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Le bar à poèmes
6 octobre 2022

Salvatore Quasimodo (1901 – 1968) : La pie noire rit sur les orangers / Ride la gazza, nera sugli aranci.

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La pie noire rit sur les orangers

 

C’est peut-être un signe avéré de la vie :

autour de moi des enfants aux légères

oscillations de tête dansent en un jeu

de cadences et de voix le long du pré

de l’église. Pitié du soir, ombres

rallumées sur l’herbe si verte,

sublimes dans le feu de la lune !

La mémoire vous accorde un bref sommeil ;

maintenant, réveillez-vous. Le puits résonne

de la première marée. C’est l’heure :

non plus mienne, simulacres anciens et  brûlés.

Et toi, vent du sud chargé de fleurs d’oranger,

pousse cette lune où dorment les enfants

nus, force le poulain dans les prairies humides

aux traces de juments, ouvre

la mer, libère les nuages des arbres :

déjà s’avance le héron vers l’eau,

il flaire, lent, la boue parmi les épines,

et la pie noire rit sur les orangers.

 

Traduit de l'italien par Roland Ladrière

in, Salvatore Quasimodo : "Oeuvres poétiques"

Editions de Corlevour, 92110 Clichy,2021

 

Le rire du geai

 

Peut-être de la vie est-ce un signe infaillible :

Balançant doucement la tête, autour de moi

Des enfants vont dansant sur le parvis herbeux,

Voix et gestes rythmant leur jeu. Pitié du soir,

Sur le gazon si vert des ombres toutes belles

S’embrasent derechef dans le feu de la lune !

Allons, réveillez-vous, puisque le souvenir

Vous accorde un sommeil qui ne saurait durer.

La première marée, on l’entend dans le puits,

Qui gronde. Voici l’heure : elle n’est plus à moi,

Images du passé, maintenant calcinées.

Et toi, venant du sud, lourd de tes fleurs d’orangers,

Pousse la lune au pays où les enfants dorment

Nus, dompte le poulain dans les prairies mouillées

Que marquent les sabots des cavales, et puis

Creuse la mer, emporte au ciel et loin des arbres

Les nuages, vent du sud. Déjà le héron

Vers les marais s’avance et flaire lentement

La vase qui croupit au milieu des ronciers ;

Oh, le rire du geai, noir sur les orangers !

 

Traduit de l’italien par Sicca Vernier

in, « Poètes d’Italie. Anthologie, des origines à nos jours »

Editions de la Table Ronde, 1999

 

La pie, noire sur les orangers

 

Peut-étre est-ce un vrai signe de la vie :

autour de moi des enfants avec de faibles

mouvements de tête dansent dans un jeu

de cadences et de voix le long de la pelouse

de l’église. Piété du soir, ombres

rallumées sur l’herbe si verte,

d’une telle beauté dans le feu de la lune !

Mémoire vous accorde un court sommeil ;

et maintenant, réveillez-vous. Voici que gronde le puits

pour la première marée. Et c’est l’heure,

mais elle ne m’appartient plus, simulacres brûlés, lointains.

Et toi, vent du sud, lourd de fleurs d’orangers,

roule la lune, où nus, dorment

des enfants, force les poulain sur les champs

humides des empreintes des juments, ouvre

la mer, fais monter les nuages des arbres :

déjà le héron s’avance vers l’eau,

et flaire, lent, la vase entre les ronces,

et s’esclaffe la pie, noire sur les orangers.

 

 

Traduit de l’italien par Jean-Yves Masson,

In, Revue « Polyphonie, N°7 printemps 1988 »,

Du même auteur :

Et c’est bientôt le soir / Ed è subito sera (01/11/2014)

J'entends encore la mer / S’ode ancora il mare (15/04/2018)

Devant le gisant d’Ilaria del Carretto / Davanti al simulacro d’Ilaria Del Carretto (15/04/2019)

Anno Domini MCMXLVII (15/04/2020)

Vent à Tyndaris / Vento a Tindari (15/04/2021)

Temple de Zeus à Agrigente / Tempio di Zeus Ad Agrigento 15/04/2022) 

Les retours / I Ritorni (15/04/2023)

Glendalough (06/10/2023)

: Ô mes doux animaux / O miei dolci animali (15/04/2024)

Dialogue / Dialogo (06/10/2024)

 

 

Ride la gazza, nera sugli aranci.

 

Forse è un segno vero della vita:

intorno a me fanciulli con leggeri

moti del capo danzano in un gioco

di cadenze e di voci lungo il prato

della chiesa. Pietà della sera, ombre

riaccese sopra l’erba così verde,

bellissime nel fuoco della luna!

Memoria vi concede breve sonno:

ora, destatevi. Ecco, scroscia il pozzo

per la prima marea. Questa è l’ora:

non più mia, arsi, remoti simulacri.

E tu vento del sud forte di zàgare,

spingi la luna dove nudi dormono

fanciulli, forza il puledro sui campi

umidi d’orme di cavalle, apri

il mare, alza le nuvole dagli alberi:

già l’airone s’avanza verso l’acqua

e fiuta lento il fango tra le spine,

ride la gazza, nera sugli aranci.

 

Ed è subito sera

Mondadori, Milano (Italia), 1942

 

Poème précédent en italien :

Cesare Pavese :Manie de solitude / Mania di solitudine (05/10/2022)

Poème suivant en italien :

François Pétrarque / Francesco Petrarca: « De mon visage il pleut larmes amères... » / « Piovonmi amare lagrime dal viso... » (19/10/2022)

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