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Le bar à poèmes
7 juin 2021

James Sacré (1939 -) : Paysage au fusil (coeur) une fontaine) (IV)

jams[1]

 

Paysage au fusil (cœur) une fontaine

 

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LA SIESTE A L’EBAUPINAIE

 

Le moment de la sieste en été le présent des grands arbres

Le voilà dans ce poème et le reste oublié ils sont au loin

Dans ce poème une présence balancée des branches le bleu

Les nourrit leur est une fontaine d’été les yeux

Qui dorment le vent loin composent un lieu vide

Le voilà dans ce poème je l’oubliais comment reconnaître le bleu

D’un lieu auquel je pense ici présence de l’été les arbres.

 

Il y a comme une profondeur du pré l’herbe

Et la solitude à midi derrière le hangar et les arbres

Rien d’autre avec le temps comme tissé dans le silence et

Dans ce lieu donné je ne pensais pas

A tel poème d’aujourd’hui pourtant comment savoir

Un visage et la couleur bleue portaient ces mots

Je les dis il y a comme

Une profondeur de la page un poème et la solitude

Rien d’autre avec le temps comme tissé dans le silence

 

Le temps presque posé sur les toits le vent loin

Seul convient le ton de l’élégie la figure d’un cœur

Heureux parmi les animaux les prairies rondes

Pour construire un poème qui parlerait peut-être

De la sieste en ce village (ou fontaine à midi) le temps

Presque posé sur les toits le vent loin.

 

MORCEAUX D’OISEAUX QUI SONT DANS LE POEME ABANDONNE 

 

L’aile tendue l’oiseau (quel oiseau sans nom ?)

allongé montre (rémiges rectrices

rêches contre la tuile) au bord

des toits le bleu dans le vent du ciel

et des grands arbres sans couleur (mouvement cri)

puis le rouge abandonné les tuiles

dans un peu d’ombre au loin

l’oiseau allongé plane où les arbres sont des feuillages vrais.

 

                Poète calcaire roche

tendre ça se voit à des élé

gances de langage à ma cult

ure en miettes jetées ramassées ra

massis de deux ou trois noms

d’écrivains la vie me fout le

nez dans la merde et la pâle lavande

je n’y comprends pas toujours

quoi mais j’aime toujours les

murs éboulés les coins secs pour chier.

 

Un oiseau n’est rien que

le bruit d’un mot  (perdrix caille)

il s’envole et montre des luzernes

un buisson des parcours familiers mais

silence après quand rien

que le bruit d’un mot (pluvier courlis)

il s’envole et montre des poèmes

un parcours un papier familier

mais le bruit d’un oiseau qui ?

 

FONTAINE DANS L’AMERIQUE EN ETE

 

Poème longtemps parole en été les arbres longtemps

Je vois la fontaine où le temps meurt et le bleu

De l’été paraît par-dessus les buissons quel visage

Est tellement près comme un espace ramassé grand

Je l’aime il n’y a rien visage le bleu est grand.

 

Fontaine elle est dans l’été pelouse en Amérique

Avec des arbres grands les maisons couleurs

Elle est le temps percé dans la lumière une musique

En jazz et l’autoroute s’en va dans l’ouest

Avec le vent pelouse oubliée fontaine un

Le bonheur dit-il parole pour rien l’inépuisable

Avec les grands arbres l’Amérique inépuisable en été.

 

Bas-Poitou dans l’Amérique en été l’Ebaupinaie

Partout fontaine avec des mots des oiseaux

Ils disparaissent poème et fusil paumés dans

L’avenir en désordre et pelouse ou jardin avec

Le nom de Malherbe en Amérique et la lumière

Fontaine solitude avec les arbres grands le silence

Inépuisable en été. Mais les buissons mais les visages que j’aime.

 

     (Tourterelle un cœur d’été l’entend dans les prés il fallait quitter les chemins

pour l’herbe et le bleu du ciel son bruit de cœur et de plume a montré les arbres

dans l’infini silence de la saison il a semblé que ce bonheur (ou quoi perçu)

serait désormais le rouge et l’oubli de soi qui peuvent envahir les joues.)

 

     (Tourterelle un cœur d’été l’entend dans les prés il fallait quitter les chemins

pour l’herbe et le bleu du ciel son bruit de cœur et de plume montre les arbres

dans l’infini silence de la saison il a semblé que ce bonheur (merveille insignifiance

perçue) serait désormais le rouge (et la présence) qui peuvent envahir les joues.)

 

     C’est pourtant j’y entends dans le fond d’une courte plaine quelques rangs

de vigne les brugnons mûrir quand même un paysage vrai pour quoi voilà ce

désordre et je le veux serré mais lumière que j’essaie de vous dire où regains

secs et des buisons une caille chante mon cœur est un fusil qui l’aime.

 

 

Paysage au fusil (coeur) une fontaine

In, « Cahiers de poésie, 2 »

Editions Gallimard, 1976

 

Du même auteur :

Trois figures qui bougent un peu (19/03/2015)

Presque rien à Sidi Slimane, le temps qui vient (07/06/2018)

Paysage au fusil (coeur) une fontaine) (I) (07/06/2019)

Paysage au fusil (coeur) une fontaine) (II) (02/12/2019)

Paysage au fusil (coeur) une fontaine) (III) (07/06/2020)

« Parfois l’âne arrive... » (07/06/2022)

Deux rushes de quinze vers chacun (07/06/2023)

Le mot folie n’est qu’un mot, dans le poème (07/06/2024) 

 

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