James Sacré (1939 -) : Paysage au fusil (coeur) une fontaine) (IV)
Paysage au fusil (cœur) une fontaine
....................................................................................................
LA SIESTE A L’EBAUPINAIE
Le moment de la sieste en été le présent des grands arbres
Le voilà dans ce poème et le reste oublié ils sont au loin
Dans ce poème une présence balancée des branches le bleu
Les nourrit leur est une fontaine d’été les yeux
Qui dorment le vent loin composent un lieu vide
Le voilà dans ce poème je l’oubliais comment reconnaître le bleu
D’un lieu auquel je pense ici présence de l’été les arbres.
Il y a comme une profondeur du pré l’herbe
Et la solitude à midi derrière le hangar et les arbres
Rien d’autre avec le temps comme tissé dans le silence et
Dans ce lieu donné je ne pensais pas
A tel poème d’aujourd’hui pourtant comment savoir
Un visage et la couleur bleue portaient ces mots
Je les dis il y a comme
Une profondeur de la page un poème et la solitude
Rien d’autre avec le temps comme tissé dans le silence
Le temps presque posé sur les toits le vent loin
Seul convient le ton de l’élégie la figure d’un cœur
Heureux parmi les animaux les prairies rondes
Pour construire un poème qui parlerait peut-être
De la sieste en ce village (ou fontaine à midi) le temps
Presque posé sur les toits le vent loin.
MORCEAUX D’OISEAUX QUI SONT DANS LE POEME ABANDONNE
L’aile tendue l’oiseau (quel oiseau sans nom ?)
allongé montre (rémiges rectrices
rêches contre la tuile) au bord
des toits le bleu dans le vent du ciel
et des grands arbres sans couleur (mouvement cri)
puis le rouge abandonné les tuiles
dans un peu d’ombre au loin
l’oiseau allongé plane où les arbres sont des feuillages vrais.
Poète calcaire roche
tendre ça se voit à des élé
gances de langage à ma cult
ure en miettes jetées ramassées ra
massis de deux ou trois noms
d’écrivains la vie me fout le
nez dans la merde et la pâle lavande
je n’y comprends pas toujours
quoi mais j’aime toujours les
murs éboulés les coins secs pour chier.
Un oiseau n’est rien que
le bruit d’un mot (perdrix caille)
il s’envole et montre des luzernes
un buisson des parcours familiers mais
silence après quand rien
que le bruit d’un mot (pluvier courlis)
il s’envole et montre des poèmes
un parcours un papier familier
mais le bruit d’un oiseau qui ?
FONTAINE DANS L’AMERIQUE EN ETE
Poème longtemps parole en été les arbres longtemps
Je vois la fontaine où le temps meurt et le bleu
De l’été paraît par-dessus les buissons quel visage
Est tellement près comme un espace ramassé grand
Je l’aime il n’y a rien visage le bleu est grand.
Fontaine elle est dans l’été pelouse en Amérique
Avec des arbres grands les maisons couleurs
Elle est le temps percé dans la lumière une musique
En jazz et l’autoroute s’en va dans l’ouest
Avec le vent pelouse oubliée fontaine un
Le bonheur dit-il parole pour rien l’inépuisable
Avec les grands arbres l’Amérique inépuisable en été.
Bas-Poitou dans l’Amérique en été l’Ebaupinaie
Partout fontaine avec des mots des oiseaux
Ils disparaissent poème et fusil paumés dans
L’avenir en désordre et pelouse ou jardin avec
Le nom de Malherbe en Amérique et la lumière
Fontaine solitude avec les arbres grands le silence
Inépuisable en été. Mais les buissons mais les visages que j’aime.
(Tourterelle un cœur d’été l’entend dans les prés il fallait quitter les chemins
pour l’herbe et le bleu du ciel son bruit de cœur et de plume a montré les arbres
dans l’infini silence de la saison il a semblé que ce bonheur (ou quoi perçu)
serait désormais le rouge et l’oubli de soi qui peuvent envahir les joues.)
(Tourterelle un cœur d’été l’entend dans les prés il fallait quitter les chemins
pour l’herbe et le bleu du ciel son bruit de cœur et de plume montre les arbres
dans l’infini silence de la saison il a semblé que ce bonheur (merveille insignifiance
perçue) serait désormais le rouge (et la présence) qui peuvent envahir les joues.)
C’est pourtant j’y entends dans le fond d’une courte plaine quelques rangs
de vigne les brugnons mûrir quand même un paysage vrai pour quoi voilà ce
désordre et je le veux serré mais lumière que j’essaie de vous dire où regains
secs et des buisons une caille chante mon cœur est un fusil qui l’aime.
Paysage au fusil (coeur) une fontaine
In, « Cahiers de poésie, 2 »
Editions Gallimard, 1976
Du même auteur :
Trois figures qui bougent un peu (19/03/2015)
Presque rien à Sidi Slimane, le temps qui vient (07/06/2018)
Paysage au fusil (coeur) une fontaine) (I) (07/06/2019)
Paysage au fusil (coeur) une fontaine) (II) (02/12/2019)
Paysage au fusil (coeur) une fontaine) (III) (07/06/2020)
« Parfois l’âne arrive... » (07/06/2022)
Deux rushes de quinze vers chacun (07/06/2023)
Le mot folie n’est qu’un mot, dans le poème (07/06/2024)