Jacques Gaucheron (1920 – 2009) : Comme
Comme
Il y aurait comme un paysage à n’en plus finir
Champs et prairies
Herbe sauvage et terre brunie
Il y aurait comme une rive
Et coulerait une rivière oisive
Avec de longues plantes longuement
Peignées par le courant
Dans la rivière il y aurait un ciel
Avec des désirs de nuages blancs
Et ce serait comme une fuite éperdue
Comme un glissement d’eaux fraîches
Il y aurait comme un paysage à n’en plus finir
Une montagne aux épaules blanches
Intangibles
Echancrure de l’infini
Limite d’un territoire solennel
Et puis tout se retournerait
Dans la courbure entiédie de la nuit
Il y aurait des plantes aquatiques
Dans le dévalement inverse des montagnes
Il n’y aurait plus ni haut ni bas
Ni dehors ni dedans
Et tout s’envolerait dans un tourbillon
Et tout se roulerait dans un déroulement
Comme vague à la mer
Déferlement de la lumière
dans un prisme de couleur
*
Un inconnu qui court la ville
Tous les loups de la nuit déchirent son regard
Passant presque invisible
Tous les masques lui vont
Il en perd la raison
C’est comme si la brume ou la pluie
S’habillait en femme nue
dans les vitrines de l’aube.
*
Cette eau qui fuit nos mains poreuses
Ces fleurs qui fanent sous nos doigts
Cette étoile qui fonce vers nulle part
Comme c’est toujours comme et nous
Nous écoulons entre nos rives.
A nous deux l’amour
Les Editeurs Français Réunis,1977