José Carlos Becerra (1936- 1970) : Le miroir de pierre / El espejo de piedra
Le miroir de pierre
Derrière l'église de Santiago Tlatelolco
les couteaux de jade ont retrouvé leur rictus cérémoniel dans la gueule des
mitrailleuses.
Derrière l’église de Santiago Tlatelolco, Nuño de Gusmán a prié au pied de
Huitzilopochtli
et lui a offert le sacrifice.
Derrière l’église de Santiago Tlatelolco, ils ont découvert atterrés qu’existait de
nouveau ce pays
celui qu’ils avaient cru enseveli
sous le jade et les plumes et les colonnes et les palais d’Adamo Boari et les
petits déjeuners au Sanborn’s,
de son opportune et métisse rhétorique.
Derrière l’église de Santiago Tlatelolco, trente années de paix ajoutées à trente
autres années de paix
et encore tout l’acier et le ciment employés à élaborer la mise en scène pour les
fêtes de ce pays fantasmagorique,
et encore tous les discours,
sont sortis de la gueule des mitrailleuses.
Laves s’écoulant pour effacer tout ce qu’elle touchait, ce dont elle s’emparait,
pour à nouveau l’apporter sur la pierre de l’idole.
Mais l’a-t-elle à nouveau apporté sur la pierre de l’idole ?
Mais tant et tant de morts sous la lave de trente années de paix
finiront-ils dans la paix digestive de Huitzilopochtli ?
Ils ont emporté les morts dieu sait où.
Ils ont rempli d’étudiants les prisons de la ville.
Mais le jade et les plumes et l’ornement des colonnes et les nouveaux palais
que n’a pas encore construits Boari, et les petits déjeuners au Sanborn’s,
c’en est fini de leurs discours.
Et quand ils essaieront de ramasser ces fragments de bruit pour se contempler,
ils ne trouveront en eux
que les morts qui leur parlent.
Ces trente années de paix – comme ces trente autres années de paix –
et encore tout l’acier et le ciment employés à inventer l’ombre d’un pays,
et encore tous les discours et les projets d’affaires doucement imprégnés
de l’odeur des petits déjeuners au Sanborn’s,
voici que leur miroir, brusquement, s’est brisé.
Ils se sont postés comme toujours derrière une église,
laïque ou religieuse, peu importe,
et d’autres « Nuits » et d’autres « Massacres »
leur sont venus en aide.
Sur la Place des Trois Cultures,
le « gros Cacique de Zempoala » et don Nuño de Gusmán et le vieux général
parfaitement poudré,
ont découvert qu’en réalité ils ne faisaient qu’un, parce qu’ils ont toujours
secrètement
désiré ressembler à Limantour.
Après avoir déjeuné ensemble au Sanborn’s,
le « gros Cacique de Zempoala » et don Nuño de Gusmán et le vieux général
parfaitement poudré,
sur la Place des Trois Cultures, ont écouté
- l’un maintenant des tout derniers concerts –
la valse Dios nunca muere.
Traduit de l’espagnol par Bruno Grégoire et Jean-François Hatchondo
In, Revue « La barque dans l’arbre, N°6, Hiver 2022-2023 »
Editions La Barque, 35000 Rennes, 2023
Du même auteur : Isaïe 33 (21/05/2023)
El espejo de piedra
Detrás de la iglesia de Santiago-Tlatelolco,
Los cuchillos de jade hallaron su visaje ceremonial en boca de las
ametralladoras.
Detrás de la iglesia de Santiago-Tlatelolco, Nuño de Guzmán oró ante
Hitzilopochtli
y le ofreció el sacrificio.
Detrás de la iglesia de Santiago-Tlatelolco, descubrieron aterrados que otra vez
existía ese país,
aquel que ellos creyeron sepultado
bajo jade y las plumas y los estípites y los palacios de Adamo Boari y los
desayunos en Sanborn´s,
de su oportuna y mestiza retórica.
Detrás de la iglesia de Santiago-Tlateloloc, treinta años de paz más otros treinta
años de paz,
más todo el acero y el cemento empleados en construir la escenografía para las
fiestas del fantasmagórico país,
más todos los discursos,
salieron por boca de las ametralladoras.
Lava extendiéndose para borrar lo que iba tocando, lo que iba haciendo suyo,
para traerlo a la piedra del ídolo nuevamente.
¿Pero lo trajo de nuevo a la piedra del ídolo?
¿Pero tantos y tantos muertos por la lava de otros treinta años de paz,
terminarán en la paz digestiva e Huitzilopochtli?
Se llevaron los muertos a quién sabe dónde.
Llenaron de estudiantes las cárceles de la ciudad.
Pero al jade y a las plumas y al estofado de los estípites y a los nuevos palacios
que ya no construyó Boari, y a los desayunos en Sanborn´s,
Se les rompió por fin el discurso.
Y cuando intenten recoger esos fragmentos de ruido para contemplarse,
encontrarán en ellos solamente
a los muertos hablándoles.
A treinta años de paz –como otros treinta años de paz-,
Más todo el acero y cemento empleados en inventar la sombra de un país,
Más a todos los discursos y los planes de negocios dulcemente empapados
Por el olor de los desayunos en Sanborn´s,
Se les rompió, de pronto, el espejo.
Se apostaron como siempre detrás de una iglesia,
poco importa si laica o religiosa,
y otras “Noches” y otras “Matanzas”,
vinieron en ayuda de ellos.
En la Plaza de las Tres Culturas,
el “Cacique gordo de Zempoala” y don Nuño de Guzmán y el anciano general
perfectamente empolvado,
descubrieron que en realidad eran uno solo, porque secretamente siempre
desearon parecerse a Limantour.
Después de haber desayunado juntos en Sanborn´s,
el “Cacique gordo de Zempoala” y don Nuño de Guzmán y el anciano general
perfectamente empolvado,
En la Plaza de las Tres Culturas, escucharon
-ya uno de los últimos conciertos-
el vals Dios nunca muere.
Poème précédent en espagnol :
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