Salvatore Quasimodo (1901 – 1968) : Devant le gisant d’Ilaria del Carretto / Davanti al simulacro d’Ilaria Del Carretto
Devant le gisant d’Ilaria del Carretto
Déjà la lune douce éclaire tes collines ;
Au long du Serchio en robes bleues et rouges
Se promènent d’un pas léger les jeunes filles,
Comme de son temps, ô ma chère ; et Sirius
Pâlit, de plus en plus on le voit s’éloigner
Et la mouette sur les grèves délaissées
S’affole. Les amants s’avancent dans la joie
Sous le ciel de septembre et leurs gestes soulignent
Des mots que tu connais, paroles chuchotées.
Ils n’ont plus de pitié. Mais quelle est donc ta plainte,
Ô toi, demeurée seule et captive sur la terre ?
Comme toi je tressaille et d’un même sursaut,
Peut-être de colère et de peur. Qu’ils sont loin
Nos morts ! Mais les vivants le sont encore plus,
Mes lâches compagnons, que fige le silence.
Note : Paolo Guinigi, seigneur de Lucques, fit élever dans la cathédrale de sa ville, un sépulcre
en l’honneur de son épouse, Ilaria del Caretto, décédée deux ans après son mariage.
Traduit de l’italien par Sicca Vernier
in, « Poètes d’Italie. Anthologie, des origines à nos jours »
Editions de la Table Ronde, 1999
Devant le gisant d’Ilaria del Carretto
Tes collines déjà sous la tendre lune,
le long du Serchio des filles en robe
rouges et turquoises évoluent légères.
Comme à ta douce époque, ô chère ; et Sirius
s’éclipse, et toute heure s’éloigne,
et la mouette entre en fureur sur les
plages abandonnées. Des amants heureux
vont dans l’air de septembre, leurs gestes accompagnent
les ombres des paroles
que tu connais. Ils sont sans pitié ; et toi
que la terre retient, que pleures-tu ?
Ici restée seule. Mon sursaut
est peut-être le tien, de même colère et frayeur.
Lointains sont les morts, et plus encore les vivants,
mes compagnons vils et taciturnes.
Traduit de l'italien par Roland Ladrière
in, Salvatore Quasimodo : "Oeuvres poétiques"
Editions de Corlevour, 92110 Clichy,2021
Du même auteur :
Et c’est bientôt le soir / Ed è subito sera (01/11/2014)
J'entends encore la mer / S’ode ancora il mare (15/04/2018)
Anno Domini MCMXLVII (15/04/2020)
Vent à Tyndaris / Vento a Tindari (15/04/2021)
Temple de Zeus à Agrigente / Tempio di Zeus Ad Agrigento 15/04/2022)
La pie noire rit sur les orangers / Ride la gazza, nera sugli aranci. (06/10/2022)
Les retours / I Ritorni (15/04/2023)
Glendalough (06/10/2023)
: Ô mes doux animaux / O miei dolci animali (15/04/2024)
Dialogue / Dialogo (06/10/2024)
Davanti al simulacro d’Ilaria Del Carretto
Sotto la terra luna già i tuoi colli,
lungo il Serchio fanciulle in vesti rosse
e turchine si muovono leggere.
Così al tuo dolce tempo, o cara, e Sirio
perde colore, e ogno ora s’allontana,
e il gabbiano s’infuria sulle spiagge
derelitte. Gli amanti vanno lieti
nell’aria di settembre, i loro gesti
accompagnano ombre di parole
che conosci. Non hanno pietà; e tu
tenuta dalla terra, che lamenti?
Sei qui rimasta sola. Il mio sussulto
forse è il tuo, uguale d’ira e di spavento.
Remoti i morti e più ancora i vivi,
i miei compagni vili e taciturni.
Poème précédent en italien :
Francesco Petrarca : « La vie fuit... » / « La vita fugge... » (21/02/2019)
Poème suivant en italien :
Cesare Pavese : Paysage VIII / Paesaggio VIII (18/04/2019)