Derek Mahon (1941 -) : l’Ecclésiaste / Ecclesiastes
L’Ecclésiaste
Toi le craignant-dieu, l’élu de Dieu
petit puritain puriste que tu es
en dépit de tes ruses et de tes sourires, tu finirais
par aimer ça (les églises suintantes, les rues vides,
le silence des chantiers, les balançoires cadenassées)
et par abriter ton cœur froid de la chaleur
du monde, de la curiosité de la femme, des regards
vifs des enfants – je sais que tu pourrais
t’habiller de noir, boire de l’eau, nourrir ta farouche
ferveur avec des sauterelles et du miel sauvage, et ne
pas te sentir tenu de comprendre et de pardonner
mais seulement de parler selon le souffle
sinistre de l’esprit, et d’aimer les pluies de janvier
qui noircissent les portes noires et qui, dures, pénètrent
les collines d’Antrim les marais et les tombes
entassées de tes pères. Enterre ce foulard
rouge et ce bâton, ce banjo. C’est ici
ton pays : ferme un œil et règne.
Ton peuple t’attend ; leur linge claque
lourdement dans leurs lotissements pour t’accueillir ;
c’est un peuple crédule. Ma parole tu en serais capable –
Dieu te garde ! – de te planter à un coin de rue, raidi
dans ta rhétorique à ne rien promettre pour ce monde.
Traduit de l’anglais par Denis Rigal
In, « Poésies d’Irlande. Anthologie »
Sud, 13001 Marseille
Du même auteur :
Quatre promenades dans la campagne près de Saint-Brieuc / Four walks in the country near St.-Brieuc (11/11/2014)
Portrait de l’artiste / A portrait of the artist (22/06/2020)
Epitaphe pour Robert Flaherty / Epitaph for Robert Flaherty (22/06/2021)
Les dieux bannis / The banished gods (22/06/2022)
Image tirée de Beckett / An image from Beckett (22/06/2024)
Ecclesiastes
Gold, you could grow to love it, God-fearing, God-chosen purist little puritan
that,
for all your wiles and smiles, you are (the dank churches, the empty streets,
the shipyard silence, the tied-up swings) and shelter your cold heart from the
heat
of the world, from woman-inquisition, from the bright eyes of children. Yes
you could
wear black, drink water, nourish a fierce zeal with locusts and wild honey, and
not
feel called upon to understand and forgive but only to speak with a bleak
afflatus, and love the January rains when they darken the dark doors and sink
hard
into the Antrim hills, the bog meadows, the heaped graves of your fathers.
Bury that red
bandana and stick, that banjo ; this is your country, close one eye and be king,
Your people await you, their heavy washing flaps for you in the housing
estates -
a credulous people. God, you could do it, God help you stand on a corner stiff
with rhetoric, prominsing nothing under the sun.
Poems 1962 – 1978
Oxford Universiy Press,
Oxford, 1979
Poème précédent en anglais :
Alun Lewis : « Tout le jour il a plu... » / « All day it has rained... » 17/06/2023)
Poème suivant en anglais :
Anna Waldman :Cérémonie au peyotl pour Billy / Billy Work Peyote(25/07/2023)