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Le bar à poèmes
15 avril 2021

Salvatore Quasimodo (1901 – 1968) : Vent à Tyndaris / Vento a Tindari

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Vent à Tyndaris

 

Tyndaris, tu n’es que tendresse,

Je le sais, parmi tes larges côteaux,

Toi, suspendu sur la mer

Baignant les douces îles du dieu,

Tu fonds sur moi aujourd’hui

Et te penches dans mon cœur.

 

J’escalade des pics vertigineux, des abîmes,

Et le vent dans les pins me ravit,

Et ma bande qui m’accompagne en douceur

S’éloigne dans les airs,

Vagues de sons et d’amour.

 

Et tu me prends,

Toi dont je me suis mal dépris

Et mes peurs d’ombres et de silences,

Mes havres de douceurs jadis fréquentes

Et la mort dans l’âme.

 

Toi, tu ignores la terre :

Où chaque jour, je sombre,

Où je nourris des syllabes en secret ;

C’est une autre lumière qui t’effeuille

Sur les vitres dans la nuit qui t’habille,

Et dans ton giron se repose une joie

Qui ne m’appartient pas.

 

Mon exil est cruel

Et ma quête d’harmonie,

Autrefois enclose en toi,

Se transforme aujourd’hui

En une précoce angoisse de mourir ;

Et tout amour fait écran à ma tristesse.

Je passe en silence dans ce noir

Où tu m’as mis

Pour y rompre mon pain amer.

 

Revoilà Tyndaris serein ;

Un doux ami m’éveille

Pour me pousser du bord d’un rocher vers le ciel ;

Et moi, je fais mine d’avoir peur

Devant celui qui ignore

Que c’est un vent profond qui m’a cherché.

 

Traduit de l’italien par Sicca Vernier

in, « Poètes d’Italie. Anthologie, des origines à nos jours »

Editions de la Table Ronde, 1999

 

Vent à Tyndare

 

Tyndare, je te sais douce

entre les vastes collines, suspendues sur les eaux

des îles calmes d’Eole,

aujourd’hui, tu m’assailles

et te penches vers mon cœur.

 

Je gravis des sommets aériens, des précipices,

accaparé par le vent des pins,

et la bande, légère, d’amis qui m’accompagne

s’éloigne dans l’air,

onde de sons et amour,

et tu m’enlèves

à ce que je fuyais mal,

frayeurs de l’ombre et du silence,

refuges de douceurs autrefois familières

et mort de l’âme.

 

La terre te reste inconnue

où chaque jour je m’enfonce

et nourris des syllabes secrètes :

une autre lumière t’effeuille sur les vitres

en ta robe nocturne,

et une joie qui n’est pas mienne repose

sur ta poitrine.

 

Âpre est l’exil,

et ma quête enclose en toi

d’harmonie, se mue aujourd’hui

en angoisse précoce de mourir ;

tout amour fait écran à la tristesse

marche muette dans le noir

où tu m’as laissé, pour le rompre,

un pain amer.

 

Tyndare retrouve sa quiétude ;

un doux ami me réveille,

qu’il me précipite dans l’espace depuis un rocher

et moi je feins la terreur pour qui ne sait

quel vent profond est venu me chercher.

 

 

Traduit de l'italien par Roland Ladrière

in, Salvatore Quasimodo : "Oeuvres poétiques"

Editions de Corlevour, 92110 Clichy,2021

Du même auteur :

Et c’est bientôt le soir / Ed è subito sera (01/11/2014)

J'entends encore la mer / S’ode ancora il mare (15/04/2018)

Devant le gisant d’Ilaria del Carretto / Davanti al simulacro d’Ilaria Del Carretto (15/04/2019)

Anno Domini MCMXLVII (15/04/2020)

Temple de Zeus à Agrigente / Tempio di Zeus Ad Agrigento 15/04/2022)

La pie noire rit sur les orangers / Ride la gazza, nera sugli aranci. (06/10/2022) 

Les retours / I Ritorni (15/04/2023)

Glendalough (06/10/2023)

: Ô mes doux animaux / O miei dolci animali (15/04/2024)

Dialogue / Dialogo (06/10/2024)

 

Vento a Tindari

 

Tindari, mite ti so

fra larghi colli pensile sull’acque

delle isole dolci del dio,

oggi m’assali

e ti chini in cuore.

 

Salgo vertici aerei precipizi,

assorto al vento dei pini,

e la brigata che lieve m’accompagna

s’allontana nell’aria,

onda di suoni e amore,


e tu mi prendi

da cui male mi trassi

e paure d’ombre e di silenzi,

rifugi di dolcezze un tempo assidue

e morte d’anima.

 

A te ignota è la terra

Ove ogni giorno affondo

E segrete sillabe nutro:

altra luce ti sfoglia sopra i vetri

nella veste notturna,

e gioia non mia riposa

sul tuo grembo.

 

Aspro è l’esilio,

e la ricerca che chiudevo in te

d’armonia oggi si muta

in ansia precoce di morire;

e ogni amore è schermo alla tristezza,

tacito passo al buio

dove mi hai posto

amaro pane a rompere.

 

Tindari serena torna ;

soave amico mi desta

che mi sporga nel cielo da una rupe

e io fingo timore a chi non sa

che vento profondo m’ha cercato.

 

Acque e terre

Edizioni di Solaria, Firenze (Italia,)1930

Poème précédent en italien :

Dino Camapana : L’espérance (sur le torrent nocturne) /La speranza (sul torrente notturno) (01/02/2021)

Poème suivant en italien :

Cesare Pavese : Eté – Eté 1 / Estate – Estate I (18/04/2021)

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