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Le bar à poèmes
11 avril 2023

Elhonen Vogler (1907 – 1969) : Poème du suicide

360px-Yung_Vilne[1]Artistes du groupe Jung Wilne de Vilnius (Lithuanie). À partir de la droite : Szmerke Kaczergiński , Abraham Suckewer , Elhonen VoglerChaim Grade , Lejzer Wolf , assis : Mosze Lewin , Szejna Efron , Szymszon Kahan , Rachela Suckewer et Bencijon Michtom

 

 Poème du suicide

 

Je suis pendu. Sur moi la lumière est de cire

Et le soir brûle aux candélabres de la terre.

Ma corde fut un champ de chanvre

Un prunier ma potence bleue.

 

Je suis pendu. Sous moi mon cheval fou, le fleuve,

A mes mains jaunes est lié par ses rivages

Quand vers vous il s’élancera, déjà mon corps

Sera le chemin vers un monde neuf.

 

Je suis pendu. La nuit crève mes yeux – corbeau

Qui se construit un nid dans ma poussière grise.

Où est mon chien – le jour ? il n’est pas par ici,

Mais sur mon corps il va hurler, la langue rouge.

 

Je resterai pendu jusqu’à ce que le jour, mon chien,

Aboie parmi les champs, mon livre de prières,

Il se vêtira de nuées – mes sobres phylactères –

Tonnant et foudroyant il priera mes poèmes.

 

Et mon ami le vent hors d’haleine courra

Demander au printemps, demander à mes filles,

Où est-il, où est-il, dites-moi qui a vu

Vogler, Vogler, mon ami silencieux ?

 

Je resterai pendu jusqu’ au lever du jour,

Quand se couronnent d’or les saules nains,

Les agneaux noirs pour moi diront Kaddish

Et pleureront sur moi les chèvres blanches.

 

Traduit du yiddish par Charles Dobzynski

In, « Anthologie de la poésie yiddish. Le miroir d’un peuple »

Editions Gallimard (Poésie), 2000

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