

angetan mit

dem Lackbart, dem

Schädel des Ibis.

 

Die Priester

verbrennen

den Schatten.

 

Die Sterndeuter

löschen

die Sonne.

 

Das Volk

nimmt an der

Feier nicht teil ;

es bricht Stein

für das Denkmal.

 

DANACH

Das Funktionieren

des postrevolutionären

Verwaltungsapparates

erfreut den Dschungelkämpfer

besonders. Nichts schlimmer

als Unordnung ; im Brotbeutel

wie unter den Leuten.

 

Kassiber und neue Gedichte,

Ullstein Buch, Berrlin, 1979 et 1982

Poème précédent en allemand :

Johann Wolfgang von Goethe : Chant de Mahomet / Mahomets-Gesang (23/06/2022)

Poème suivant en allemand :

Paul Celan : Port / Hafen (01/12/2022)

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