Jean-Claude Schneider (1936 -) : mains passives, nagez
mains passives, nagez
l’interstice –
et
rien ne comble,
ni rage de glose ni déchirure de sens,
pour la langue là dormir,
respirer,
où,
fente, où pourrait de là un air vif fuser,
elle définitive signer, demeurée
fente,
mais en rester là les lèvres
où baille de l’ombre
et luit,
luisant dans son vêtement d’ombre, mendiant
la parole.
et si,
où ne seront l’ombre ni l’intervalle dissous,
avancé jusque
tout (un coup d’ongle) tombe
poussière,
si,
égaré
l’astre, ni haut ni bas,
je n’étais qu’éponge que jours, suppurant,
imprègnent ?
si
- des siècles qu’ils
s’en imprègnent : fleurs de silence et de sel
du poème, exsudées
de l’humide de tant de bouches,
que regards (une mer) ont piétinées, chaque vague
un regard, et, remués, des siècles
de mers –
retombaient
les mots, leurs nébuleuses, en torpeur,
imprononcés comme dans les citernes le bruit
des gouttes de silence ?
travaux,
pour en arriver là, de
voierie, de labour du champ des os, de
désapprendre – je dirai :
chemin, chemine
vers un autre, de ses doigts sans yeux, rien
que nerfs, la chair auditionnant, cherche
(paupières rongées, lui naissent
des seins désirants)
cherche
la face inconnaissable du jour
triture
la trop connue
face des mots qu’il espère moins
traversable ici,
comme
dans la peinture bleue des baigneuses,
coagulant, solides,
air eau herbe chair éclaboussée
autant que la terre,
régurgite ici
en lits de pierres vives :
elles,
poreuses, s’éloignent criblées, exhibent
leurs lacunes, brusquent
ce
(cassée l’amarre du
comme)
devenu autre,
autres les sol-ciel-temps où dérive sur
courant de vent et de rien sa lèvre
de vent, dérive sur l’océan de vagues pierreuses,
soulagée ici
de ses reins sondés, mains moissonnées, de –
ses matières.
définitivement erratique
le poème,
dans ce qui lui comptera comme jour,
traversé les charbons rougis, l’aigu,
plante
dans le drap que sur la rétine
a tissé une patience plus voûtée que toi
son écharde,
chacune (écharde) contre les autres
bougeant,
ton œil,
logis d’épines,
nage en avant de lui ces travées
blanches, replonge,
dans l’assourdissant silence du cela sourd, nage
parmi les délivres, linges
non séchés du matin de la nuit ancienne, ils
(tu te souviens ?) collaient
à je parle,
ici : je – commence, sans nom, in-
dévisagé,
disant je,
c’est : vacance, là
trépigner l’interlocuteur ou
personne.
je
(personne
derrière ton visage, pas même,
dans l’avancement miné du jour, celui,
plongé dans tes deux mains jointes,
qui se tait)
vous appartiens.
lambeaux ce que mains
de là-bas ramènent, poignée de la terre
la terre noire
trop respirée à l’horizon de mes jours
et
marchant
vers ses fonds, fautif d’effraction, je
vous ai déjà
mains lointaines, jusqu’où à moi ?
perdues
ne se meuvent,
mains-remous, que-là,
dans ce courant grandi de milliers d’années depuis
ne déchirent que l’air
je
les invente
se desséchant
avant capture et détournement de la
(sur les pierres), l’herbe) luisante
trace
par l’ouïe d’un autre
par ma voix
retournée la table jour
au défrichement de la sibylle
pas rien
qu’une image, le sein de la terre
baignant dans ma parole
monde
qu’immerge ici,
un corps en sourdine gravitant,
parmi son bruit le torrent
grossi
le torrent
aux traversées de buissons de sens
de la chambre malade j’épie
les recommencements
aussi
le jour où
la course de la main suspend tout murmure
le jour d’avant-
un autre
où
retentirait
(refermant (langue
qu’avale la lèvre du mot fin) la pièce)
cette
réponse
le reste – est- silence
In, Revue « Moriturus, N° 5, Août 2005 »
Editions fissile, 09310 Les Cabannes
Du même auteur :
« Morceau... » (07/03/2020)
La tache aveugle (07/03/2021)