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Le bar à poèmes
9 mars 2022

Claude Roy (1915 – 1997) : La Poursuivie

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La Poursuivie

 

Je te poursuis encore sur le versant des songes

mais tu glisses de moi comme sable en la main

et comme un coquillage invente son mensonge

la courbe de ton corps esquive ton dessein

 

Je te traque et tu fuis Je te perds et tu plonges

Les forêts des grands fonds ont d’étranges détours

Je marche sur la mer et mon ombre s’allonge

sous le soleil obscur et dans l’ombre des tours

 

Aux plages de fraîcheur que déroule le lit

la trace de nos corps s’efface avec le jour

Le lit s’enfle et se gonfle aux brises de la nuit

Tristan la voile est noire et tu mourras d’amour

 

Tristan la voile est noire Iseult ne t’aime plus

La Belle au Bois s’endort du sommeil de l’hiver

Mourir ou bien dormir le flux et le reflux

me ramènent toujours aux lieux où j’ai souffert

 

Mais que le chant du coq à l’aube revenue

Mais qu’un rai de soleil qu’un pigeon qu’un appel

que le matin léger me rendent l’enfant nue

me voici de nouveau le complice du ciel

 

Sur son front la couronne invisible des Sœurs

Tristan la voile est blanche au flot des nébuleuses

 

Au sommeil de la nuit

Editions Gallimard, 1970

Du même auteur :

« Jamais jamais je ne pourrai... » (26/12/2018)

« A la lisière du temps » (26/12/2019)

Soleil et vent (21/03/2023)

Tant (21/03/2024)

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