Jean-Claude Schneider (1936 -) : La tache aveugle
La tache aveugle
Des humeurs que la terre
expulse
l’herbe
inconsciente s’en nourrit
au vent osseux ou sous la chute
des pluies dans les mottes noires
commence la phrase pleine
ininterrompue jusqu’à usure
du souffle
cordon ténu
et que la bouche
prolonge le tremblé
muet des lèvres
quand plus rien ne rompt
l’épaisseur de la matière
entre le jour qui fait lever les apparences
et l’œil qui avale
et le corps qui se donne
à la vie traversée bord à bord
*
Cet égout bourdonnant
qui remue le fond
à peine aminci
en chuintement de veilleuse
dans le dérangement du jour
on l’endure
sans le fondre au silence
comme sur sa fonte une eau qui
indéfiniment bout
comme ces masures
serrées contre le clocher
le dos tourné
aux tombes
rien n’empêche
quand le ciel bascule
sur ses gonds, d’accrocher
ensemble des bouts de vies
mortes à chaque mort
laissé en chemin
*
Au premier sac du matin
l’irruption de l’âge
veille
l’être nu enfonce
dans une terre livrée
aux eaux empoisonnées,
au vent léchant sur la planète
l’odeur délétère
l’en avant du cerveau
vers l’abrupt
n’empêche plus de voir
aux bornes de l’horizon
gercer les fissures
la vie simple
se retourne
sur son lit de pierres
sans fin rôde autour
de la tache aveugle.
In, Revue « Argile, N°1, Hiver 1973 -1974 »
Maeght Éditeur,1973
Du même auteur :
« Morceau... » (07/03/2020)
mains passives, nagez (07/03/2022)