Geoffrey Squires (1942 -) : « (Et toute la difficulté ... » / « (And all the trouble... »
Miami University Press
(Et toute la difficulté de le comprendre, l’étrangeté de l’autre, ses revirements)
C’était bien, c’était comme ça devait l’être, nous vivions à deux miles de la
ville, plutôt isolés, sans voiture
N’avons pas eu d’électricité avant 1953 et l’avons eue alors uniquement parce
que ma mère avait eu la présence d’esprit d’offrir une tasse de thé à l’ingénieur
Bon a-t-il dit on peut bien tirer jusqu’en haut de la colline tant qu’on y est
Comme l’enfance semble détachée
et lointaine
je me souviens de grands arbres
et de l’obscurité et d’être porté
à l’étage. La petite lampe,
le vent, la neige bloquant l’allée
grand-mère morte dans la chambre d’amis
Retrouver mon chemin
à travers de petits champs
Vers là où devrait se trouver la maison
Les vêtements s’accrochent aux ronces
une pierre disjointe d’un mur
Roule et s’arrête dans l’herbe
affleurements de granit local
Les ajoncs s’y agrippent
en floraison jaune et sauvage
tout cela
Les montagnes disparaissent
Mon œil aperçoit un renard
trottant le long de la crête
de la colline, vif
contre la terre
sèche de janvier
An mada rua (1)
le chien rouge
la queue basse
On s’arrête
et on le regarde passer
En Californie je pensais rarement au pays
et voilà que soudain j’ai le mal du pays
après trois mois
après une averse
de l’eau partout, clarté
de bleus er de verts, nuages brillants
dans les flaques de la route
L’obscurité nous a de nouveau mis à la dérive
sans le savoir nous étions devenus
enfants de la marée matinale
alors qu’allongés nous rêvions, la nuit
a largué nos amarres
On nous a offert l’immortalité
mais nous préférons tenter notre chance
par mal du pays peut-être
ou par fierté, ou par peur
d’une nouvelle Troie
Hier j’ai pensé voir de nouveau
derrière moi à l’horizon la fumée
d’une cité en flammes et la vision de
mon fils priant, lavant ses mains
dans les vagues grises
Désert
il te faut regarder
de petites fleurs bleues
partout
comme étoiles de jour
un lézard endormi dans mon ombre
ronces faisant quelque danse géométrique furieuse
nous quatre, deux filles
et un vieil homme aux cheveux blancs
plus affûté que nous tous
et qui voit mieux aussi
A l’approche du fond de la vallée
l’ascension commence
Nous avons grimpé vite
sans un bruit
jusqu’au temple du feu
au sommet de la colline
et sommes restés là
à regarder le soleil se coucher
Je suis heureux de trouver
le monde à ce point indifférent
Route et rivière sinuant
à travers des jardins clos
platanes dans le soir
le paysage solennel, cultivé
comme une peinture chinoise
Je suis heureux de trouver
le monde à ce point absorbé en lui-même
comme quelqu’un s’apprêtant à dormir
Ma chambre est à la lisière de la ville
là où les grand bruits
font place à de petits sons
quand je tourne la tête j’entends
des voix, par là, où le tchack-tchack
d’un bûcheron
Comme il bon d’avoir la maison calme
de nouveau toute à moi, de pouvoir marcher
vers une pièce et savoir
que je serai le seul là-bas
pas de mouvement sauf mon mouvement
pas de sons sauf les sons que je fais
(Pierres Noyées)
(1) le chien rouge en irlandais
Traduits de l’anglais par François Heusbourg
In, Geoffrey Squires ; « Choix de poèmes »
Editions Unes, Nice, 2024
(And all the trouble to learn him, the strangeness of another, his turnings)
It was good, it was as it shoub be, we lived two miles from the town, quite
isolated, no car
Didn’t get the electric to 1953 and only got it then because my mother had the
sense to give the engineer a cup of tea
Well he said we might as well take it up the hill when we’re at it
How irrelevant childhood seeems
and far away
I remember great trees
and darkness and being carried
upstairs. The wee leiri (1),
wind, snow blocking the lane
grandmother deas in the spare room
Finding my way back
through small fields
To where the house should be
Clothes catch on briars
a stone disloged from a wall
Rolls to rest in the grass
local granit outcrops
Gorse clinging to them
in wild yellow flower
all this
The mountains go unseen
My eye picks out a fox
trotting along the line
of the ill, quick
against the dry
January land
An mada rua
The red dog
His tail low
We stop
and watch him go
In California I hardly thought about home
now suddenly I’m homesick
after three months
after a shower of rain
water everywhere, clarity
of blues and greens, bright clouds
in road-pools
Darkness has set us adrift again
without our knowing it we have become
children of the early morning tide
while we lay and dreamed, the night
slipped us our moorings
We have been offered immortality
but we prefer to take our chance
out of homesickness perhaps
or out of pride, or fear
of another Troy
Yesterday I thought I saw again
behind me on the horizon smoke
from the burning city and a vision of
my son praying, washing his hands
in the grey surf
Desert
you have to look
tiny blues flowers
everywhere
like day-stars
a lizard asleep in my shadow
thorns doing some angry geometrical dance
four of us, two girls
and an old white haired man
who is fitter than any of us
and sees more too
Neat the head of the valley
begin climbing
We climbed quickly
out of hearing
to the fire-temple
at the top of the hill
and stood there
watching the sun go down
I am glad to find
the world so indifferent
Road and river winding
through walled gardens
plane trees in the dusk
the landscape formal, cultivated
like a Chinese painting
I am glad to find
the world so self-absorbed
like a person preparing for sleep
My room is at the edge of town
at the point where big noises
give way to little sounds
when I cock my head I hear
voices, where, or the hack-hack
of a wood-cutter
How good to have the house quiet
all to myself again, to be able to walk
towards a room and know
I shall be the only one there
no movement except my movement
nos sounds except the sounds I make
(1) Mot irlandais désignant une petite lampe d’intérieur
Drowned Stones
New Writers' Press, Dublin, 1975
Poème précédent en anglais :
Seamus Heaney : La visite du policier / A constable calls (27/05/2025
Poème suivant en anglais :
Ronald Stuart Thomas : La lande / The moor (14/06/2025)