Eugenio Montale (1896 – 1981) : Bateaux sur la Marne / Bache sulla Marna
Bateaux sur la Marne
Bonheur du liège abandonné au flot
Du courant
Qui se détrempe autour de ces ponts renversés
Et de la pâle pleine lune par le soleil :
Bateaux sur la rivière, argiles dans l’été
Et là un croupissant murmure de cités.
Suis de rames le pré si tu vois le chasseur
De papillons venir porteur de son filet,
La tremblaie sur la muraille où c’est un sang
De dragon qui se redit dans le cinabre.
Voix sur le fleuve et vous éclats des rives
Ou rythmique scandement de la pirogue
A l’heure qui s’écoule vespérale
Parmi les feuilles des noyers,
Mais où est des saisons la procession lente
Qui fut une aube infinie et sans routes,
Où est la longue attente et quel sera le nom
Du vide qui nous envahit ?
Le songe le voici :
Un vaste interminable jour et qui refond
Entre les berges immobiles, sa lueur
Et à chaque tournant le bon labeur de l’homme,
Le lendemain voilé qui ne fait point horreur.
Et autre encore était le songe, et son reflet
Solide sur les eaux en fuite et sous le gîte
De la penduline en l’air inaccessible,
C’était le très grand silence dans le cri
Unanime dans l’après-midi et un matin
Plus long devenu soir et un très grand ferment
Devenu grand repos.
Et ici... la couleur
Qui résiste est d’un rat sauteur parmi les joncs
Où dans l’arrosement du métal venimeux
L’étourneau aux fumées des rives.
Un autre jour,
Disais-tu – ou que disais-tu ? Vers quelle course
Va cette bouche pullulante et qui jaillit
Unique ?
C’est le soir. Maintenant nous pouvons
Descendre jusqu’à l’heure où s’allumera l’Ourse.
Traduit de l’italien par Pierre Jean Jouve
In, «Eugenio Montale, tradotto da Pierre Jean Jouve »
Scheiwiller-All'insegna del pesce d'oro, Milano, 1964
Du même auteur :
« A midi faire halte …/ « Merrigiare pallido… » (10/05/2016)
La bourrasque / La bufera (14/08/2019)
Correspondances (08/02/2021)
Le penser du prisonnier / Il sogno del prigionero (14/08/2021)
« Ne t’abrite pas à l’ombre... » / « Non rifugiarti nell'ombra... » 08/02/2022)
Midi / « Gloria del disteso mezzogiorno... » (14/08/2022)
« Côtes de Ligurie... » / « Riviere... » (08/02/2023)
« Ne nous demande pas le verbe... » / « Non chiederci la parola... » (13/08/2023)
Quatre poèmes / Quattro poesie (08/02/2024)
Sarcophage / Sarcofaghi (14/08/2024)
Barche sulla Marna
Felicità del sùghero abbandonato
alla corrente
che stempra attorno i ponti rovesciati
e il plenilunio pallido nel sole:
barche sul fiume, agili nell’estate
e un murmure stagnante di città.
Segui coi remi il prato se il cacciatore
di farfalle vi giunge con la sua rete,
l’alberaia sul muro dove il sangue
del drago si ripete nel cinabro.
Voci sul fiume, scoppi dalle rive,
o ritmico scandire di piroghe
nel vespero che cola
tra le chiome dei noci, ma dov’è
la lenta processione di stagioni
che fu un’alba infinita e senza strade,
dov’è la lunga attesa e qual è il nome
del vuoto che ci invade.
Il sogno è questo: un vasto,
interminato giorno che rifonde
tra gli argini, quasi immobile, il suo bagliore
e ad ogni svolta il buon lavoro dell’uomo,
il domani velato che non fa orrore.
E altro ancora era il sogno, ma il suo riflesso
fermo sull’acqua in fuga, sotto il nido
del pendolino, aereo e inaccessibile
era silenzio altissimo nel grido
concorde del meriggio ed un mattino
più lungo era la sera, il gran fermento
era grande riposo.
Qui... il colore
che resiste è del topo che ha saltato
tra i giunchi o col suo spruzzo di metallo
velenoso, lo storno che sparisce
tra i fumi della riva.
Un altro giorno,
ripeti – o che ripeti? E dove porta
questa bocca che brùlica in un getto
solo?
La sera è questa. Ora possiamo
scendere fino a che s’accenda l’Orsa
Poème précédent en italien :
Guido delle Colonne : « Amour, qui si longuement m’as mené... » / « Amor, che lungiamente m’hai menato... » (28/07/2020)
Poème suivant en italien :
Dino Campana : Bâtiment en voyage / Bastimento in viaggio (20/08/2020)