François Rannou (1963 -) : Dévié par le vent (Paul Celan)
Dévié par le vent (Paul Celan)
à Guennadi Aïgui
s’il faut maintenant construire
un mot double ce
serait le dernier
feu dans la
neige rabâchée
mottes retournées terre mélangée à
l’herbe dans la neige qui
n’est plus que
l’aneige
froid aveugle sans
douleur c’est alors
que nous allions nous courber
l’illumination simple de l’armoise : les mots
passé de toi à
moi à travers les
rides te ton visage
il a jailli sous la taie de mes
yeux glacés, mère, il
se superpose au
mien
il se reflète dans la
paume de
mon aimée, toujours recherché, de
paume en paume, comme
ce mot
double
qui brûle et m’oblige
à traduire le feu
dans le feu, ma langue
dans cette langue nôtre malgré –
tête bêche
nous regardons les
nuages et le
vent toujours plus haut
In, revue « Babel heureuse N°4, automne 2008 »
Gwen Catalá, éditeur, 31000 Toulouse