Monchoachi (1946 -) : L’eau (VI-IX)
L’eau
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VI
Rien, le reflet
Pattes d’oiseau dans l’eau des marais,
longues échasses en chasse
et derrière longs cils,
firmament,
perles en fonds coui d’or ;
Libellules au repos dans rizière,
fleurs karité irradient couchant ;
Troupeaux émergent
innombrables au poil soyeux sur berge dsivoa :
Infinie douceur en quoi tout se mire,
ah ! préservez intact le grain de lumière !
ah ! garder précieuse la chose qui rutile !
Et derrière les joncs les ombres lâchent prise,
Temps et convoitise,
suppose your mother and your father...
les deux battants ouverts pour la marche du lumineux,
cornaline et malachite,
cornaline et topaze,
topaze et turquoise,
deux ventaux porte canal ouverts,
couronnes rouges séparées,
disposées affaires,
le dieu mait’ chapelle vient courbé,
bienhéré bienmonté grémèci,
derrière les joncs les vanités s’évanouissent :
Temps et profusion,
(ta saleté, ce qui est dans ton crâne !
oublie les heures !)
Derrière les joncs les lions se désaltèrent,
miel fin et lait,
lait et hydromel,
et brin malonmen,
Y font des choses (toutes sortes)
se lèvent et se couchent,
se couchent et se soient,
se couchent et s’assistent
sont et viennent,
disposent eau (et) air,
Font toutes sortes,
« polygamie est marque richesse »
Têtes rasées des femmes Masaï
riches parures, lourds bracelets tchouive,
vêtements d’herbe sèche, « nœuds dans l’herbe,
et sorte boutons l’or » ;
Hommes, leur côté, vont nus :
ici le minéral et le végétal, là l’animal,
« la triple couronne du pape ».
Derrière les joncs, Raison tombe,
tombent Temps et quintessence
parole qui blié dleau
savoir encayé en tè sec, sans eau,
Sans offrande, les eaux tarissent ;
offrande d’eau est sans contemplation frémissante,
Don d’eau est don saisissement
et rêve ;
Derrière les joncs, la belle surnommée « la Belle » s’est parée d’outrance,
(c’est la pouliche embrumée qui est le sanctuaire du dieu)
yeux bordés bleu antimoine,
lèvres rougies kola,
corps saupoudré henné.
Sous la brise, la barge est gréée,
sa proue,
sa poupe,
ses deux tolets,
sa tête de mât,
ses membrures,
gouvernail et support gouvernail,
perches sondage,
amarre proue ;
Derrière les joncs, l’eau des marais
voit sans voir, impassible,
JEUX MARMOTS,
Tout ce qui arrive, passe, se brouille et se dissipe
Lui appartient RIEN
n’existe et n’est visible que dans son reflet :
demeure commune,
unique savoir, unique vouloir.
VII
L’unique savoir
Mouvement des eaux, mouvement des astres.
Lorsque le fleuve est loin du marigot,
Orion, Sirius et Canopus sont au zénith,
la tête de la Grande Ourse sort à l’Est
juste avant le lever héliaque,
la Voie lactée est au milieu du ciel.
Lorsque le fleuve arrive,
Vénus de l’Ouest est au plus près d’Aldébaran,
Quand la crue du fleuve est à son maximum,
la Voie lactée, le fleuve du ciel
circule sous la route du Soleil.
Un tourbillon se lève à l’Ouest
quand Vénus de l’Ouest la femme de la lune
s’approche des Pléiades ;
Un autre se lève à l’Est
quand Vénus à l’Est s’approche de la Grande Ourse.
Les marigots se soudent au lever héliaque de Sirius ;
au lever de la Grande Ourse,
La mare quitte la terre noire de la brousse
Et se dirige vers le fleuve :
Elle quitte le fleuve au coucher des Pléiades.
Quand la tête de la Grande Ourse disparaît, il n’y a plus de poisson
dans le fleuve ;
On inaugure la pêche
quand la Grande Ourse ressurgit
comme un cheval au-dessus de l’horizon,
les quatre membres, la tête et la queue
dans un terrible éblouissement.
Dès qu’au lever du Soleil la tête de la Grande Ourse apparaît à l’horizon
deux pirogues partent sur l’eau :
le maître de l’eau, deux enfants qui pagaient,
trois femmes pour piler le mil,
un mouton, un coq, une jarre de miel,
une jarre de bière de mil ;
Quand le grand chien d’Orion se lève avant le lever du Soleil
Et que Vénus est à l’Ouest,
au moment où le fleuve est au maximum de sa crue,
c’est le moment de couper le djarto.
Quand la tête de la Grande Ourse se lève à l’Est
avant le lever du soleil, on coupe le nteng.
Lorsque Vénus se trouve près d’Aldébaran,
au coucher du Soleil on égorge un taureau noir
on étouffe une chèvre rouge.
Au lever héliaque de la tête de la Grande Ourse
Se déroule la cérémonie de perception des redevances.
Au lever héliaque de la Grande Ourse
commence la chasse à l’hippopotame ;
Elle dure jusqu’au lever des Pléiades à l’arrivée de la saison des pluies
au confluent des fleuves.
Quand le fleuve est au maximum de sa crue
et que le vent tardonya pénètre l’eau
on tue l’hippopotame dans le trou d’eau
avec les ongles on confectionne des laya
à l’usage des femmes stériles
un morceau de viande est jeté en sacrifice au fleuve.
Quand Vénus est proche de l’étoile Aldébaran
deux filles vierges revêtues d’un pagne blanc
sont ensevelies sous les remparts,
le marigot, queue et têtes coupées, ne recevra plus que l’eau du ciel.
En saison sèche, lorsque la tête de la Grande Ourse sort à l’Est
au lever du Soleil a lieu l’émasculation des esclaves
sous un palmier rônier,
au confluent du marigot et du fleuve.
Tshakadam (le tissage) est sorti du fleuve lorsque
la Grande Arche s’est retournée.
réglé sur les douze stations du Soleil (4-4-12)
et sur les neuf stations de Vénus (4-4-9).
Au moment du mariage, la femme monte
en suivant le lever héliaque des
Pléiades
de la droite à la gauche
Les eaux de la terre se croisent
montent et descendent
se jettent dans les trous des
lacs.
Les routes des constellations se croisent
montent et descendent
se jettent dans le trou des
Pléiades
Mouvement des eaux, Mouvement des astres,
Mouvement des règnes
Mouvement des doléances.
VIII
Grandeur silencieuse
Puis eau tisse, fuseau, corps de rêve
tantôt coule chargé de sève
feuilles bruissantes,
tantôt immobilise son corps dans des marais boueux,
tantôt murmure tout bas sur un lit de basalte.
Douze jeunes filles parmi les griottes
trous beauté bord fesses,
douze servantes,
longues écharpes brodées.
Oiseau au sommet du ciel
gratte avec les pattes,
termitière s’enfondre sous coups d’bec.
fléaux s’abattent en mesure,
juque elle soit dure,
qu’en dessous la terre soit dure,
concassent en cadence,
eau saturée ék lanmidon,
vêtements sur mesure,
une jambe jusqu’à la cheville,
l’autre en bas des reins,
sur mesure,
zos s’entrechoquent,
Et sur les lèvres un sourire,
banqué ak M’ché Ti-mo-té, ca-chi-m’-bo l’
lan guiole li, li té pr’alle ach’té tin-m lapòss
sourire qui va fleurir,
ibis dans le sorgho
vipère gîte dans termitière
bonté pas affaire caractère mais élévation
sur lèvres va fleurir
ce qu’a dit oiseau,
fleur pastèque
bord des lèvres
traverse lac flap sur dos héron,
franchit porte Deux-Béliers,
bocanté en lion,
rouge couronne sur tête
fend lentouraille, écarte broussailles, ostacles,
rugit trois fois sis sur pattes arrières,
fait tournoyer queue sur tête,
Puis redevient lapèsõnne
puis sitôt épervier
terreur poussins,
S’élève rhaut dans ciel
ce qu’i fit
Sis sur peau boeuf blanche
tenant chasse-mouche blanc,
Puis bocanté toutrelle
Perchée sur roucoule trois fois.
Debout dans barque,
par milliers gibiers eau,
Oies-ro, gorges vertes,
étang profond, eau tourbillonnante,
Python roulé, vingt huit nœuds pas moins,
Poitrine Néphtis tendue vers bouche,
lait merveille à grands traits,
lait’ pou bouè manger,
Suce langue Isis,
« tiens, suce ma langue » (enlacements)
tété lang-mwen ha mwen, Yélé !
« Quand je partirai coté-cité, qu’aurais-je à raconter, Petite Mère ?
Déteste le sommeil »,
Caché dans hangar claire-voie,
seul dans chaleur soleil,
Grand bélier seul dans chaleur soleil,
« Déteste le sommeil, déteste le sommeil ! »
Reviendra quand il faudra,
viendra quand il fera
jour chaque jour comme tout autre jour,
Son monde propre
ta l’ki ta l’
Le laissant et l’emportant
poté’laller, le laisssant et le portant
Laissé'l grãinin,
Tête comme feuillage,
zyeux bouffis , cals zyeux grigis , petits morceaux glaise,
kãnyãn- kãnyãn
Grandeur silencieuse
Oubli oubli.
IX
Paré téter sa mère
Chacun vers la lune lançait des tiges de mil,
Quatre quand la chance était femelle,
« Et les femmes poussèrent des cris de joie » ;
Trois couteaux de jet sacrés premier-né mâle,
Bourma pleines bière mil
Taureaux dans étables des vaches tachetées
Et Respé intact dans enclos taureaux châtrés
narine muni anneau
Bourma badées bière miellée
badées bière sorgho miellée
Et on boivait et on versait dans trou terre pa’esprés
On versait ainsi qu’aux fétiches
Ceux qui tissent tamis
ceux qui tressent
qu’ont fait adorations,
qu’ont dansé lajoie pattes avant dans le flot,
Sentir l’odeur son corps,
sentir son corps
Paré téter sa mère (bondié en rhaut cièl !)
pour un lhorizon
« là où le monde est doux ».
Et les eaux luxuriantes passé nulle offrande
ruisselant sur épaules et peau,
Ruisselant lourdes jarres soutenues les deux mains,
comme la source dans la montagne,
comme rivières sur pierres noires polies
Ruisselant le long les cuisses,
Faisant miroiter les cuisses
à contrailler l’Avaleur les eaux ;
Boue ocre, boue molle,
mêléé excréments agãman.
Longé dans lageu rigole,
Six cent orages dans lageu jadin,
Horus au cœur étoiles
en bas
trou fawafa
lové dans boue marigot
faisant corps avec glaise
lieu zhèbe
lieu nousage
lieu deux rives
deux bôdages
Demeure qui fait fleurir image,
« l’entrée palais devant »,
et dessous la source,
« dessus, lac »
« le bord ciel. »
Et les eaux s’entrecroisent, muettes
se mêlent
Celles, secrètes qui apaisent tempête,
Celles qui tempèrent poupe et proue.
A présent chacun en son corps respire,
chacun son souffle lappe
avale les quatre vents
la joie dans les cordages
la joie dans les voiles
bourdonnement mouche
bruit dleau dans calebasse :
Pour eux ionn’, les morts jà morent souèf.
Pour eux, les morts meurent soif.
Partition noire et bleue (Lémisté 2)
Editions Obsidiane, 2015
Du même auteur :
Manteg (26/02/2021)
L’eau (I-V) (26/02/2022)
Le lointain (X) (26/02/2023)
Le réel / Le jeu (XI – XV) (19/08/2023)