Salvatore Quasimodo (1901 – 1968) : La pie noire rit sur les orangers / Ride la gazza, nera sugli aranci.
La pie noire rit sur les orangers
C’est peut-être un signe avéré de la vie :
autour de moi des enfants aux légères
oscillations de tête dansent en un jeu
de cadences et de voix le long du pré
de l’église. Pitié du soir, ombres
rallumées sur l’herbe si verte,
sublimes dans le feu de la lune !
La mémoire vous accorde un bref sommeil ;
maintenant, réveillez-vous. Le puits résonne
de la première marée. C’est l’heure :
non plus mienne, simulacres anciens et brûlés.
Et toi, vent du sud chargé de fleurs d’oranger,
pousse cette lune où dorment les enfants
nus, force le poulain dans les prairies humides
aux traces de juments, ouvre
la mer, libère les nuages des arbres :
déjà s’avance le héron vers l’eau,
il flaire, lent, la boue parmi les épines,
et la pie noire rit sur les orangers.
Traduit de l'italien par Roland Ladrière
in, Salvatore Quasimodo : "Oeuvres poétiques"
Editions de Corlevour, 92110 Clichy,2021
Le rire du geai
Peut-être de la vie est-ce un signe infaillible :
Balançant doucement la tête, autour de moi
Des enfants vont dansant sur le parvis herbeux,
Voix et gestes rythmant leur jeu. Pitié du soir,
Sur le gazon si vert des ombres toutes belles
S’embrasent derechef dans le feu de la lune !
Allons, réveillez-vous, puisque le souvenir
Vous accorde un sommeil qui ne saurait durer.
La première marée, on l’entend dans le puits,
Qui gronde. Voici l’heure : elle n’est plus à moi,
Images du passé, maintenant calcinées.
Et toi, venant du sud, lourd de tes fleurs d’orangers,
Pousse la lune au pays où les enfants dorment
Nus, dompte le poulain dans les prairies mouillées
Que marquent les sabots des cavales, et puis
Creuse la mer, emporte au ciel et loin des arbres
Les nuages, vent du sud. Déjà le héron
Vers les marais s’avance et flaire lentement
La vase qui croupit au milieu des ronciers ;
Oh, le rire du geai, noir sur les orangers !
Traduit de l’italien par Sicca Vernier
in, « Poètes d’Italie. Anthologie, des origines à nos jours »
Editions de la Table Ronde, 1999
La pie, noire sur les orangers
Peut-étre est-ce un vrai signe de la vie :
autour de moi des enfants avec de faibles
mouvements de tête dansent dans un jeu
de cadences et de voix le long de la pelouse
de l’église. Piété du soir, ombres
rallumées sur l’herbe si verte,
d’une telle beauté dans le feu de la lune !
Mémoire vous accorde un court sommeil ;
et maintenant, réveillez-vous. Voici que gronde le puits
pour la première marée. Et c’est l’heure,
mais elle ne m’appartient plus, simulacres brûlés, lointains.
Et toi, vent du sud, lourd de fleurs d’orangers,
roule la lune, où nus, dorment
des enfants, force les poulain sur les champs
humides des empreintes des juments, ouvre
la mer, fais monter les nuages des arbres :
déjà le héron s’avance vers l’eau,
et flaire, lent, la vase entre les ronces,
et s’esclaffe la pie, noire sur les orangers.
Traduit de l’italien par Jean-Yves Masson,
In, Revue « Polyphonie, N°7 printemps 1988 »,
Du même auteur :
Et c’est bientôt le soir / Ed è subito sera (01/11/2014)
J'entends encore la mer / S’ode ancora il mare (15/04/2018)
Devant le gisant d’Ilaria del Carretto / Davanti al simulacro d’Ilaria Del Carretto (15/04/2019)
Anno Domini MCMXLVII (15/04/2020)
Vent à Tyndaris / Vento a Tindari (15/04/2021)
Temple de Zeus à Agrigente / Tempio di Zeus Ad Agrigento 15/04/2022)
Les retours / I Ritorni (15/04/2023)
Glendalough (06/10/2023)
: Ô mes doux animaux / O miei dolci animali (15/04/2024)
Dialogue / Dialogo (06/10/2024)
Ride la gazza, nera sugli aranci.
Forse è un segno vero della vita:
intorno a me fanciulli con leggeri
moti del capo danzano in un gioco
di cadenze e di voci lungo il prato
della chiesa. Pietà della sera, ombre
riaccese sopra l’erba così verde,
bellissime nel fuoco della luna!
Memoria vi concede breve sonno:
ora, destatevi. Ecco, scroscia il pozzo
per la prima marea. Questa è l’ora:
non più mia, arsi, remoti simulacri.
E tu vento del sud forte di zàgare,
spingi la luna dove nudi dormono
fanciulli, forza il puledro sui campi
umidi d’orme di cavalle, apri
il mare, alza le nuvole dagli alberi:
già l’airone s’avanza verso l’acqua
e fiuta lento il fango tra le spine,
ride la gazza, nera sugli aranci.
Ed è subito sera
Mondadori, Milano (Italia), 1942
Poème précédent en italien :
Cesare Pavese :Manie de solitude / Mania di solitudine (05/10/2022)
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François Pétrarque / Francesco Petrarca: « De mon visage il pleut larmes amères... » / « Piovonmi amare lagrime dal viso... » (19/10/2022)