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Le bar à poèmes
6 octobre 2024

Salvatore Quasimodo (1901 – 1968) : Dialogue / Dialogo

 

Dialogue

 

« At cantu commotae Erebi de sedibus imis

umbrae ibant tenues simulacraque luce carentum. * »

Nous sommes souillés de guerre et Orphée grouille

d’insectes, dévoré par les poux,

et tu es morte. L’hiver, ce poids

de glace, l’eau, l’air de la tempête

te tinrent compagnie, et le tonnerre d’écho en écho

dans tes nuits terrestres. Et je sais à présent

que je te devais une adhésion plus ferme,

mais notre époque fut de sang et de fureur :

d’autres déjà s’enfonçaient dans la boue,

ils avaient les mains, les yeux défaits,

criaient miséricorde et amour.

Mais comme il est toujours tard pour aimer :

pardonne-moi, en conséquence. A présent, je crie aussi

ton nom en cette heure méridienne

aux ailes paresseuses, aux cordes de cigales

tendues dans l’écorce des cyprès.

Nous ne savons plus où est ta rive ;

il y avait un passage signalé des poètes

près des sources fumantes, venant d’éboulis

sur le plateau. Mais en ce lieu je vis,

enfant, des arbustes aux baies violettes

des chiens de troupeau, des oiseaux à l’air sombre

et des chevaux, animaux mystérieux

qui suivent l’homme à tête haute.

Les vivants ont perdu pour toujours

le chemin des morts et se tiennent à distance.

 

Ce silence est maintenant plus effrayant

que celui qui sépare de ta rive.

« Les ombres ténues s’avançaient. » Ici

L’Olone coule paisible, aucun arbre

ne bouge de son puits de racines.

Ô n’étais-tu pas Eurydice ? Tu n’étais pas Eurydice !

Eurydice est vivante. Eurydice ! Eurydice !

 

Et toi encore souillé de guerre, Orphée,

comme ton cheval sans le fouet,

redresse la tête, la terre ne tremble plus :

hurle d’amour et vaincs, si tu le veux, le monde.

 

* Cependant émues par son chant, les ombres ténues et les fantômes des êtres privés de

lumière s’avançaient. (Virgile, Les Géorgiques)

 

 

Traduit de l'italien par Roland Ladrière

in, Salvatore Quasimodo : "Oeuvres poétiques"

Editions de Corlevour, 92110 Clichy,2021

Du même auteur :

Et c’est bientôt le soir / Ed è subito sera (01/11/2014)

J'entends encore la mer / S’ode ancora il mare (15/04/2018)

Devant le gisant d’Ilaria del Carretto / Davanti al simulacro d’Ilaria Del Carretto (15/04/2019)

Anno Domini MCMXLVII (15/04/2020)

Vent à Tyndaris / Vento a Tindari (15/04/2021)

Temple de Zeus à Agrigente / Tempio di Zeus Ad Agrigento 15/04/2022)

La pie noire rit sur les orangers / Ride la gazza, nera sugli aranci. (06/10/2022)

Les retours / I Ritorni (15/04/2023)

Glendalough (06/10/2023) 

Ô mes doux animaux / O miei dolci animali (15/04/2024)

 

Dialogo

« At cantu commotae Erebi de sedibus imis

umbrae ibant tenues simulacraque luce carentum. »

Siamo sporchi di guerra e Orfeo brulica

d’insetti, è bucato dai pidocchi,

e tu sei morta. L’inverno, quel peso

di ghiaccio l’acqua l’aria di tempesta

furono con te, e il tuono di eco in eco

nelle tue notti di terra. E ora so

che ti dovevo più forte consenso,

ma il nostro tempo è stato furia e sangue:

altri già affondavano nel fango,

avevano le mani, gli occhi disfatti,

urlavano misericordia e amore.

Ma come è sempre tardi per amare;

perdonami dunque. Ora grido anch’io

il tuo nome in quest’ora meridiana

pigra d’ali, di corde di cicale

tese dentro le scorze dei cipressi.

Più non sappiamo dov’è la tua sponda;

c’era un varco segnato dai poeti

presso fonti che fumano da frane

sull’altopiano. Ma in quel luogo io vidi

da ragazzo arbusti di bacche viola

cani da gregge e uccelli d’aria cupa

e cavalli, misteriosi animali

che vanno dietro l’uomo a testa alta.

I vivi hanno perduto per sempre

la strada dei morti e stanno in disparte.

 


Questo silenzio è ora più tremendo

di quello che divide la tua riva.

“Ombre venivano leggere”. E qui

l’Olona scorre tranquillo, non albero

si muove dal suo pozzo di radici.

O non eri Euridice? Non eri Euridice!

Euridice è viva. Euridice! Euridice!

 

 

E tu sporco ancora di guerra, Orfeo,

come il tuo cavallo, senza la sferza,

alza il capo, non trema più la terra:

urla d’amore, vinci, se vuoi, il mondo.

 

 

La vita non è sogno, 1946-1948

Mondadori, Milano (Italia),1949

Poème précédent en italien :

Lapo Gianni : « Je veux, Amour... » / « Amor, eo chero... » (21/09/2024)

 Poème suivant en italien :

François Pétrarque / Francesco Petrarca  : « Comme un pauvre vieillard... / Movesi il vecchierel... » (19/10/2024)

 

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