Jacques Réda (1929 - 2024) : La pente
La pente
Sous le virage, un petit bois bancal. Je me suis dit
Qu’au-delà des arbres la pente abrupte avait bondi
Pour plonger dans un gouffre nébuleux et presque intime
Comme on en voit dans les paysages chinois,
Et j’ai quitté la route. Elle montait vers d’autres bois
En rechignant. L’espace avait une ampleur maritime
Entre ces collines si loin d’un rivage salé,
Et mon but sur la crête avait peu à peu reculé
A mesure que j’avançais. Le bois, de son air gauche,
Se cramponnait en contrebas. Je descendis
La pente parmi des rochers et de l’herbe engourdis
Sous un ciel nuageux bâclé comme dans une ébauche.
Rien ne bougeait aux environs. Pas d’oiseau, pas de vent.
Juste l’élan de cette pente où j’allais levant
Un bras comme pour m’accrocher encore à quelque cime.
Cependant je glissai dans l’herbe, et sans pouvoir
Me retenir j’ai dévalé droit vers le réservoir
Sans fond, jusqu’aux derniers sapins tordus sur un abîme.
L’adoption du système métrique
Editions Gallimard, 2004
Du même auteur :
Elégie de la petite gare (10/04/2015)
Aux environs (10/04/2016)
Pluie du matin (10/04/2017)
« Quand montant de la porte d’Orléans… » (10/04/2018)
Oraison du matin (10/04/2019)
Le soir, rue de la Duée (10/04/2020)
L’aurore hésite (10/04/2021)
Lettre à Marie (10/04/2022)
Un paradis d’oiseaux (10/04/2024)