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Le bar à poèmes
21 février 2021

Inger Christensen (1935 – 2009) : Lumière

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Lumière

 

I

Je reconnais là

une clairière dans la langue

les mots refermés

sont là pour être aimés

pour être répétés jusqu’au simple

Un cygne replié

sur un œuf

est encore en nous

un écho de création

Et le cygne enlève

ton œil vers le soleil

encore une fois

présage d’un miracle

 

On peut dans le mot

reconnaître la lumière

acte incroyable

de l’homme à la femme

Un mot qui change

ton âme en cygne :

juste asse simple

pour former un œuf.

La langue qui se replie

dans l’œuf,

ses ailes portent

de la naissance à la lumière

Et le soleil est là pour être aimé.

 

II

Je pense un soleil

un cygne, une démence

une matière qui luit

sans matière

et balance indéfiniment

la lanterne du hasard

Une lumière est

un miracle si corporel

quand l’éternité se condense

approche

et ne tue pas

 

Je pense un masque

de soleil marbré

un costume de plumes raides

et de matière grise

Que la mort soit si froide

Je pense un miracle

le cœur est une lanterne

que le hasard balance

entre ce moi

et rien

dans la démence de la lumière

 

III

Je pense une lumière

le soleil est plus fort

lucide je comprends

la chute des corps

des flocons de lumière

tournoient sur eux-mêmes

 

Je pense une promesse

pareille à la pureté

la lumière nous a donné

des ailes plus fortes

qu’au soleil dans l’espace

pour le fait de mourir

 

A part ça rien, le corps

à peine éclairé

par sa promesse diffuse

jamais le moindre mur

et seule chose durable :

je pense une lumière

 

IV

Croître est une chose

de même nature

Je pense un arbre

un oiseau, une image

traversant toutes limites

des ailes écrivent

la croissance du rêve

Où tu es tombé

Le sommeil a d’autres gouffres

il délie les vents

du déjà délié

 

Je pense un chagrin

où il est tombé

l’oiseau encore

a suspendu un nid

aussi grand que le ciel

et mon âme l’habite

Croître est une chose

peut-être la même

qu’habiter le rêve

Aucun chagrin n’empêche

l’oiseau et l’image

 

V

Répète pour moi

ceci suffit

ceci est la lumière

fumante du corps

ceci est maintenant

 

La poussière n’a aucun

écho désespérant

notre seule vie

est la rose de vie

que nous aimons

 

Répète le mon amour

la lanterne que tu balances

autour de moi sans bruit

c’est une fois encore

un enfant qui commence

 

Traduit du danois par Janine et Karl Poulsen

in, « Lumière »

Les cahiers de Royaumont,1989

De la même autrice :

Il (21/02/2022)

Le for intérieur (21/02/2023)

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