Dylan Thomas (1914 -1953) : Sur la colline de Sir John / Over Sir John's hill
Photographe non identifié, photo de presse d'une répétition au Swansea Little Theatre, sans date. Collection Dylan Thomas, PH-02774, Harry Ransom Center.
Sur la colline de Sir John
Sur la colline de Sir John,
Le faucon en flammes est suspendu
Sur la corde d’un nuage, à la chute du soir, il agrippe dans ses griffes
Et potences, jusqu’aux rayons de ses yeux les petits oiseaux de la baie
Et les moineaux jouant
Aux guerres piailleuses des enfants
Et ceux-là qui tels des cygnes par le chant s’enténèbrent,
Dans les haies querelleuses.
Et gaiement ils crient
Vers le gibet en feu par-dessus la lutte des ormes
Jusqu’à ce que le faucon, corde au col, étincelant
S’écrase, et lentement le héron sacré pêchant, aux aguets
En la rivière Towy plus bas renverse sa pierre tombale inclinée.
Un éclair et les plumes se brisent,
Et d’un noir bonnet de choucas
Se coiffe la juste colline de Sir John, et encore les oiseaux leurrés
Déboulent sur le faucon en feu, haute hart, par-dessus les nageoires
De la Towy,
Dans l’ahan du vent.
Là
Où l’élégiaque oiseau-pêcheur poignarde et pagaie
Dans le bas-fond caillouteux
Rempli de joncs et de plies, et « venez, petits » dit le faucon juché,
« Venez vous faire tuer »,
J’ouvre les feuilles de l’eau sur un passage
De psaumes et d’ombres, parmi les crabes et leurs pinces caracolantes
Et je lis, dans une coquille,
La mort claire comme une cloche de bouée :
Que toute louange du faucon en feu dans le crépuscule à œil-de-faucon
Soit chantée quand sa vipérine fusée se suspend boucle de flammes
Sous le tison de l’aile, et bienheureux
Les vers
Petits poussins de la baie et des buissons glousseront
« Petits, petits, allons à la mort. »
Nous nous affligeons une ultime fois comme les oiseaux joyeux.
Quittons l’orme et les galets, le héron et moi,
Moi jeune Esope, fabulant à la nuit proche par le vallon
Des anguilles, le héron sacré chantant dans la distante
Vallée du havre cristallin
Où les cailloux de la mer naviguent,
Et sur les quais de l’eau où les murs dansent, où les grues blanches vont guindées
Le héron et moi, aux assises de la colline aux ormes de Sir John
Révélons le crime
Scandé par le glas
Des oiseaux dévoyés que Dieu, pour leur plein jabot de sifflements,
Prend en pitié,
Qu’il les sauve dans son silence tourbillonnant, lui qui distingue le « bonjour »
des moineaux,
Pour la chanson de leurs âmes.
Maintenant le héron se désole sur la rive désherbée. A travers
Les fenêtres de crépuscule et d’eau je vois, penché, qui murmure,
Le héron, miroitant, aller
Comme les ailes rompues neigent,
Pêchant dans la larme de la Towy. Seule une chouette hulule
Creuse une larme d’herbe soufflée dans les mains en calice, dans les ormes pillés
Et nul coq vert ou poule verte
Ne crie
Maintenant sur la colline de Sir John. Le héron
Guéant les bas-pays écailleux des vagues,
Crée toute la musique, et moi qui écoute la mélodie
De la lente rivière aux saules, je grave
Avant le plongeon de la nuit, les notes sur cette pierre secouée par le temps
Pour l’amour des âmes des oiseaux massacrés qui font voile.
Traduit de l’anglais par Alain Suied
In, Dylan Thomas : « Visions et Prière et autres poèmes »
Editons Gallimard (Poésie),1991
Du même auteur :
La lumière point là où le soleil ne brille pas (04/02/2015)
La colline aux fougères / Fern Hill (22/03/2016)
« Surtout quand le vent d’octobre… » / Especially when the October wind…” (30/12/2017)
De son anniversaire / On his birhtday (30/12/2018)
“ La force qui pousse la fleur... ”/ “ The force that through the green…” (30/12/2019)
Le bossu du parc / The hunchback in the park (30/12/2020)
Amour dans l’asile / Love in the asylum (30/12/2021)
« Reste immobile, dors dans l’accalmie... » / « Lie still, sleep becalmed... » (31/12/2022)
« N’entre pas sans violence... » / « Do not go gentle... » (31/12/2023)
Over Sir John's hill
Over Sir John's hill,
The hawk on fire hangs still;
In a hoisted cloud, at drop of dusk, he pulls to his claws
And gallows, up the rays of his eyes the small birds of the bay
And the shrill child's play
Wars
Of the sparrows and such who swansing, dusk, in wrangling hedges.
And blithely they squawk
To fiery tyburn over the wrestle of elms until
The flash the noosed hawk
Crashes, and slowly the fishing holy stalking heron
In the river Towy below bows his tilted headstone.
Flash, and the plumes crack,
And a black cap of jack-
Daws Sir John's just hill dons, and again the gulled birds hare
To the hawk on fire, the halter height, over Towy's fins,
In a whack of wind.
There
Where the elegiac fisherbird stabs and paddles
In the pebbly dab-filled
Shallow and sedge, and 'dilly dilly,' calls the loft hawk,
'Come and be killed,'
I open the leaves of the water at a passage
Of psalms and shadows among the pincered sandcrabs prancing
And read, in a shell
Death clear as a bouy's bell:
All praise of the hawk on fire in hawk-eyed dusk be sung,
When his viperish fuse hangs looped with flames under the brand
Wing, and blest shall
Young
Green chickens of the bay and bushes cluck, 'dilly dilly,
Come let us die.'
We grieve as the blithe birds, never again, leave shingle and elm,
The heron and I,
I young Aesop fabling to the near night by the dingle
Of eels, saint heron hymning in the shell-hung distant
Crystal harbour vale
Where the sea cobbles sail,
And wharves of water where the walls dance and the white cranes stilt.
It is the heron and I, under judging Sir John's elmed
Hill, tell-tale the knelled
Guilt
Of the led-astray birds whom God, for their breast of whistles,
Have Mercy on,
God in his whirlwind silence save, who marks the sparrows hail,
For their souls' song.
Now the heron grieves in the weeded verge. Through windows
Of dusk and water I see the tilting whispering
Heron, mirrored, go,
As the snapt feathers snow,
Fishing in the tear of the Towy. Only a hoot owl
Hollows, a grassblade blown in cupped hands, in the looted elms
And no green cocks or hens
Shout
Now on Sir John's hill. The heron, ankling the scaly
Lowlands of the waves,
Makes all the music; and I who hear the tune of the slow,
Wear-willow river, grave,
Before the lunge of the night, the notes on this time-shaken
Stone for the sake of the souls of the slain birds sailing.
Poème précédent en anglais :
Patrick Kavanagh : Sol rocailleux du pays Monaghan / Stony grey soil (12/12/2024)
Poème suivant en anglais :
Emily Jane Brontë : « Je ne pleurerai pas... » / « I'll not weep... » (06/01/2025)