Manuel Alegre (1936 -) : l’Armoire / O Armário
L’Armoire
Quand tu ouvriras l’armoire prends garde
plus que des vers ratés des vieux cartons et la mélancolie
il pourrait en sortir soudain une chose inattendue
un chose dont le soleil d’un autre temps
si tu le regardes en face peut encore te tuer.
Pour cette raison sois prudent : n’ouvre pas les tiroirs
Dieu est là peut-être qui se cache
à côté de la photo de la première communion.
N’ouvre pas : tu pourrais délivrer
un esprit
tous les morts pourraient en sortir
les sorcières le diable les lettres le destin
et cette part de ta vie qu’aucun vers
ne saurait contenir.
Et si cette haleine soufflait ?
N’ouvre pas
n’ouvre pas les tiroirs.
Ta guerre pourrait bien en sortir
les aérogrammes
les lettres écrites en prison
l’amour le temps les embuscades
les longues nuits d’interrogatoire
et aussi les deux cent mètres nage libre
d’un soir de gloire à la plage des Maçãs.
Celui qui se tient là, sur le podium, c’est toi.
Ne va pas le revoir.
Ce qui est passé est passé et n’est pas passé.
Laisse le soleil enfermé dans l’armoire
le soleil et la vie
pas seulement des poèmes des cahiers des photos
mais également des lames de rasoir un blaireau
un peigne
ces petits riens de ton quotidien
d’avant l’exil.
Si inutiles désormais.
Nul ne revient à sa vie interrompue
même si à l’intérieur de l’armoire
le coeur bat parfois.
Sois prudent en l’ouvrant.
Il pourrait en sortir ce que tu n’avais jamais imaginé
un morceau de Dieu dans de vieux papiers
une photo effacée
un amour déchiré
que sais-je encore.
Quelqu’un que tu ne connais pas
quelqu’un que tu ne reconnais pas
quelqu’un qui montre ta photo
et tout à coup dit : Personne
Traduit du portugais par Max de Carvalho
In, « La poésie du Portugal des origines à nos jours »
Editions Chandeigne, 2021
Du même auteur : Requiem (26/05/2023)
O Armário
Quando abrires o armário tem cuidado
mais que versos falhados cartões melancolia
pose sair de repente o que não esperas
aquela cujo sol de um outro tempo
quando olha para ti ainda te mata.
Por isso tem cuidado : não abras as gavetas
talvez Deus esteja escondido
ao lado do restrato da primeira comunhão.
Não abras : pode soltar-se
o espírito
podem sair os mortos todos
as bruxas o diabo as cartas o destino
e aquela parte da tua vida que não cabe
não cabe em nenhum verso.
E so bafo soprar?
Não abras
não abras as gavelas.
Pose sair a tua guerra
as aerogramas
as cartas escritas da cadeia
o amor o tempo as emboscadas
as longas noites de interrogatório
e também os duzentos metros livres
uma tarde de glória na Praia das Maçãs.
Este no pódio és tu.
Não queiras ver.
O que passou passou e não passou.
Deixa ficar o sol fechado no armário
o sol e a vida
não só poemas cadernos e retratos
mas também lâminas um pincel de barba
um pente
os pequenos nadas do teu quotidiano
antes do salto.
Tão inúteis agora.
Ninguém regressa à vuda interrompida
mesmo que por dentro do armário
bata por vezes um coração.
Tem cuidado ao abri-lo.
Pode sair o que nunca imaginaste
um pedaço de Deus em papéis velhos
uma foto esmaecida
um amor rasgado
sabe-se lá o quê.
Alguém que não conheces
alguém que não sabes quem
alguém que aponta o teu retrato
e de repente diz: Ninguém.
Poème précédent en portugais :
Al Berto : Varechs (IV, IX) / Salsugem (IV, IX) (16/03/2024)
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