Jean – Claude Schneider (1936 –) : « Morceau ... »
Morceau
après morceau
on égratigne des murs
lisses qu’on sauve
de l’oubli
ceux-là de travers
ont presque
figure humaine
on gagne chaque jour
sur les lacunes
on augmente les pans
auxquels on adhère
l’accord vient
l’inattention nous cueille
au grain du papier
au coude de la paroi.
*
Le monde, on dirait
recule dans la distance
et le demi-jour cendré,
rumeur d’égout
qu’on peut oublier
les rides
comme après la pluie la boue
redevient lisse
s’effacent
le plus dur : parler en camarade
avec ce qui se cale
dedans la main, avec le pain
que chaque jour je romps
d’un geste second
avec la maison qui craque
sur son socle et la nuit
dans ses agencements de briques creuses
en attendant de
provisoirement
comme moi
se tasser
*
Chien sur la route,
haies, ardoises, et dans sa courbe
un champ
assez
pour qu’on adhère
à l’usure banale
on est quelqu’un
qui de plus en plus se perd
à l’aise dans la liberté
rongeuse du vent
les pieds
biens plantés sur une terre
qui comprend
pour un délai
dont nul ne sait rien
sauf que l’arrière-pays
attend son retour
pour de bon.
A travers la durée
Editions Fata Morgana, 1975
Du même auteur :
La tache aveugle (07/03/2021)
mains passives, nagez (07/03/2022)