Tannhäuser (vers 1220 - 1266) : « L’hiver est fini... » / « Der winter ist zergangen... »
18.II
L’hiver est fini,
cela, je le vois à la lande.
J’y suis allé me promener.
Ce me fut un régal des yeux.
Qui vit si beau tapis
de fleurs magnifiques ?
J’en cueillis quelques-unes pour m’en faire une couronne,
que je portai avec joie aux dames qui dansaient.
Qui veut être d’humeur joyeuse, doit tenter sa chance !
On trouve là violette et trèfle,
jeune pousses, germandrées,
nobles narcisses ;
je trouvai là des jonquilles, des lis et des roses.
Là avec ma dame je souhaitai deviser.
Elle me fit l’honneur
de m’accepter comme son doux ami
qui devait la servir en ce mois de mai ;
c’est pour elle que cet air de danse je veux fredonner.
Une forêt se trouvait tout près,
J’y courus.
Là j’entendis les oiseaux
aimablement m’accueillir.
Béni soit un tel salut !
Le rossignol j’y entendis chanter
et gringotter délicieusement.
Je ne pus m’empêcher de parler
au gré de mon humeur :
j’avais le cœur léger.
Je vis là une rivière :
par une forêt coulait un ruisseau
traversant une clairière en aval.
Je le suivis jusqu’au moment où j’aperçus la belle créature :
près de la fontaine était assise la radieuse, la douce beauté.
Ses yeux sont clairs et joliment dessinés,
elle n’était pas trop hardie dans ses propos,
on pouvait bien l’aimer ;
sa bouche est rouge, sa gorge éclatante.
Ses blonds cheveux bouclés, pas trop longs
avaient l’aspect de la soie.
Même si je devais être étendu mort à ses pieds, je ne pourrai renoncer à elle.
Eblouissant comme l’hermine
étaient ses bras menus.
Elle était mince de sa personne,
bien faite de partout.
Ici quelque peu plantureuse,
ailleurs de forme délicate.
Rien en elle n’a été omis :
cuisses douces, jambes droites, pieds joliment modelés ;
Je ne vis jamais plus belle silhouette, pour ensorceler mon cœur.
En elle tout est perfection.
Lorsque je vis la noble dame pour la première fois, je devins très éloquent.
Je devins gai
et lui dis :
« Ma souveraine,
je suis tien, tu es mienne,
Puissions-nous toujours rivaliser d’ardeur !
Tu es pour moi supérieure à toutes les autres femmes.
Toujours dans mon cœur tu dois me plaire.
Partout où l’on compare entre elles les nobles dames, je rendrai témoignage
à ta beauté et à tes hautes qualités ;
tu crées dans tous les pays joie et noble allégresse de l’âme. »
je dis à l’aimable créature :
« Dieu et nul autre
te garde ! »
Sa réponse fut simplement charmante.
Je m’inclinai alors devant la belle.
Son salut
me combla de joie.
Elle me pria de lui chanter
les branches du tilleul
et la splendeur du printemps.
Là où se trouvait la Table ronde,
là où nous étions si bien,
il y avait du feuillage et au-dessous de l’herbe.
Elle sut se comporter de manière charmante.
Il n’y avait là personne d’autre
que nous deux là-bas dans un champ de trèfle.
Elle fit ce qu’elle devais faire
et accomplit ce que je voulus.
Je lui fis mal de douce manière.
Je désire que cela puisse se reproduire.
Le rire lui allait si bien.
Alors nous nous livrâmes tous deux à un jeu plaisant :
Cela arriva par amour et pour d’autres choses singulières.
D’amour je lui parlai,
elle me rendit d’agréable manière.
Elle dit qu’elle aimerait
que je lui fisse ce qu’on fait aux dames là-bas à Palerme
Ce qu’il advint là, j’y pense encore :
mon amante elle devint et moi son amant.
Quelle aventure !
Il s’estime à jamais bienheureux celui qui la voit,
car on ne peut dire d’elle que le plus grand bien ;
elle est si ravissante.
Là-bas dans la clairière nous nous permîmes de faire tout ce que nous voulions.
S’il en est quelqu’un qui a encore meilleure fortune,
je n’ai rien contre.
Elle était transportée d’une telle ardeur
que j’en perdis le sens
(Dieu la récompense pour tous ces bienfaits !)
tant mon amour pour elle me ravit la raison.
Que me fait-elle ?
Rien que du bien. C’est d’elle
que je reçois la joie de vivre.
Je ne l’oublierai jamais.
Allons, allons, Adelhaide !
Réjouis-toi avec moi !
Allons, allons, Irmgard !
Viens de nouveau avec nous.
Celle qui ne danse pas est enceinte.
Tous ceux qui sont ici sont heureux.
Là-bas j’entends les flûtes commencer de jouer,
ici j’entends battre le tambourin.
Qui avec nous cette ronde
Veut chanter et danser,
Celui-là doit réussir
tout ce qu’il désire !
Où sont à présent les jeunes filles,
pour ne point être ici avec nous ?
Louée soit ma Cunégonde !
Si seulement je pouvais baiser mille fois
sa bouche rose,
elle dont l’amour m’a blessé jusques au fond de mon cœur,
je serais guéri à jamais.
Mon cœur est brisé.
Heia hei !
La corde du violoneux
s’est brisée.
Traduit du moyen-haut allemand par
Danielle Buschinger, Marie-Renée Diot et Wolfgang Spiewok
In, « Poésie d’amour du Moyen Age allemand »
Union Générale d’Editions (10/18), 1993
18.II
1. Der winter ist zergangen.
daz prüeve ich uf der heide ;
aldar kam ich gegangen.
guot wart min ougenweide
2. Von den bluomen wolgetan.
wer sach ie so schoenen plan ?
der brach ich zeinem kranze.
den truoc ich mit tschoie zuo den frouwen an dem tanze.
well ieman werden hochgemuot, der hebe sich uf die schanze !
3. Da stet viol unde kle,
sumerlaten, gamandre,
die werden zitelosen ;
ostergloien vant ich da. die liljen und die rosen.
do wunschte ich, daz ich sant miner frouwen solde kosen.
4. Si gap mir an ir den pris.
daz ich waere ir dulz amis
mit dienste disen meien :
durch si so wil ich reien.
5. Ein fores stuont da nahen.
aldar begunde ich gahen.
da horte ich mich enpfahen
die vogel also suoze.
so wol dem selben gruoze !
6. Ich hort da wol tschantieren,
die nachtegal toubieren.
alda muost ich parlieren
ze rehte, wie mir waere :
ich was an alle swaere.
7. Ein riviere ich da gesach :
durch den fores giene ein bach
ze tal übr ein planiure.
ich sleich ir nach, unz ich si vant, die schoenen creatiure :
bi dem fontane saz diu klare, süez von faitiure.
8. Ir ougen lieht und wolgestalt .
si was an sprüchen niht ze balt.
man mehte si wol liden ;
ir munt ist rot, ir kele ist blanc.
ir har reitval, ze maze lanc.
gevar alsam die siden.
solde ich vor ir ligen tot, in mehte ir niht vermiden.
9. Blanc alsam ein hermelin
waren ir diu ermelin.
ir persone diu was smal.
wol geschaffen überal :
10. Ein lützel grande was si da,
smal geschaffen anderswa.
an ir ist niht vergezzen :
lindiu diehel, slehtiu bein, ir füeze wol gemezzen ;
schoener forme ich nie gesach, diu min cor hat bezezzen ;
an ir ist elliu volle.
do ich die werden crest sach, do huop sich min parolle.
11. Ich wart fro
und sprach do :
« frouwe min.
ich bin din, du bist min,
der strit der müeze iemer sin !
du bist mir vor in allen.
iemer an dem herzen min muost du mir wol gevallen.
swa man frouwen prüeven sol, da muoz ich für dich schallen
an hübsch und ouch an güete :
du gist aller contrate mit tschoie ein hochgemuete. »
12. Ich sprach der minneclichen zuo :
« got und anders nieman tuo.
der dich behüeten müeze ! »
ir parol der was süeze.
13. Sa neic ich der schoenen do.
ich wart an minem libe fro
da von ir saluieren.
si bat mich ir tschantieren
von der linden esten
und von des meien glesten.
14. Da diu tavelrunde was,
da wir do schone waren,
daz was loup, da under gras,
si kunde wol gebaren.
15. Da was niht massenie me
wan wir zwei dort in einem kle.
si leiste, daz si solde.
und tet, daz ich da wolde.
16. Ich tet ir vil sanfte we.
ich wünsche, daz ez noch erge.
ir zimet wol daz lachen.
do begunden wir do beide ein gemellichez machen :
daz geschach von liebe und ouch von wunderlichen sachen.
17. Von amure seit ich ir.
daz vergalt si dulze mir.
si jach, si lite ez gerne.
daz ich ir taete, als man den frouwen tuot dort in Palerne.
18. Daz da geschach, da denke ich an :
si wart min trut ich ir man.
wol mich der aventiure !
erst iemer saelic, der si sih.
sit daz man ir des besten giht ;
si ist also gehiure.
elliu granze da geschach von uns der planiure.
19. Ist iemen, dem gelinge baz.
daz laze ich iemer ane haz.
si was so hohes muotes.
daz ich vergaz der sinne.
got lone ir alles guotes !
so twinget mich ir minne.
20. Was ist daz, daz si mir tuot ?
allez guot, hohen muot
habe ich von ir iemer.
in vergizze ir niemer.
21. Wol uf, wol uf. Adelheit !
du solt sant mir sin gemeit.
wol uf, wol uf. Irmengart !
du muost aber an die vart.
22. Diu niht enspringet, diu treit ein kint.
sich fröunt algemeine, die dir sint.
23. Dort hoer ich die flöuten wegen
hie hoer ich den sumber regen.
der uns helfe singen.
disen reien springen.
dem müeze wol gelingen
zallen sinen dingen !
24. Wa sint nu diu jugen kint,
daz si bi uns niht ensint ?
25. So saelic si, min Künigunt !
solt ich si küssen tusentstunt
an ir vil rosevarwen munt.
so waere ich iemer me gesunt.
diu mir daz herze hat verwunt
vaste unz der minne grunt.
26. Dáz ist enzweí.
heía nu heí !
27. Des videleaeres seíte
dér ist enzweí.
Des Minnesangs Frühling.I
Nouvelle édition revue par H.Moser et H. Tervooren.
37ème édition, Stuggart, 1982
Poème précédent en moyen haut-allemand :
Walther von Der Vogelweide: « Sous le tilleul... » / « Under der linden... » 05/09/2021)
Poème suivant en moyen haut-allemand :
Heinrich Von Morungen: « Je crois qu’il n’y a personne... » / « Ich waene, nieman lebe... » (11/04/2022)