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Le bar à poèmes
21 mai 2024

José Carlos Becerra (1936- 1970) : Le miroir de pierre / El espejo de piedra

 

 

Le miroir de pierre

 

Derrière l'église de Santiago Tlatelolco

les couteaux de jade ont retrouvé leur rictus cérémoniel dans la gueule des

     mitrailleuses.

Derrière l’église de Santiago Tlatelolco, Nuño de Gusmán a prié au pied de

     Huitzilopochtli

et lui a offert le sacrifice.

 

Derrière l’église de Santiago Tlatelolco, ils ont découvert atterrés qu’existait de

     nouveau ce pays

celui qu’ils avaient cru enseveli

sous le jade et les plumes et les colonnes et les palais d’Adamo Boari et les

     petits déjeuners au Sanborn’s,

de son opportune et métisse rhétorique.

 

Derrière l’église de Santiago Tlatelolco, trente années de paix ajoutées à trente

     autres années de paix

et encore tout l’acier et le ciment employés à élaborer la mise en scène pour les

     fêtes de ce pays fantasmagorique,

et encore tous les discours,

sont sortis de la gueule des mitrailleuses.

 

Laves s’écoulant pour effacer tout ce qu’elle touchait, ce dont elle s’emparait,

pour à nouveau l’apporter sur la pierre de l’idole.

 

Mais l’a-t-elle à nouveau apporté sur la pierre de l’idole ?

Mais tant et tant de morts sous la lave de trente années de paix

finiront-ils dans la paix digestive de Huitzilopochtli ?

 

Ils ont emporté les morts dieu sait où.

Ils ont rempli d’étudiants les prisons de la ville.

Mais le jade et les plumes et l’ornement des colonnes et les nouveaux palais

     que n’a pas encore construits Boari, et les petits déjeuners au Sanborn’s,

c’en est fini de leurs discours.

Et quand ils essaieront de ramasser ces fragments de bruit pour se contempler,

ils ne trouveront en eux

que les morts qui leur parlent.

 

Ces trente années de paix – comme ces trente autres années de paix –

et encore tout l’acier et le ciment employés à inventer l’ombre d’un pays,

et encore tous les discours et les projets d’affaires doucement imprégnés

de l’odeur des petits déjeuners au Sanborn’s,

voici que leur miroir, brusquement, s’est brisé.

 

Ils se sont postés comme toujours derrière une église,

laïque ou religieuse, peu importe,

et d’autres « Nuits » et d’autres « Massacres »

leur sont venus en aide.

 

Sur la Place des Trois Cultures,

le « gros Cacique de Zempoala » et don Nuño de Gusmán et le vieux général

     parfaitement poudré,

ont découvert qu’en réalité ils ne faisaient qu’un, parce qu’ils ont toujours

     secrètement

désiré ressembler à Limantour.

 

Après avoir déjeuné ensemble au Sanborn’s,

le « gros Cacique de Zempoala » et don Nuño de Gusmán et le vieux général

     parfaitement poudré,

sur la Place des Trois Cultures, ont écouté

- l’un maintenant des tout derniers concerts –

la valse Dios nunca muere.

 

 

Traduit de l’espagnol par Bruno Grégoire et Jean-François Hatchondo

In, Revue « La barque dans l’arbre, N°6, Hiver 2022-2023 »

Editions La Barque, 35000 Rennes, 2023

Du même auteur : Isaïe 33 (21/05/2023)

 

El espejo de piedra

 

Detrás de la iglesia de Santiago-Tlatelolco,

Los cuchillos de jade hallaron su visaje ceremonial en boca de las

     ametralladoras.

Detrás de la iglesia de Santiago-Tlatelolco, Nuño de Guzmán oró ante

     Hitzilopochtli

y le ofreció el sacrificio.

 

Detrás de la iglesia de Santiago-Tlatelolco, descubrieron aterrados que otra vez

     existía ese país,

aquel que ellos creyeron sepultado

bajo jade y las plumas y los estípites y los palacios de Adamo Boari y los

     desayunos en Sanborn´s,

de su oportuna y mestiza retórica.

 

Detrás de la iglesia de Santiago-Tlateloloc, treinta años de paz más otros treinta

     años de paz,

más todo el acero y el cemento empleados en construir la escenografía para las

     fiestas del fantasmagórico país,

más todos los discursos,

salieron por boca de las ametralladoras.

 

Lava extendiéndose para borrar lo que iba tocando, lo que iba haciendo suyo,

para traerlo a la piedra del ídolo nuevamente.

 

¿Pero lo trajo de nuevo a la piedra del ídolo?

¿Pero tantos y tantos muertos por la lava de otros treinta años de paz,

terminarán en la paz digestiva e Huitzilopochtli?

 

Se llevaron los muertos a quién sabe dónde.

Llenaron de estudiantes las cárceles de la ciudad.

Pero al jade y a las plumas y al estofado de los estípites y a los nuevos palacios

     que ya no construyó Boari, y a los desayunos en Sanborn´s,

Se les rompió por fin el discurso.

Y cuando intenten recoger esos fragmentos de ruido para contemplarse,

encontrarán en ellos solamente

a los muertos hablándoles.

 

A treinta años de paz –como otros treinta años de paz-,

Más todo el acero y cemento empleados en inventar la sombra de un país,

Más a todos los discursos y los planes de negocios dulcemente empapados

Por el olor de los desayunos en Sanborn´s,

Se les rompió, de pronto, el espejo.

 

Se apostaron como siempre detrás de una iglesia,

poco importa si laica o religiosa,

y otras “Noches” y otras “Matanzas”,

vinieron en ayuda de ellos.

 

En la Plaza de las Tres Culturas,

el “Cacique gordo de Zempoala” y don Nuño de Guzmán y el anciano general

     perfectamente empolvado,

descubrieron que en realidad eran uno solo, porque secretamente siempre

desearon parecerse a Limantour.

 

Después de haber desayunado juntos en Sanborn´s,

el “Cacique gordo de Zempoala” y don Nuño de Guzmán y el anciano general

     perfectamente empolvado,

En la Plaza de las Tres Culturas, escucharon

-ya uno de los últimos conciertos-

el vals Dios nunca muere.

 

 

 Poème précédent en espagnol :

Atahualpa Yupanqui : Poème de la mère Koya / Poema de la madre Kolla ((10/03/2024)

Poème suivant en espagnol :

Leopoldo María Panero : Chanson pour une discothèque / Canción para una  (28/05/2024)

 

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