Manuel Alegre (1936 -) : Exil / Exílio
Exil
Nous étions vingt ou trente sur les berges de la Seine.
Et nos yeux erraient sur les eaux.
Ils cherchaient le Tage dans les eaux de la Seine
ils recherchaient des saules sur les berges du vent
et ce pays de larmes et de villages
posés sur les collines du crépuscule.
Ils recherchaient la mer.
Nous étions vingt ou trente sur les berges de la Seine.
assis
absents.
Et il y avait une rue. Il y avait une maison.
Il y avait des cerises sur la table.
Il y avait une pleine odeur de pain. Un balcon
et du linge blanc qui séchait.
Il y avait une patrie.
Il y avait de souterraines tissandières
tissant à Coimbra le printemps.
Il y avait António et sa guitare
brûlante entre ses doigts.
Et ma sœur vivait dans ce rythme.
Ma mère brodait. (Parfois je crois qu’elle s’en souvenait.).
Mon père – lui partait ravi
vers le pays de la musique. Ma grand-mère
cherchait à sentir ce que je ressentais.
Il y avait une maison.
Il y avait une patrie.
Nous étions vingt ou trente sur les berges de la Seine.
où le vent chantait
une chanson étrangère.
Et les yeux s’en allaient avec les flots.
Traduit du portugais par Michel Chandeigne
in, « Anthologie de la poésie portugaise contemporaine,1935 – 2000 »
Editions Gallimard (Poésie), 2003
Du même auteur :
Requiem (26/05/2023)
l’Armoire / O Armário (26/05/2024)
Exílio
Éramos vinte ou trinta nas margens do Sena.
E os olhos iam com as águas.
Procuravam o Tejo nas águas do Sena
procuravam salgueiros nas margens do vento
e esse país de lágrimas e aldeias
pousadas nas colinas do crepúsculo.
Procuravam o mar.
Éramos vinte ou trinta nas margens do Sena
sentados
ausentes.
E havia uma rua. Havia uma casa.
Havia um cesto de cerejas sobre a mesa
.
Havia um puro cheiro a pão. Uma varanda
e roupa branca a secar.
Havia uma Pátria
E havia tecedeiras subterrâneas
tecendo em Coimbra a primavera.
Havia o António e uma guitarra
incendiada nos seus dedos.
E a minha irmã morava nesse ritmo.
A minha mãe bordava. (Às vezes creio que lembrava.)
Meu pai – esse partia extasiado
para o país da música. Havia uma avó
procurando sentir o que eu sentia.
Havia uma casa.
Havia uma Pátria.
Éramos vinte ou trinta nas margens do Sena
onde o vento cantava
uma canção estrangeira.
O Canto e as Armas
Dom Quixote, Liboa, 1967
Poème précédent en portugais :
Antonio Ramos Rosa : L’image errante / A imagem errante (19/02/25)