Arie Shamri (1907-1978) : Eté tardif
Eté tardif
Ne te hâte pas, solitude
Bien que s’éternise l’été,
La lumière a éclaté comme de l’ambre
Et le vert s’éteint sur les champs,
Seule n’est point tardive la grenade,
Seules sont mûres les pastèques
Et dans les yeux tu peux encore découvrir
Un reflet de tendresse.
La tente reste ouverte
Et les pommes attendent
Savoureuses et fraîches
Tapies dans l’ombre.
Là-bas sur les parterres odorants
Oints de rosée,
Règne la reine du jardin.
Elle est toute seule là-bas
Les feuilles lui murmurent
La songerie des arbres.
Elle est seule
Et nul ne vient vers elle,
Ni les cavaliers héroïques
Ni les nobles seigneurs,
Toi seul, faucheur fourbu.
Qui traversa les champs,
Broyé comme le grain battu.
Toi seul et celui qui t’escorte
Dans le regard du cœur,
Tu sauras lui prendre un baiser
Et tu emporteras la clarté de l’été
Jusqu’à l’automne, avec elle, en ta tente
Ne te hâte pas, solitude
Traduit du yiddish par Charles Dobzynski,
in « Anthologie de la poésie yiddish, Le miroir d’un peuple »,
Éditions Gallimard, 2000.
Du même auteur : Nous, de la vieille tribu (22/08/2023)