Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le bar à poèmes
22 mai 2024

Ulrich von Lichtenstein (vers1200-1275) : « Je ne sais comment chanter... » / « Ich weiz wiech singe... »

 

Je ne sais comment chanter

la nuit : elle ne me donne point de joie.

Mon grand espoir

est dans le jour : parce qu’il luit.

Parce qu’aussi sa clarté

à ma Dame le fait sembler

grandement. Béni soit-il de cela.

 

Il peut bien justement

chanter la nuit celui qui bienheureusement repose.

Quant à moi je dois souffrir

d’ardent désir. Pour ce, la nuit m’insupporte,

et je veux chanter le jour

chaque fois que je puis voir

celle-là qui de mes soucis me délivre.

 

J’honore ce jour

de la première fois que je vis la si bonne Dame.

Depuis, la nuit m’a toujours plus

porté souffrance et chagrin.

Elle m’abhorre

et moi de même.

Gloire à toi, jour, béni soit ton nom.

 

Si la nuit les tourments

pèsent sur ma poitrine tels des cauchemars,

ils s’évanouissent dès que

le jour paraît clair et beau.

Lors il me vient en l’idée

d’aller contempler

en secret la très belle.

 

Ah comme j’aimerais

chanter la nuit, s’il m’était donné

de pouvoir être à jamais couché

près de celle qui maintenant m’attriste.

Que deviendrai-je alors,

heureux homme que serais !

Las, que ne me l’accorde-t-elle.

 

Traduit du moyen-haut allemand par

Danielle Buschinger et Jean-Pierre Lefebvre

In, « Anthologie bilingue de la poésie allemande »

Editions Gallimard (Pléiade), 1995

 

22.1

J’ignore comment je dois chanter

la nuit : elle ne m’accorde aucune joie.

Mon plus grand espoir,

je le mets dans le jour, car il est clair.

Par son éclat

à ma dame

aussi beaucoup il ressemble. Qu’il en soit béni !

 

Il peut à juste titre

de la nuit faire l’éloge, celui qui comblé repose.

Mais moi en revanche, il me faut

souffrir du désir ardent. C’est pourquoi à la nuit je suis hostile

et du jour je chante la gloire,

chaque fois que je peux la voir, elle

qui du poids de mes soucis me délivre.

 

J’honore ce jour

où pour la première fois je vis l’excellente dame.

Depuis, la nuit m’apporta toujours plus

de chagrin et de souffrance.

Elle m’a en aversion

et moi de même.

Gloire à toi, jour, béni soit ton nom !

 

Si la nuit les tourments

sur ma poitrine pèsent tels les cauchemars,

ils s’évanouissent

dès qu’en son éclat m’apparaît le jour

Alors me vient l’idée

d’aller

contempler la très belle en secret.

 

Comme avec joie je voudrais

de la nuit faire l’éloge, s’il m’était donné

de pouvoir à jamais

être allongé aux côtés de celle qui me rend à présent si triste.

Que deviendrai-je alors,

moi homme heureux !

Malheur, que ne me l’accorde-t-elle point !

 

 

Traduit du moyen-haut allemand par

Danielle Buschinger, Marie-Renée Diot et Wolfgang Spiewok

In, « Poésie d’amour du Moyen Age allemand »

Union Générale d’Editions (10/18), 1993

 

Du même auteur : « Couleurs de l’été... » / « Sumervar... » (22/05/2023)

 

22.I

Ich weiz wiech singe

von der naht : diu gît mir fröide niht.

mîn  hôhgedinge

der lît an dem tage : wan er ist liht.

ouch ist sîn schîn

der frouwen mîn

vil gelîch , des müeze er saelic sîn.

 

Er mac von schulden

loben die naht, der saeliclîchen lit.

sô muoz ich dulden

sendiu leit : dâ von trag ich ir nît

und lobe den tac,

swenn ich si mac

sehen  diu mir wol heilet sorgen slac.

 

Den tac ich êre,

dô ich die vil guoten êrste sach.

sît immer mêre

gab diu naht mir leit und ungemach.

si ist mir gram,

und ich ir sam.

wol dir tac, vil saelic sî dîn nam.

 

Sô mich besezzen

nahtes habent die sorge alsam diu mar,

des wirt vergezzen

sâ, sô mir der tac erschînet klâr

sö kûmt ein wân,

daz ich sul gân

die vil schoenen tougen sehen an.

 

Vil gerne ich wolde

loben die naht, ergienge ez immer sô

daz ich ir solde

nâhen ligen diu mich nu tuot unfrô.

wer waere ich dan,

ich saelic man !

wê daz mirs diu guote niht engan.

 

Des Minnesangs Frühling.I

Nouvelle édition revue par H.Moser et H. Tervooren.

37ème édition, Stuggart, 1982

Poème précédent en moyen haut-allemand :

Walther von Der Vogelweide : « L’été et l’hiver sont tous deux ... » / « Sumer unde winter beide sint... » (15/09/2023)

Poème suivant en moyen haut-allemand :

Heinrich Von Morungen  : « Quelqu’un vit-il la noble dame... » / « Sach ieman die vrouwen... » (11/07/2024)

Commentaires
Le bar à poèmes
Archives
Newsletter
106 abonnés