Gérard de Nerval (1808-1855) : Fantaisie
Gérard de Nerval, vu par Nadar
Fantaisie
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C’est sous Louis treize ; et je crois voir s’étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,
Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;
Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que, dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue… – et dont je me souviens !
(1831)
Les Chimères, 1854
Du même auteur :
El desdichado (23/05/2014)
Epitaphe (27/07/2015)
Une allée du Luxembourg (27/07/2016)
Le point noir (27/07/2017)
Myrtho (27/07/2018)
Vers dorés (27/07/2019)