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Le bar à poèmes
8 mars 2022

Jean-Claude Schneider (1936 -) : mains passives, nagez

Jean-Claude-Schneider[1]

 

mains passives, nagez

 

 

 

l’interstice –

et

rien ne comble,

ni rage de glose ni déchirure de sens,

pour la langue là dormir,

respirer,

où,

fente, où pourrait de là un air vif fuser,

elle définitive signer, demeurée

fente,

mais en rester là les lèvres

où baille de l’ombre

et luit,

 

 

 

 

 

luisant dans son vêtement d’ombre, mendiant

la parole.

                 et si,

où ne seront l’ombre ni l’intervalle dissous,

avancé jusque

tout (un coup d’ongle) tombe

poussière,

                    si,

égaré

l’astre, ni haut ni bas,

je n’étais qu’éponge que jours, suppurant,

imprègnent ?

 

 

 

 

 

si

      - des siècles qu’ils

s’en imprègnent : fleurs de silence et de sel

du poème, exsudées

de l’humide de tant de bouches,

que regards (une mer) ont piétinées, chaque vague

un regard, et, remués, des siècles

de mers –

                   retombaient

les mots, leurs nébuleuses, en torpeur,

imprononcés comme dans les citernes le bruit

des gouttes de silence ?

 

 

 

 

 

travaux,

pour en arriver là, de

voierie, de labour du champ des os, de

désapprendre – je dirai :

chemin, chemine

vers un autre, de ses doigts sans yeux, rien

que nerfs, la chair auditionnant, cherche

(paupières rongées, lui naissent

des seins désirants)

cherche

la face inconnaissable du jour

 

 

 

 

 

triture

la trop connue

face des mots qu’il espère moins

traversable ici,

                            comme

dans la peinture bleue des baigneuses,

coagulant, solides,

air eau herbe chair éclaboussée

autant que la terre,

                                  régurgite ici

en lits de pierres vives :

                                         elles,

 

 

 

 

 

poreuses, s’éloignent criblées, exhibent

leurs lacunes, brusquent

ce

      (cassée l’amarre du

comme)

              devenu autre,

autres les sol-ciel-temps où dérive sur

courant de vent et de rien sa lèvre

de vent, dérive sur l’océan de vagues pierreuses,

soulagée ici

de ses reins sondés, mains moissonnées, de –

ses matières.

 

 

 

 

 

définitivement erratique

le poème,

dans ce qui lui comptera comme jour,

traversé les charbons rougis, l’aigu,

plante

dans le drap que sur la rétine

a tissé une patience plus voûtée que toi

son écharde,

chacune (écharde) contre les autres

bougeant,

 

 

 

 

 

ton œil,

logis d’épines,

nage en avant de lui ces travées

blanches, replonge,

dans l’assourdissant silence du cela sourd, nage

parmi les délivres, linges

non séchés du matin de la nuit ancienne, ils

(tu te souviens ?) collaient

à je parle,

ici : je – commence, sans nom, in-

dévisagé,

 

 

 

 

 

disant je,

c’est : vacance, là

trépigner l’interlocuteur ou

personne.

je

       (personne

derrière ton visage, pas même,

dans l’avancement miné du jour, celui,

plongé dans tes deux mains jointes,

qui se tait)

                    vous appartiens.

 

 

 

lambeaux ce que mains

de là-bas ramènent, poignée de la terre

 

 

 

la terre noire

trop respirée à l’horizon de mes jours

 

 

 

et

marchant

vers ses fonds, fautif d’effraction, je

vous ai déjà

                      mains lointaines, jusqu’où à moi ?

                                                                                perdues

 

 

 

ne se meuvent,

mains-remous, que-là,

 

dans ce courant grandi de milliers d’années depuis

 

 

ne déchirent que l’air

 

 

je

les invente

 

 

se desséchant

 

avant capture et détournement de la

(sur les pierres), l’herbe) luisante

trace

par l’ouïe d’un autre

 

 

par ma voix

 

 

retournée la table jour

au défrichement de la sibylle

 

 

 

pas rien

qu’une image, le sein de la terre

baignant dans ma parole

 

 

 

monde

qu’immerge ici,

un corps en sourdine gravitant,

parmi son bruit le torrent

 

 

 

grossi

le torrent

aux traversées de buissons de sens

 

 

 

de la chambre malade j’épie

les recommencements

 

 

 

aussi

le jour où

la course de la main suspend tout murmure

 

 

 

 

 

le jour d’avant-

un autre

 

retentirait

 

     (refermant (langue

     qu’avale la lèvre du mot fin) la pièce)

 

cette

réponse

                      le reste – est- silence

 

 

In, Revue « Moriturus, N° 5, Août 2005 »

Editions fissile, 09310 Les Cabannes

Du même auteur :

« Morceau... » (07/03/2020)

La tache aveugle (07/03/2021)

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