André Markowicz (1960 -) : « Laisse ton adresse... »
Laisse ton adresse, dit en rêve,
dans le train de nuit où tu somnoles,
l’ombre qui se fond, tournant le buste
en parlant, si bien que ce qui sonne
te parvient issu non de sa bouche
mais du glissement de son absence
vers une autre image et si, le pauvre,
tu te dis qu’il s’est ouvert les veines
loin, en Italie, sans que tu saches
ni pourquoi ni quand, par la brûlure
que tu sens soudain au poignet gauche,
outre la douleur fantôme, reste
cette voix autour lointaine et proche
qui te sort déjà d’une autre scène,
de miroitements sur l’eau dormante
vert-de-gris opaque, jaune et rouge,
sur lesquels la barque oscille et berce,
et, dans le halo des deux images
qui se superposent, tu n’existes,
en ouvrant les yeux une seconde
pour les refermer et voir si quelque
bribe permettrait de vivre encore
avec elle quand tu te réveilles,
plus que pour te voir en réceptacle
de son geste, te parler, la tête
vers l’arrière, pas vers toi, - un timbre
grave et de fausset ensemble,
comme à portée des mains, qui se dissipe
dès que tu l’entends – et quelle adresse
lui laisserais-tu qu’il n’ait déjà ?
17 nov. 14
Revue « Babel heureuse N° 3, printemps 2018 »
Gwen Catalá, éditeur, 31000 Toulouse
Du même auteur :
Trois aubes (19/03/2019)
Trois textes d’un été (19/03/2020)
« Une chute lente... » (18/03/2022)
« Un sommeil haché... » (19/03/2023)
« Car le visage est... » (19/03/2024)