Alfonso Gatto (1909 – 1976) : Pour les martyrs de la Place Loreto / Per i martiri di Piazzale Loreto
Pour les martyrs de la Place Loreto (*)
Vint l’aube, puis tout fut en arrêt :
la ville, le ciel, le souffle du jour.
Les bourreaux seuls restèrent
vivants devant les morts.
Silence était le cri du matin,
silence le ciel blessé,
silence des maisons, silence de Milan.
Restèrent souillés même de soleil,
tachés de lumière et odieux l’un à l’autre
les assassins vendus à la peur.
C’était l’aube et là où régna le travail,
la où la Place symbolisait la joie enflammée
de la ville émigrant soir après soir
vers ses lumières ; là où le grincement même
des trams était salut au jour, au frais
visage des vivants, ils voulurent le massacre
pour que Milan réunit à son seuil
- mêlés dans le même sang –
ses enfants de l’avenir et son vieux cœur
généreux et exalté, serré comme un poing.
Je liai mon cœur et le vôtre,
celui de ma Mère et de mes enfants,
celui de tous les vivants tués en un instant
à cause de ces morts exposés tout au long du jour
à la lumière de l’été, à un ouragan
de nuages de feu. J’attendis le mal
comme un éclair fulgurant, comme le flot
bouillonnant de victoire ; j’entendis le tonnerre
d’un peuple réveillé de ses tombes.
J’ai vu le jour nouveau où, à Loreto,
les morts monteront les premiers
sur la barricade, rouge, en salopette,
la poitrine à nu, encor vibrants,
de sang et d’arguments. Et chaque jour,
chaque heure brûle à jamais à ce feu ;
chaque aube a le cœur offensé par ce plomb
qui foudroya des innocents au mur.
(*) Le 10 août 1944, 15 otages furent fusillés à Milan en représailles d’un attentat
à la bombe contre une auto allemande.
Traduit de l’italien par Geneviève Burckhardt
in, « Italie poétique contemporaine »
Editions du dauphin, 1968
Du même auteur :
A mon père / A mio padre (27/08/2017)
Mots / Parole (27/08/2018)
« Les soirs reviendront... / « Torneranno le sere ... » (27/08/2019)
Et tu m’écouteras / E tu m'ascolterai (27/08/2020)
Elégie nocturne / Elegia notturna (31/07/2022)
Cendres / Cenere (31/07/2023)
Per i martiri di Piazzale Loreto
Ed era l’alba, poi tutto fu fermo
la città, il cielo, il fiato del giorno.
Restarono i carnefici soltanto
vivi davanti ai morti.
Era silenzio l’urlo del mattino,
silenzio il cielo ferito :
un silenzio di case, di Milano.
Restarono bruttati anche di sole,
sporchi di luce e l’uno all’altro odiosi,
gli assassini venduti alla paura.
Era l’alba, e dove fu lavoro,
ove il Piazzale era la gioia accesa
della città migrante alle sue luci
da sera a sera, ove lo stesso strido
dei tram era saluto al giorno, al fresco
viso dei vivi, vollero il massacro
perché Milano avesse alla sua soglia
confusi tutti in uno stesso sangue
i suoi figli promessi e il vecchio cuore
forte e ridesto stretto come un pugno.
Ebbi il mio cuore ed anche il vostro cuore,
il cuore di mia madre e dei miei figli
di tutti i vivi uccisi in un istante
per quei morti mostrati lungo il giorno
alla luce d’estate, a un temporale
di nuvole roventi. Attesi il male
come un fuoco fulmineo, come l’acqua
scrosciante di vittoria, udii il tuono
d’un popolo ridesto dalle tombe.
Io vidi il nuovo giorno che a Loreto
sovra la rossa barricata i morti
saliranno per i primi, ancora in tuta
e col petto discinto, ancora vivi
di sangue e di ragioni. Ed ogni giorno,
ogni ora eterna brucia a questo fuoco,
ogni alba ha il petto offeso da quel piombo
degli innocenti fulminati al muro.
Il capo sulla neve. Liriche della resistenza
Milano, 1947
Poème précédent en italien :
Dino Campana (1885 – 1932) : La baie vitrée / L’invetriata (20/08/2021)
Poème suivant en italien :
Antonella Anedda: « Pour la nuit qui tombe trop tard... » / « Per la notte che cade troppo tardi... » (30/08/2021)