André Markowicz (1960 -) : « Une chute lente... »
Une chute lente, noire et rouge –
chute, ce n’est pas le mot, - glissade
est plus juste, si je considère
qu’elle se déroule, sans aucune
ecchymose, sans contact, à peine
cette sensation que les organes
restent suspendus dans l’enveloppe
de ce que, quoique sans certitude,
j’ai tendance à prendre pour ma forme,
ma présence, au moins, aux yeux des autres,
d’où l’immatérialité de cette
expérience – la descente. Parce
qu’elle est plus rapide que sa propre
conception, elle est apophatique,
et pas seulement apophatique,
mais liée à un silence proche
de la mort, ou ce que je suppose
être tel, et la durée de cette
chute, deux ou trois secondes, ouvre,
dans l’espace abstrait, à une errance
où le temps est inenvisageable
en lui-même, un souffle et un tangage
et un flottement, et si la chambre
flotte encore quand je m’y retrouve
sans oser, à cause du vertige,
relever la tête, essayant juste
de calmer le battement des tempes
et du cœur pour revenir au rêve,
l’impression est de tomber encore,
de glisser toujours, et d’être en même
temps un survivant comme à sa propre
vie, retenant, du coup, deux mondes
dont le plus enfoui aurait tendance
à réduire l’autre à quelque chose
qui tiendrait de l’anecdote, quoique...
3-7 nov.16
Revue « Babel heureuse N° 3, printemps 2018 »
Gwen Catalá, éditeur, 31000 Toulouse
Du même auteur :
Trois aubes (19/03/2019)
Trois textes d’un été (19/03/2020)
« Laisse ton adresse... » (19/03/2021)
« Un sommeil haché... » (19/03/2023)
« Car le visage est... » (19/03/2024)