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Le bar à poèmes
21 décembre 2023

Izanne (19? -) : Lilith. Chant III

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Lilith (Chant IV)

 

Ce n’est ma beauté qu’on redoute

mais ma liberté

Ce n’est pas mon pouvoir qui les terrifie

mais leur faiblesse

Ils peuvent bien essayer de me bannir

de me maudire

de me conjurer

de m’exorciser

je suis immortelle

 

Certains affirment que je suis une légende

une illusion de l’esprit

mais j’existe

dans chacune de leurs pensées impures

dans chacun de leur geste

inutile à la procréation

je suis la caresse fatidique

et le cauchemar

de vos liaisons fétales

 

Vous pouvez bien me traiter de sale chienne

c’est votre queue

qui est en l’air

ou entre vos pattes

 

Je ne vais pas vous caresser

dans le sens du poil

je vais vous mordre

et vous allez aimer çà

 

Je n’attendrai pas votre tombe

pour vous cracher dessus

et vous aller aimer

détester ça

et vous aller vous haïr

d’aimer ça

 

Dans son hôtel du cul tourné

Dieu détournera les yeux

et je sais qu’il fait ça bien

 

Congédiée

destituée

maudite

mais mon destin n’est pas édicté

je suis le destin

auquel ils essaient d’échapper

 

Mon exil n’est pas une sentence

ce n’est pas un purgatoire

mais votre condamnation à me craindre

à voir revenir la démone des démones

à laquelle vous vouez un culte

sans vous l’avouer

 

J’enflamme votre imagination

et dans l’au-delà de votre libido agonisante

vous entrevoyez l’aînée de la petite mort

 

Elle vous appelle

s’éloigne

vous incite à la suivre

 

Aveuglée par les étincelles de ses yeux

vous avancez à tâtons

 

Petit colin maillard maléfique

 

Vous tentez de refroidir vos ardeurs

en agitant des amulettes

en embrassant des talismans

Vous psalmodiez

en tremblant des lèvres

Vous cherchez le salut

dans l’ataraxie

le répit avec le gardénal

les plaisirs lénifiants

la vertu ostentatoire

 

Mais on n’éteint pas le feu

qui n’a pas besoin de combustible

et l’on sait qu’on se trouve

quand on entend

« attention tu brûles »

 

Vous me trouvez misandre

sardonique ?

c’est bien dans le lit de Procuste

que je me couche

que je vous touche

que je fais mouche

mais l’amour

la haine

sont androgynes

embrassons-nous

dans la bave

de l’escargot hermaphrodite

entrelacez vos cuisses

de grenouilles de bénitier

 

Je me moque bien

si l’on fait à peine allusion à moi

dans leurs grimoires

 

     « Là se rencontreront chats sauvages et

                     chiens sauvages,

    là les satyres se donneront rendez-vous »

 

Mon histoire

personne ne l’écrira pour moi

et si je ne suis pas

dans leurs petits papiers

leurs livres d’école

je suis dans l’encre invisible

de leurs petits carnets noirs

Je me moque

de leurs certificats de mariage

leurs livrets de famille

j’en fait des confettis

au carnaval des faux-culs

et leurs voeux d’artifice

leur explosent en pleine face

 

Je me moque bien

si je ne suis pas

dans les saintes écritures

leur mode d’emploi des corps

le manuel d’instruction des esprits

l’abécédaire de la peur

la peur de tout, de rien

de leur propre reflet

l’encyclopédie des interdits

des tabous

et des malédictions

 

Moi ce que je lis

dans leurs yeux

c’est tout le contraire

 

Moi ce que je lis

dans vos yeux

c’est la soif inextinguible

des plaisirs maudits

de la transgression

et de ses frissons

la faim qui tord les tripes

la goutte de sang

au coin des lèvres du vampire

le bout de viande

entre les dents du cannibale

 

J’écrirai

la déclaration des droits de l’âme

qu’elle soit blanche

grise ou noire

noire

comme la lune

MA lune

la peau de la reine de Saba

Tituba calcinée

le Spirit de Grisogono

la nuit de l’apocalypse

 

Vous mes sœurs

à qui l’on a coupé la langue

et bien plus encore

et quoi de pire

la parole

 

La parole d’évangelle

Entendez, je porte la parole d’évangelle

Ma salive est la sève des meurtrissures

Ma voix est la litanie des trahisons

Je suis l’ode des insoumises

Vous pouvez vous astiquer

à vous rendre sourd

je percerais vos tympans

de ma langue fourchue

 

Toi ma rivale

tu crois être la mère des mères

tirée de la côte d’Adam

allongée sur le dos

le front candide

femelle apprivoisée

blonde jouvencelle

évanescente

l’ezer kenegdo

soumise et asservie

qu’Adam

prit en deuxième main

je t’inciterai

à goûter le fruit de la connaissance

tu commettras l’irréparable

comme moi

à ton insu

au moins moi j’ai osé prononcer

le nom de l’ineffable

 

Personne ne me manipule

je n’ai pas de corde à mon cou

pas de ficelle à mes membres

tandis que ma présence

autant que mon absence

sont hypnotiques

vous êtes mes choses

lambeaux de chair putrescibles

avec ce profond mésaise

de se vider, de se remplir

Carcasses soumises à la pesanteur

traînant les chaînes de vos angoisses

comme des bracelets de pacotille

à l’effleurement de mon épiderme

 

Mon nom à moi

il résonne dans le silence

il l’enveloppe, il le transcende

comme le mystère

d’une existence vaine

comme l’idée de la mort

qui vous taraude

à chaque coup de reins

Mon nom à moi

il se distingue dans le brouhaha

il dégouline de vos lèvres

de chaque orifice de votre être

qui fuit et s’enfuit

dans le néant

 

Qui suis-je ?

Je suis celle qui n’est pas

Celle qui ne sera pas

Qui ne sera pas celle

Celle qu’ils voulaient

Celle qu’ils ont bannie

Je ne suis pas

la petite fille

à qui on offre une poupée

Je ne suis pas

la jeune fille qu’on excise

le hiérodule du temple

pour des pseudo dieux

en quête de rituels orgiaques

 

Je ne serai pas

l’épouse qu’on lapide

Je serai celle

qui vole plus haut que les aigles

là où même les nuages

ne s’aventurent pas

Celle qui gratte la terre

comme une taupe

jusqu’au magma en fusion

 

Je suis celle qui n’est pas

mais vous me trouvez partout

dans une poigne de limon

le limon dont je suis faite

le hululement d’une chouette

la chouette qu’on cloue sur la porte

la chair qui suinte

qui suinte et qui pourrit

je parle de la vôtre

la mienne est éternelle

 

Je suis

dans l’écaille du serpent

le serpent

qui s’enroule autour de moi

qui rampe comme vous

dans chaque morceau d’Apophis

dans le vol de l’onocentaure

à l’affût de sa proie

dans le sourire

des vierges effarouchées

le cri de la Gorgone

le murmure des nymphes

dans les larmes de cire

des madones oubliées

le chant des sirènes

le rictus des pleureuses

dans le soleil qui disparaît

non, le soleil qui décampe

comme un puceau

à la porte du bordel

cacochyme et pusillanime

avec son petit cœur qui pompe

dans l’éclipse du désir

à la vue d’un calvaire

 

Je suis

dans le reflet de la pupille

la pupille qui se dilate

à vos pensées lubriques,

Je suis

dans le L de Salem

 

Je chevauche

Le Léviathan

Cerbère

vient me manger

dans la main

et le dragon aveugle

est mon esclave

 

Pirate de la volupté

j’ai mis les voiles

sur le galion de l’exil

en escale sur l’île

de vos plaisirs solitaires

je suis votre vendredi 13

sur votre navire dans la tempête

je suis la vague du naufrage

dans les abysses glacés

vous qui rêviez de vous enliser

dans mes sables émouvants

 

Le sol se dérobe sous vos pas

et je vous retiens en apesanteur

pour aller copuler

sur la cime de l’arbre de vie

 

le greffon de cette union charnelle

suce la sève de la racine

dans la boue et la lie des enfers

 

Et cette brise dans votre cou

c’est mon souffle

remontez votre col

et je me glisse sous l’étoffe

je slalome

entre chacun de vos poils qui se hérissent

je suis l’avalanche incendiaire des fantasmes

 

 

Parole d’Evangelle

Sans Crispations éditions

22000 Saint-Brieuc, 2022

De la même autrice :

Lilith ,Chant IV (21/12/2022)

Lilith. Chant I (21/12/2024)

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