Eric Arendt (1903 -1984) : Le cimetière juif de Prague / Prager Judenfriedhof
Cimetière juif de Prague
Pour Paul Celan
Mortes les racines
à l’intérieur. Au mont des Oliviers
l’ombre de la mort,
séparée. Chemin de Croix
qui ne finit jamais : le tien,
le mien – mais
elle erre encore,
l’aile de mer
de la parole.
Ici, jours années, gris,
le tissu
l’effeuillé. En haut
quelque chose écoute. Inaudible,
un vent. Jours années,
gris, une plainte,
sillage dans l’air. Vent,
ancien comme un obscurcissement
d’écorces.
Mais sous le jour, la paupière,
songent –
du profond
du sol, pierre depuis longtemps,
poussent les fronts
des morts : tables de la Loi
non brisée, front sur front,
basculées, recourbées
par le Dieu-temps, son
souffle. Inscrire lisible
la dure
linéature, gris-coeur l’ancien :
l’ineffaçable testament
de la souffrance, il vaut toujours,
on compte
d’après lui, aussi le gris
de tes tempes,
dernier
sédiment de la parole.
Yeux, ô bouches
yeux ! Miriam,
Yehoudi, le sable,
de vos pieds ! persécutés,
brûlés !
Yeux bouches
de l’écriture,
cortège d’ombres d’un
souvenir, gravé,
sans yeux ici sans bouche.
Frères de la poussière
nos doigts
lisent les noms.
Traduit de l’allemand par Marc Petit
in, « « Anthologie bilingue de la poésie allemande »
Editions Gallimard (La Pléiade), 1995
Prager Judenfriedhof
Für Paul Celan
Abgestorben
die Wurzeln innen. Am Ölberg
der Schatten des Todes
entsamt. Kreuzweg :
nie endend : Deines
und Meines – aber
noch irrt
der Meeresflügel
des Worts.
Hier, Tagjahre grau,
das Gespinst, das
Entlaubte, oben
ein Lauschen. Unhörbar
ein Wind.Tagjahre
grau, die klagende
Düsenspur. Wind,
alt wie Erdunkeln
von Rinden.
Unter dem Taglid doch
sinnen –
tief
aus dem Boden, Stein längst
wachsen die Stirnen
der Toten : Gesetzestafeln
ungebrochen, Stirn an Stirn,
geschleudert, gebogen
vom Zeitgott, von
seinem Wind. Zu lesen darauf
die harte
Lineatur, herzgrau das Alte :
des Leids, unlöschbares
Testament, das gilt noch,
nach ihm wird
gezhält, auch das Grau
deiner Schläfe,
letzes
Sediment des Worts.
Augen ihr Münder
Augen ! Mirjam
Jehudi, der Sand
eurer Füße ! Verjagte,
verbrannt !
Augen Münder
der Schrift
Schattenzug eines
Erinnerns, eingegraben,
auglos hier mundlos.
Dem staub verschwistert
unsre Finger,
lessen die Namen.
Poème précédent en allemand :
Friedrich Nietzsche : Le soleil décline / Die Sonne sinkt (07/02/2020)
Poème suivant en allemand :
Peter Huchel : Le moissonneur polonais / Der polnische schnitter (16/04/2020)