Wolfdietrich Schnurre (1920 – 1989) : Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (I) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (I)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979
Pour Marina
I
IN MEMORIAM
La pureté
de l’arête de ton nez.
Tes sourcils
sont des ailes de colibri.
Tes doigts, faits
pour modeler
les gouttes de rosée.
Où dort-elle
ton ombre ?
Je me couche auprès d’elle
BONHEUR
Tu es couchée
au soleil, renarde ;
indolente, devant
l’entrée de ta tanière.
Ton pelage
frémit. Comme des étincelles
de cuivre
les puce sautent
là-dedans.
Avec ton oreille
gauche tu
épies
le cri du geai
dans la forêt ;
la droite,
effrangée,
se repose
rabattue
A l’écart, dans la fougère,
notre enfant,
tenant sa tête
inclinée,
mâchonne
la patte du
lièvre
d’hier.
CHANT DE SEDUCTION DE NOE
Viens donc,
Viens encor, ma colombe,
avant que l’ombre des nuages te noircisse.
Précipite-toi. Entre.
Mes cils commencent
à battre.
Déchire ma rétine ;
apporte le monde avec toi, mon oiseau.
Je jette pour toi du maïs.
MESURES
Le coucou est un menteur. Il compte le temps
avec de la fausse monnaie.
Truquées les aiguilles. Le calendrier
console la décadence avec des recettes de cuisine.
Seul ton pouls mesure les secondes
que nous vivons, entièrement. Fions-nous à lui.
EN CHEMIN
La trace du lynx,
que l’amour rend lisible,
mène à travers le bois chablis.
Je te suis.
Les houppes de mes oreilles jouent.
Mes griffes fendillées
se tapissent dans le velours.
Ton odeur, je la suis
vers la lueur des mélèzes,
qui se rouille et sur
les pentes à marmotte.
Au-delà des rochers,
dans le val plein de mousse,
là-bas, est ta demeure.
INTERREGNE
C’était le temps
où l’amour me fuyait encore,
ce n’est pas dans le rouge rouillé des coqs
qu’il me sautait à la nuque
et chantait : « Décide-toi ! »
et criait « Meurs ! » et « Vis ! »
Il n’y avait alors que la cabane
du pêcheur, pleine d’écailles, et du mucus
d’anguille sur la fenêtre.
Il n’y avait alors que le balancier décroissant
de la lune, qui a tué
l’engoulevent ; et autour de mes tempes
orageuses, la couronne en cristal de grillon,
en crin de cheval, en pavot.
Il n’y avait alors que la crécelle de la caille
dans la campagne et le gosier palpitant
de midi.
Il n’y avait alors au ciel que le couteau
qui séparait le soir du jour ;
et d’un œil sans éclat, simple curiosité,
je reconnaissais sous le ventre du trayeur,
dont elle subissait la poussée, la servante
qui, de grand matin, remplissait
les auges des porcs en train de chanter
avec des pommes de terre écrasées,
de la rinçure et du gruau.
Traduit de l’allemand par Raoul Bécousse
In, Wolfdietrich Schnurre : « Messages clandestins, et nouveaux poèmes »
Editions Noah, 1986
Du même auteur :
Adoration /Anbetung (28/11/2014)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (I) (28/11/2015)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (II) (28/11/2016)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (III) (28/11/2017)
Harangue du policier de banlieue pendant sa ronde du matin /Ansprache des vorortpolizisten waehrend der morgenrunde (28/11/2018)
Messages clandestins, poèmes 1945 – 1956 / Kassiber, gedichte 1945 – 1956 (IV) (28/11/2019)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (III) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (III) (28/11/2020)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (II) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (II) (28/11/2022)
Nouveaux poèmes 1965 – 1979 (IV) / Neue Gedichte 1965 – 1979 (IV) (28/11/2023)
Neue Gedichte 1965 – 1979
Für MarinaFür Marina
I
GEDENKEN
Die Heiterkeit
deines Nasenrückens.
Kolibriflügel
sind deine Brauen.
Finger, gemacht,
um Tautropfen
zu modellieren.
Wo schläft
dein Schatten ?
Ich lege mich zu ihm.
GLUECK
In der Sonne
liegst du, Füchsin ;
träg, vorm
Eingang des Baues.
Dein Pelz
flirrt. Wie kupferne
Fünken die
springenden Flöhe
darin.
Mit dem linken
Ohr lauschst
du
dem Häherschrei
im Wald ;
das rechte, zer-
franst,
ruht umgeknickt
aus.
Abseits im Farn
zerkaut
unser Kind
schräg gehaltenen
Kopfs
den Lauf des
gestrigen
Hasen.
LOCKLIED NOAHS
Komm doch.
Komm, meine Taube, noch ehe
der Wolkenschatten dich schwärzt.
Stoss nieder. Fall ein.
Der Schlag meiner Wimpern
steht auf.
Die Netzhaut zerreiss ;
bring Welt mit, mein Vogel.
Ich streue dir Mais ;
MESSUNGEN
Der Kuckuck lügt. Er zählt die Zeit
nach falscher Währung.
Gezinkt die Zeiger. Der Kalender
tröstet den Zerfall mit Kochrezepten.
Allein dein Puls misst die Sekunden,
die wir leben, ganz. Ihm lass uns trauen.
UNTERWEGS
Die Fährte des Luchses,
lesbar der Liebe, sie
führt durch den Windbruch.
Ich gehe dir nach.
Meine Ohrbüschel spielen.
Die rissigen Krallen
kauern in Samt.
Deiner Witterung folg ich
zum Lärchengeleucht, dem
rostenden und hinauf
die Murmeltierhänge.
Jenseits der Felsen,
im Moostal, dort
wohnst du.
INTERREGNUM
Das war die Zeit,
da noch die Liebe mich mied,
nicht im rostingen Hahnenrot
mir in den Nacken sprang
und » Entscheide dich ! « krähte
und » Stirb ! « schrie und » Leb ! «
Sondern da war nur die Hütte
des Fischers, schuppig, Aalschleim
im Fenster.
Da war nur der fallende Perpendikel
des Monds, der die Nachtschwalbe
totschlug ; und um die gewitternden
Schläfen der Kranz aus Grillenglas,
Pferdehaar, Mohn.
Da war nur die Klapper der Wachtel
im Feld und die atmende Gurgel
des Mittags
Da war nur das Messer am Himmel,
das den Abend trennte vom Tag ;
und glanzlosen Auges, nur Neugier,
erkannt ich unterm zustossenden
Schosse des Melkers die Magd,
die den singenden Schweinen
frühmorgens die Tröge
mit Stampfkartoffeln füllte,
mit Spülicht und Schrot
Kassiber und neue Gedichte,
Ullstein Buch, Berrlin, 1979 et 1982
Poème précédent en allemand :
Armin Senser : A la mémoire de Joseph Brodsky / Zum Gedenken an Joseph Brodsky (12/10/2021)
Poème suivant en allemand :
Paul Celan: « La nuit, quand le pendule de l’amour... » / « Nachts, wenn das Pendel der Liebe... » (01/12/2021)