Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le bar à poèmes
12 décembre 2024

Patrick Kavanagh (1904 – 1967) : Sol rocailleux du pays Monaghan / Stony grey soil

 

Sol rocailleux du pays Monaghan

 

Sol rocailleux du pays Monaghan

Tu as, en mon cœur, les rires pillés ;

Et troqué l’enfant gai de ma passion

Contre un avorton de glaise englué.

 

Tu garrottas les pieds de mon enfance

Mais je croyais que mes pas de boiteux

De ceux d’Apollon avaient la noblesse

Et mon gueux parler la verve du dieu.

 

La charrue, me dis-tu, est immortelle !

Outil conquérant qui force la vie !

Ton timon tordis, ton coutre émoussas

Dans l’herbage tendre de mon esprit.

 

Tu chantais sur les fumiers putrescents

Le morne chant d’une race avilie,

Tu mis à ma peau l’odeur du putois,

Et comme un chien pouilleux tu m’as nourri.

 

Dans tes fossés tu abîmas mes yeux

Ivres d’amour, du beau, de vérité.

Sol rocailleux du pays Monaghan

Tu volas l’or de mes jeunes années !

 

Perdues les longues heures de plaisir

Les femmes des jeunes gens amoureuses.

Pourrais-je encore caresser le monstre,

Ne pas tracer d’une plume fielleuse

 

Les lettres de ton nom sur cette feuille,

Parler des champs sévères où je vis

Mourir dans les prières paysannes

La gaîté de ma jeune poésie.

 

Mullashinsha, Drummeril, Black Shanco –

Là comme ailleurs tu as enseveli,

Sol rocailleux du pays Monaghan,

Les amours nées pour habiter ma vie.

 

 

Traduit de l’anglais par Danielle Jacquin,

in, Denis Rigal : « Poésie d’Irlande. Anthologie »

Sud éditeur, Marseille, 1987

Du même auteur : Shancoduff (12/12/2023)

 

 

Stony grey soil (1940)

 

O stony grey soil of Monaghan

The laugh from my love you thieved ;

You took the gay child of my passion

And gave me your cold-conceiveid.

 

You clogged the feet of my boyhood

And I belevied that my stumble

Had the poise and stride of Apollo

And his voice my thick-tongued mumble.

 

You told me the plough was immortal !

O green-life-conquering plough !

Your mandril strained, your coulter blunted

In the smooth lea-field of my brow.

 

You sang on steaming dunghills

A song of coward’s brood,

You perfumed my clothes with weasel itch,

You fed me on swinish food.

 

You flung a ditch on my vision

Of Beauty, love and truth,

O stony grey soil of Monaghan

You burgled my bank of youth !

 

Lost the long hours of pleasure

All the women that love young men,

O can I still stroke the monster’s back

Or write with unpoisoned pen

 

His name in these lonely verses

Or mention the dark fields where

The first gay flight of my lyric

Got caught in a peasant’s prayer.

 

Mullahinsha, Drummeril, Black Shanco –

Wherever I turn I see

In the story grey soil of Monaghan

Dead loves that where born for me.

 

 

A Soul for sale,

Macmillan publisher (London), 1947

Poème précédent en anglais :

Louise Glück : Minuit / Midnight (06/12/2024)

Poème suivant en anglais : 

Dylan Thomas : Sur la colline de Sir John / Over Sir John's hill (31/12/2024)

 

Commentaires
Le bar à poèmes
Archives
Newsletter
108 abonnés