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Le bar à poèmes
8 juin 2025

Geoffrey Squires (1942 -) : « (Et toute la difficulté ... » / « (And all the trouble... »

Miami University Press

 

 

(Et toute la difficulté de le comprendre, l’étrangeté de l’autre, ses revirements)

 

 

C’était bien, c’était comme ça devait l’être, nous vivions à deux miles de la 


ville, plutôt isolés, sans voiture

 

 

N’avons pas eu d’électricité avant 1953 et l’avons eue alors uniquement parce


que ma mère avait eu la présence d’esprit d’offrir une tasse de thé à l’ingénieur

 

 

Bon a-t-il dit on peut bien tirer jusqu’en haut de la colline tant qu’on y est

 

 


Comme l’enfance semble détachée 


et lointaine


je me souviens de grands arbres


et de l’obscurité et d’être porté


à l’étage. La petite lampe,


le vent, la neige bloquant l’allée


grand-mère morte dans la chambre d’amis

 

 


Retrouver mon chemin 


à travers de petits champs

 

 

Vers là où devrait se trouver la maison

 

 

Les vêtements s’accrochent aux ronces


une pierre disjointe d’un mur

 

 

Roule et s’arrête dans l’herbe


affleurements de granit local

 

 

Les ajoncs s’y agrippent


en floraison jaune et sauvage


tout cela

 

 

Les montagnes disparaissent

 

 

Mon œil aperçoit un renard


trottant le long de la crête


de la colline, vif


contre la terre


sèche de janvier

 

 

An mada rua (1)


le chien rouge


la queue basse

 

 

On s’arrête 


et on le regarde passer

 

 


En Californie je pensais rarement au pays


et voilà que soudain j’ai le mal du pays


après trois mois


après une averse


de l’eau partout, clarté


de bleus er de verts, nuages brillants


dans les flaques de la route

 

 


L’obscurité nous a de nouveau mis à la dérive


sans le savoir nous étions devenus


enfants de la marée matinale


alors qu’allongés nous rêvions, la nuit


a largué nos amarres

 

 

On nous a offert l’immortalité


mais nous préférons tenter notre chance


par mal du pays peut-être


ou par fierté, ou par peur


d’une nouvelle Troie 

 

 

Hier j’ai pensé voir de nouveau


derrière moi à l’horizon la fumée


d’une cité en flammes et la vision de


mon fils priant, lavant ses mains


dans les vagues grises

 

 


Désert


il te faut regarder


de petites fleurs bleues 


partout


comme étoiles de jour


un lézard endormi dans mon ombre


ronces faisant quelque danse géométrique furieuse


nous quatre, deux filles


et un vieil homme aux cheveux blancs


plus affûté que nous tous


et qui voit mieux aussi

 

 

A l’approche du fond de la vallée


l’ascension commence

 

 

Nous avons grimpé vite


sans un bruit


jusqu’au temple du feu


au sommet de la colline


et sommes restés là


à regarder le soleil se coucher

 

 

Je suis heureux de trouver


le monde à ce point indifférent

 

 

Route et rivière sinuant


à travers des jardins clos


platanes dans le soir


le paysage solennel, cultivé


comme une peinture chinoise

 

 

Je suis heureux de trouver


le monde à ce point absorbé en lui-même


comme quelqu’un s’apprêtant à dormir

 

 


Ma chambre est à la lisière de la ville


là où les grand bruits


font place à de petits sons


quand je tourne la tête j’entends


des voix, par là, où le tchack-tchack


d’un bûcheron 

 

 


Comme il bon d’avoir la maison calme


de nouveau toute à moi, de pouvoir marcher


vers une pièce et savoir


que je serai le seul là-bas


pas de mouvement sauf mon mouvement


pas de sons sauf les sons que je fais

 

 

(Pierres Noyées)


(1) le chien rouge en irlandais

 

 

Traduits de l’anglais par François Heusbourg


In, Geoffrey Squires ; « Choix de poèmes »


Editions Unes, Nice, 2024

 

 


(And all the trouble to learn him, the strangeness of another, his turnings)

 

 

It was good, it was as it shoub be, we lived two miles from the town, quite


isolated, no car

 

 

Didn’t get the electric to 1953 and only got it then because my mother had the


sense to give the engineer a cup of tea

 

 

Well he said we might as well take it up the hill when we’re at it

 

 


How irrelevant childhood seeems 


and far away


I remember great trees


and darkness and being carried


upstairs. The wee leiri (1),


wind, snow blocking the lane


grandmother deas in the spare room 

 

 


Finding my way back


through small fields

 

 

To where the house should be

 

 

Clothes catch on briars


a stone disloged from a wall

 

 

Rolls to rest in the grass


local granit outcrops

 

 

Gorse clinging to them


in wild yellow flower


all this

 

 

The mountains go unseen

 


My eye picks out a fox


trotting along the line


of the ill, quick


against the dry


January land

 

 

An mada rua


The red dog


His tail low

 

 

We stop


and watch him go

 

 


In California I hardly thought about home


now suddenly I’m homesick


after three months


after a shower of rain


water everywhere, clarity


of blues and greens, bright clouds


in road-pools

 

 


Darkness has set us adrift again


without our knowing it we have become


children of the early morning tide


while we lay and dreamed, the night


slipped us our moorings 

 

 

We have been offered immortality


but we prefer to take our chance


out of homesickness perhaps


or out of pride, or fear


of another Troy

 

 

Yesterday I thought I saw again


behind me on the horizon smoke


from the burning city and a vision of


my son praying, washing his hands


in the grey surf

 

 

Desert


you have to look


tiny blues flowers


everywhere


like day-stars


a lizard asleep in my shadow


thorns doing some angry geometrical dance


four of us, two girls


and an old white haired man


who is fitter than any of us


and sees more too

 

 

Neat the head of the valley


begin climbing

 

 


We climbed quickly


out of hearing


to the fire-temple


at the top of the hill


and stood there


watching the sun go down

 

 

I am glad to find


the world so indifferent

 

 

Road and river winding


through  walled gardens


plane trees in the dusk


the landscape formal, cultivated


like a Chinese painting

 

 

 

I am glad to find


the world so self-absorbed


like a person preparing for sleep

 

 


My room is at the edge of town


at the point where big noises


give way to little sounds


when I cock my head I hear


voices, where, or the hack-hack


of a wood-cutter

 

 


How good to have the house quiet


all to myself again, to be able to walk


towards a room and know


I shall be the only one there


no movement except my movement


nos sounds except the sounds I make

 

 

(1) Mot irlandais désignant une petite lampe d’intérieur

 


Drowned Stones


New Writers' Press, Dublin, 1975

 


Poème précédent en anglais :


Seamus Heaney : La visite du policier / A constable calls (27/05/2025

 

Poème suivant en anglais :


Ronald Stuart Thomas : La lande / The moor (14/06/2025)
 

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