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Le bar à poèmes
26 mai 2024

Manuel Alegre (1936 -) : l’Armoire / O Armário

 

 

L’Armoire

 

Quand tu ouvriras l’armoire prends garde

plus que des vers ratés des vieux cartons et la mélancolie

il pourrait en sortir soudain une chose inattendue

un chose dont le soleil d’un autre temps

si tu le regardes en face peut encore te tuer.

 

Pour cette raison sois prudent : n’ouvre pas les tiroirs

Dieu est là peut-être qui se cache

à côté de la photo de la première communion.

 

N’ouvre pas : tu pourrais délivrer

un esprit

tous les morts pourraient en sortir

les sorcières le diable les lettres le destin

et cette part de ta vie qu’aucun vers

ne saurait contenir.

 

Et si cette haleine soufflait ?

N’ouvre pas

n’ouvre pas les tiroirs.

 

Ta guerre pourrait bien en sortir

les aérogrammes

les lettres écrites en prison

l’amour le temps les embuscades

les longues nuits d’interrogatoire

et aussi les deux cent mètres nage libre

d’un soir de gloire à la plage des Maçãs.

 

Celui qui se tient là, sur le podium, c’est toi.

Ne va pas le revoir.

Ce qui est passé est passé et n’est pas passé.

 

Laisse le soleil enfermé dans l’armoire

le soleil et la vie

pas seulement des poèmes des cahiers des photos

mais également des lames de rasoir un blaireau

un peigne

ces petits riens de ton quotidien

d’avant l’exil.

 

Si inutiles désormais.

Nul ne revient à sa vie interrompue

même si à l’intérieur de l’armoire

le coeur bat parfois.

 

Sois prudent en l’ouvrant.

Il pourrait en sortir ce que tu n’avais jamais imaginé

un morceau de Dieu dans de vieux papiers

une photo effacée

un amour déchiré

que sais-je encore.

 

Quelqu’un que tu ne connais pas

quelqu’un que tu ne reconnais pas

quelqu’un qui montre ta photo

et tout à coup dit : Personne

 

 

Traduit du portugais par Max de Carvalho

In, « La poésie du Portugal des origines à nos jours »

Editions Chandeigne, 2021

Du même auteur : Requiem (26/05/2023)

 

O Armário

 
Quando abrires o armário tem cuidado
mais que versos falhados cartões melancolia
pose sair de repente o que não esperas
aquela cujo sol de um outro tempo
quando olha para ti ainda te mata.

 
Por isso tem cuidado : não abras as gavetas
talvez Deus esteja escondido
ao lado do restrato da primeira comunhão.

 
Não abras : pode soltar-se
o espírito
podem sair os mortos todos
as bruxas o diabo as cartas o destino
e aquela parte da tua vida que não cabe
não cabe em nenhum verso.

 
E so bafo soprar?
Não abras
não abras as gavelas.

 
Pose sair a tua guerra
as aerogramas
as cartas escritas da cadeia
o amor o tempo as emboscadas
as longas noites de interrogatório
e também os duzentos metros livres
uma tarde de glória na Praia das Maçãs.

 
Este no pódio és tu.
Não queiras ver.
O que passou passou e não passou.

 
Deixa ficar o sol fechado no armário
o sol e a vida
não só poemas cadernos e retratos
mas também lâminas  um pincel de barba
um pente
os pequenos nadas do teu quotidiano
antes do salto.

 
Tão inúteis agora.

 
Ninguém regressa à vuda interrompida
mesmo que por dentro do armário
bata por vezes um coração.

 
Tem cuidado ao abri-lo.
Pode sair o que nunca imaginaste
um pedaço de Deus em papéis velhos
uma foto esmaecida
um amor rasgado
sabe-se lá o quê.

 
Alguém que não conheces
alguém que não sabes quem
alguém que aponta o teu retrato
e de repente diz: Ninguém.

 

 

Poème précédent en portugais :

Al Berto : Varechs (IV, IX) / Salsugem (IV, IX) (16/03/2024)

Poème suivant en portugais :

Fernando Pessoa : « Au volant de la Chevrolet... » / « Ao volante do Chevrolet... » (20/06/2024)

 

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