Wolfdietrich Schnurre (1920 – 1989) : Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (II) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (II)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979
II
APPEL
Faites des vers.
L’empereur
a envoyé
ses collecteurs
de chansons.
Péniblement
les Honorables
s’en vont
à travers champs
et affrontent
le vent.
Pensez
à leurs chaussures
inadaptées.
DECLARATION
Pour que la chaise à porteurs
du préfet des contributions
ne soit pas
trop balancée
sur le caillebotis
qui divise
les marais du sud,
nous avons
remis en état
les fascines.
Puisse
sa Seigneurie
parvenir
jusqu’à nous, pauvres gens,
avec un bon moral.
EN CONNAISSANCE DE CAUSE
J’ai lavé
le pantalon
à mon mari.
En tant que femme de soldat
je sais quelle importance
a la place où reposent
les bourses.
Là se rejoignent les coutures
de la jambe
droite et
de la gauche.
De pareils assemblages de coutures
peuvent se transformer
en lames de couteau.
C’est pourquoi je les frappe
avec mon battoir
à cet endroit
surtout.
Rien de plus mauvais
pour les hommes
en fuite vers le pays
qu’une blessure
dans cette région-là.
LE FILS
J’attends mon père
qui revient de son champ.
Il m’a promis
de rapiécer mon cerf-volant.
Être le familier de la terre
et du ciel : qui peut établir
de tels liens ?
LE PERE
Je ne comprends pas.
Le mur de liège absorbe
mes propos. L’impatience
rend ma voix éraillée.
Je te vois plus petit,
alors que tu grandis.
En riant tu cours à travers
la rhubarbe craquante.
LIMITES
Comment-est-il permis
que cet homme ordinaire
ose écrire un poème
sur le ver à soie ; en définitive
qui habille-t-il
donc : lui
ou Nous ?
Majesté impériale,
il doit
y avoir là
quelque trahison ;
les démarches
nécessaires
seront
entreprises
POESIE
Bourreau, tu les as bien
dépeints
dans ton poème,
hier après-midi,
les nuages du soir.
Puisses-tu bientôt
être de nouveau exempt de service,
pour alors aussi,
au-dessus des bois de bambous,
faire se lever
la lune.
INSTRUCTION
Tchou Hsi instruit
le bœuf :
courbe la nuque.
Eprouve
la rude
discipline
de ton joug.
Comprends que c’est
la position
la plus avantageuse
pour utiliser
ta corne :
rigoureusement,
dans une poussée
calculée.
ACTION DE GRÂCES
Empereur.
Tu as nourri
ta grue favorite
avec des poissons
volants ;
orné
le bout des seins
de tes maîtresses
avec des clochettes
d’argent ;
cultivé un pin
qui,
bien que centenaire,
tenait
dans un petit seau d’enfant.
Tu as perdu
treize batailles ;
pas planté
un seul grain de riz ;
jamais parlé
des citernes.
On te nommera
en tout cas,
à cause de tes esquisses
de papier peint,
l’Homme de soie.
C’est plus honorable
que
l’Homme de fer,
Empereur.
LE MEFIANT
Le cri de l’oie sauvage
autour de la tempe ;
l’encre
à la ceinture ; ainsi
marche
celui qu’ils
appellent
le trompeur de lune.
Il envoie
son ombre
en avant.
C’est seulement
quand le nuage
l’efface
qu’il pose
son soulier de raphia
dans la
clairière
qui s’obscurcit.
VICTOIRE
Fu, le paysan
a été élu
par les combattants
héros de la steppe
des pins ; son sang
a nourri leurs racines.
Tsen, le fonctionnaire
a écrit un poème
sur l’égalité d’âme,
au moment où le coup d’épée
habile
séparait proprement
tête et tronc
Wang, le prolétaire,
a enlevé
à l’ennemi
son creuset ;
il rouille
dans le Yang-Tsé.
Dsing, le sage
la brigade l’a poussé
en le rouant de coups,
dans la rizière.
Il enseigne à présent
à goûter
les grains.
Fu recevra
un écriteau de bois ;
la veuve de Tsen
une bicyclette.
A Wang
le Comité central
transmettra
son salut.
Les cuillères
vanteront Dsing.
LA GRANDE APPARITION
Tu parles aux soldats.
Tu dis sur le combat des choses importantes.
Tu as en vue de multiples victoires.
Tu te réchauffes aux montagnes de glace
de l’avenir. Foules au pied les feux
d’autrefois. Nivelles les cascades des classes.
Mais où, Grand Homme, penses-tu
à nous qui sommes prêts à donner notre amour
avec plus de sagesse ; et à ne pas planter
sept fleurs mais une seule. Celle qui s’enracine
au fond et qui ne convient pas
pour orner les fusils. Une seule chose
apporte le salut. Plus serait désastreux.
Car déjà deux sont bien des adversaires. Où,
Grand Homme, cela est écrit-il. Réponds, pierre.
MEKONG
Mille terrasses.
Ils montent.
Vers le bas ou vers le haut ?
Le puisage
travaille contre
toute logique ;
il pousse
l’eau en amont.
Le long du ravin
retentissent
de sèches détonations.
L’enfant,
pour faire avancer
le buffle,
préfère
le grain de riz :
avec sa sarbacane
il atteint
les testicules
avec précision
ANKOR
Il a parlé
le grand Libérateur :
« Faisons
un homme nouveau.
Qu’il défriche
d’abord. Puis
il pourra semer. »
Là-dessus
ses soldats
ont commencé
à moissonner.
MESSAGE CLANDESTIN
Lotus :
but de la flèche ;
ornement des tempes ;
étoile
au-dessus des in-
sondables abîmes
de l’étang ;
mandala de moine - :
Il
y a
des contrefaçons
en circulation.
Libellules :
les
étamines
que rougit la rouille
REDDITION
Voici la chemise du dossier.
Voici une feuille du meilleur papier à cigarettes.
Cette machine à écrire dégouttait de miel,
on l’a sauvée d’une fourmilière.
Le ruban peut écrire en rouge comme en noir.
Recense qui fut contre nous. Note les bruits qui courent.
Tu devras t’habituer à incliner la tête.
Varie la phrase : la révolution n’a pas
brisé que les carreaux des fenêtres.
INTRONISATION
On l’amène,
paré
de la barbe vernie,
du crâne de l’ibis.
Les prêtres
brûlent
l’ombre.
Les astrologues
éteignent
le soleil.
Le peuple
ne prend pas
part à la fête ;
il extrait la pierre
pour le monument.
APRES
Le fonctionnement
de l’appareil de l’administration
postrévolutionnaire
réjouit le combattant de la jungle
en particulier. Rien de pire
que le désordre : dans la musette
comme parmi les gens.
Traduit de l’allemand par Raoul Bécousse
In, Wolfdietrich Schnurre : « Messages clandestins, et nouveaux poèmes »
Editions Noah, 1986
Du même auteur :
Adoration /Anbetung (28/11/2014)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (I) (28/11/2015)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (II) (28/11/2016)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (III) (28/11/2017)
Harangue du policier de banlieue pendant sa ronde du matin /Ansprache des vorortpolizisten waehrend der morgenrunde (28/11/2018)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (IV) (28/11/2019)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (III) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (III) (28/11/2020)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (I) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (I) (28/11/2021)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (IV) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (IV) (28/11/2023)
Neue Gedichte 1965 – 1979
II
AUFRUF
Dichtet.
Der Kaiser
hat die
Liedeinsammler
geschickt.
Mühsam, die
Ehrenwerten,
gehn sie
über die Felder
und gegen
den Wird an.
Gedenkt
ihres ungeeigneten
Schuhwerks.
ANZEIGE
Wir haben,
um die Sänfte
des Steuerpräfekten
nicht
allzu sehr
ins Schaukeln
geraten zu lassen,
am Knüppeldamm,
der die Südsümpfe
teilt,
die Faschinen
erneuert.
Der Herr
möge
guten Mutes
zu uns Armen
gelangen.
IN KENNTNIS
Ich habe
meinem Mann
die Hose gewaschen.
Als Soldatenfrau
weiss ich, wie wichtig
die Stelle ist, wo
der Hodensack aufliegt.
Dort laufen die Nähte
des rechten und
des linken
Beines zusammen.
Solche Nahtkombinationem
können zu
Messerklingen geraten.
Daher schlag ich
auf die hier
mit dem Klopfholz
besonders
Nichts ärger, als
wenn sich die Männer,
heimwärts fliehend,
in jener Gegend
verletzen
DER SOHN
Ich erwarte
den Vater vom Feld.
Er hat mir versprochen,
den Drachen zu flicken.
Mit Erde und Himmel
vertraut : Wer hat
solche Verbindungen ?
DER VATER
Ich verstehe dich nicht.
Die Korkwand schluckt,
was ich meine. Ungeduld
beitz meine Stimme. Ich
sehe dich kleiner werden,
obwohl du grösser wirst.
Lachend rennst du durch
den knackenden Rhabarber.
GRENZEN
Wie darf
dieser einfache Mann
es wagen, ein Gedicht
über die Seidenraupe
zu schreiben ; schliesslich,
wenn kleidet
sie denn : ihn
oder Uns ?
Kaiserliche Hoheit,
es muss da
Verrat
mit im Spiel
sein ; die
entsprechenden
Schritte werden
veranlasst.
LYRIK
Henker, wie schön
sin dir
in deinem Vers
gestern nachmittag
die Abendwolken geraten.
Mögest du bald
wieder dienstfrei haben,
um nun auch
über den Bambuswäldern
den Mond
aufsteigen zu lassen.
WEISUNG
Dschu Hsi lehrt
den Ochsen :
Beuge den Nacken.
Spüre
die hölzerne
Disziplin
deines Jochs
Verstehe, dass dies
die günstigste
Haltung ist,
dein Horn
zu gebrauchen :
streng, in
berechnendem
Zustoss.
DANKSAGUNG
Kaiser.
Du hast
deinen Lieblingskranich
mit Fliegenden Fischen
gefüttert ;
die Brustwarzen
deiner Mätressen
mit Silberglöckchen
behängt ;
eine Kiefer gezüchtet,
die,
obwohl hundertjährig,
in ein Spei-Eimerchen
passte.
Du hast dreizehn Schlachten
verloren ;
nicht ein Korn Reis
angepflanzt ;
nie von Zisternen
gesprochen.
Man wird dich,
ausgehend von deinen
Tapetenentwürfen,
allenfalls
Der Seidige nennen.
Da ist ehrenwerter
als
Der Eiserne,
Kaiser.
DER ARGWOEHNISCHE
Wildgansschrei
um die Schläfe ;
die Tinte
am Gürtel ; so
wandert,
den sie den
Mondtäuscher
nennen.
Er schickt
seinen Schatten
voraus.
Erst
wenn die Wolke
iIhn auslöcht,
setz er
den Bastschuh
auf die
dunkelnde
Lichtung.
SIEG
Fu, den Bauern
haben die Kämpfer
zum Helden der
Kiefernsteppe
erkoren ; sein Blut
nährte die Wurzeln.
Tsen, der Beamte
schrieb ein Gedicht
über den Gleichmut,
als der kunstvolle
Schwertstreich
Kopf und Rumpf
säuberlich trennte.
Wang, der Prolet
hat dem Feind
seinen Schmelztrog
entzogen ; er
rostet
im Jang-tse.
Dsing, den Weisen
trieb die Brigade
mit Schlägen
aufs Reisfeld.
Er lehrt jetzt
die Körner
zu schmecken.
Fu erhält
eine Holztafel ;
Tsens Witwe
ein Fahrrad.
Wang wird das
Zentralkomitee
einen Gruss
übermitteln
Dsing preisen
die Löffel.
VOR DER GROSSEN ERSCHEINUNG
Du sprichst zu Soldaten.
Du sagst Bedeutendes über den Kampf.
Du hast mannigfache Siege im Auge.
Erwärmst dich an den Eisgebirgen
der Zukunft. Zertrittst die früheren
Feuer. Nivellierst die Kaskaden der
Klassen. Wo aber, Grosser, gedenkst du
unser, die wir bereit sind, weiser
zu lieben ; nicht sieben Blumen zu
pflanzen sondern nur eine. Die mit
der Wurzel zum Grund. Die sich nicht
eignet zum Schmuck der Gewehre. Eins
ist die Rettung. Mehr bringt Verderben.
Denn schon zwei sind ja Gegner. Wo,
Grosser, steht das. Antworte, Stein.
MEKONG
Tausend Terrassen.
Sie steigen.
Herab oder hinan ?
Das Schöpfwerk
arbeitet wider
die Logik ; es
schafft das
Wasser bergauf.
Schluchthin
hallen
trockene Schüsse.
Das Kind, um
den Büffel
zu treiben,
bevorzugt
das Reiskorn ;
Mit dem Blasrohr
trifft es
den Hoden
genau.
ANKOR
Es sprach der
Grosse Befreier :
« Lasst uns einen
neuen Menschen
machen. Er rode
zuvörderst. Dann
mag er säen. »
Darauf
begannen
zeine Soldaten
zu ernten.
KASSIDER
Lotos :
Pfeilziel ;
Schläfenschmieger ;
Stern
über den Un-
tiefen des
Teichs ;
Mönchsmandala - :
Es
sind
Falsifikate
im Umlauf.
Libellen :
Die
Staubgefässe
rötet der Rost.
UEBERGABE
Hier der Aktendeckel.
Hier ein Bogen besten Zigarettenpapiers.
Diese Schreibmaschine war mit Honig beträufelt,
man hat sie aus einem Ameisenhaufen geborgen.
Das Farrband kann rot schreiben und schwarz.
Erfasse, wer gegen uns war. Notiere Gerüchte.
Du wirst dir ein Kopfneigen zulegen müssen.
Variiere den Satz : Die Revolution hat nicht nur
Fensterscheiben zerschlagen.
INTHRONISIERUNG
Hergeführt wird er,
angetan mit
dem Lackbart, dem
Schädel des Ibis.
Die Priester
verbrennen
den Schatten.
Die Sterndeuter
löschen
die Sonne.
Das Volk
nimmt an der
Feier nicht teil ;
es bricht Stein
für das Denkmal.
DANACH
Das Funktionieren
des postrevolutionären
Verwaltungsapparates
erfreut den Dschungelkämpfer
besonders. Nichts schlimmer
als Unordnung ; im Brotbeutel
wie unter den Leuten.
Kassiber und neue Gedichte,
Ullstein Buch, Berrlin, 1979 et 1982
Poème précédent en allemand :
Johann Wolfgang von Goethe : Chant de Mahomet / Mahomets-Gesang (23/06/2022)
Poème suivant en allemand :
Paul Celan : Port / Hafen (01/12/2022)