Salvatore Quasimodo (1901 – 1968) : Dialogue / Dialogo
Dialogue
« At cantu commotae Erebi de sedibus imis
umbrae ibant tenues simulacraque luce carentum. * »
Nous sommes souillés de guerre et Orphée grouille
d’insectes, dévoré par les poux,
et tu es morte. L’hiver, ce poids
de glace, l’eau, l’air de la tempête
te tinrent compagnie, et le tonnerre d’écho en écho
dans tes nuits terrestres. Et je sais à présent
que je te devais une adhésion plus ferme,
mais notre époque fut de sang et de fureur :
d’autres déjà s’enfonçaient dans la boue,
ils avaient les mains, les yeux défaits,
criaient miséricorde et amour.
Mais comme il est toujours tard pour aimer :
pardonne-moi, en conséquence. A présent, je crie aussi
ton nom en cette heure méridienne
aux ailes paresseuses, aux cordes de cigales
tendues dans l’écorce des cyprès.
Nous ne savons plus où est ta rive ;
il y avait un passage signalé des poètes
près des sources fumantes, venant d’éboulis
sur le plateau. Mais en ce lieu je vis,
enfant, des arbustes aux baies violettes
des chiens de troupeau, des oiseaux à l’air sombre
et des chevaux, animaux mystérieux
qui suivent l’homme à tête haute.
Les vivants ont perdu pour toujours
le chemin des morts et se tiennent à distance.
Ce silence est maintenant plus effrayant
que celui qui sépare de ta rive.
« Les ombres ténues s’avançaient. » Ici
L’Olone coule paisible, aucun arbre
ne bouge de son puits de racines.
Ô n’étais-tu pas Eurydice ? Tu n’étais pas Eurydice !
Eurydice est vivante. Eurydice ! Eurydice !
Et toi encore souillé de guerre, Orphée,
comme ton cheval sans le fouet,
redresse la tête, la terre ne tremble plus :
hurle d’amour et vaincs, si tu le veux, le monde.
* Cependant émues par son chant, les ombres ténues et les fantômes des êtres privés de
lumière s’avançaient. (Virgile, Les Géorgiques)
Traduit de l'italien par Roland Ladrière
in, Salvatore Quasimodo : "Oeuvres poétiques"
Editions de Corlevour, 92110 Clichy,2021
Du même auteur :
Et c’est bientôt le soir / Ed è subito sera (01/11/2014)
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Dialogo
« At cantu commotae Erebi de sedibus imis
umbrae ibant tenues simulacraque luce carentum. »
Siamo sporchi di guerra e Orfeo brulica
d’insetti, è bucato dai pidocchi,
e tu sei morta. L’inverno, quel peso
di ghiaccio l’acqua l’aria di tempesta
furono con te, e il tuono di eco in eco
nelle tue notti di terra. E ora so
che ti dovevo più forte consenso,
ma il nostro tempo è stato furia e sangue:
altri già affondavano nel fango,
avevano le mani, gli occhi disfatti,
urlavano misericordia e amore.
Ma come è sempre tardi per amare;
perdonami dunque. Ora grido anch’io
il tuo nome in quest’ora meridiana
pigra d’ali, di corde di cicale
tese dentro le scorze dei cipressi.
Più non sappiamo dov’è la tua sponda;
c’era un varco segnato dai poeti
presso fonti che fumano da frane
sull’altopiano. Ma in quel luogo io vidi
da ragazzo arbusti di bacche viola
cani da gregge e uccelli d’aria cupa
e cavalli, misteriosi animali
che vanno dietro l’uomo a testa alta.
I vivi hanno perduto per sempre
la strada dei morti e stanno in disparte.
Questo silenzio è ora più tremendo
di quello che divide la tua riva.
“Ombre venivano leggere”. E qui
l’Olona scorre tranquillo, non albero
si muove dal suo pozzo di radici.
O non eri Euridice? Non eri Euridice!
Euridice è viva. Euridice! Euridice!
E tu sporco ancora di guerra, Orfeo,
come il tuo cavallo, senza la sferza,
alza il capo, non trema più la terra:
urla d’amore, vinci, se vuoi, il mondo.
La vita non è sogno, 1946-1948
Mondadori, Milano (Italia),1949
Poème précédent en italien :
Lapo Gianni : « Je veux, Amour... » / « Amor, eo chero... » (21/09/2024)
Poème suivant en italien :
François Pétrarque / Francesco Petrarca : « Comme un pauvre vieillard... / Movesi il vecchierel... » (19/10/2024)