Giacomo Leopardi (1798 – 1837) : A soi-même / A se stesso
A se stesso
Or à jamais tu sommeilles,
si harassé, mon cœur. L’ultime mirage s’est éteint,
qui me faisait croire éternel. Mort. Je le sens bien,
même les rêves les plus chers,
y compris l’espoir, se sont fanés.
Repose pour toujours. Toi
qui a tant palpité. D’aucuns soupirs n’est digne
la terre, ni ne mérite tes ardeurs. Rien
qu’amertume
et ennui, la vie ; et le monde n’est que boue.
Sois en paix désormais. Désespère
en cet instant ultime. A notre espèce le sort
n’a offert que le mourir. Lors, méprise
qui tu es, et la nature et cette force brute
qui règne pour le malheur de l’homme,
et l’infini vanité du Tout.
Traduit de l’italien par Carolyne Cannella
in, revue « Babel Heureuse, N°1, mars 2017 »
Gwen Catalá éditeur, 31000 Toulouse, 2017
A soi-même
Or à jamais tu dormiras,
Cœur harassé. Mort est le dernier mirage,
Que je crus éternel. Mort. Et je sens bien
Qu’en nous des chères illusions
Non seul l’espoir, le désir est éteint.
Dors à jamais. Tu as
Assez battu. Nulle chose ne vaut
Que tu palpites, et de soupirs est indigne
La terre. Amertume et ennui,
Non, rien d’autre, la vie ; le monde n’est que boue.
Or calme-toi. Désespère
Un dernier coup. A notre genre le sort
N’a donné que le mourir. Méprise désormais
Toi-même, la nature, et la puissance
Brute inconnue qui commande au mal commun,
Et l’infinie véracité du Tout.
Traduit de l’italien par Michel Orcel
in, « Anthologie bilingue de la poésie italienne »
Editions Gallimard (La Pléiade), 1994
A soi-même
Cesse de battre enfin, ô mon cœur harassé !
Il est mort, et bien mort,
Ce leurre tout dernier que j’avais cru sans fin :
Je ne le sens que trop. Je ne désire plus
Ni même je n’espère
Ces belles illusions qui me furent si chères.
Repose pour toujours : tu n’as que trop battu.
A quoi bon tes élans ?
La terre n’est pas digne d’être regrettée.
Amertume et ennui :
Rien que cela la vie.
Tout est fange et nausée.
Enfin repose-toi.
Ton dernier désespoir, cette fois ou jamais
Traduit de l’italien par Sicca Vernier
in, « Poètes d’Italie. Anthologie, des origines à nos jours »
Editions de la Table Ronde, 1999
Du même auteur :
A Sylvia / A Silvia (30/12/2014)
Le coucher de la lune / Il tramonto della luna (20/12/2015)
Le soir du jour de fête /La sera del dì di festa (20/12/2016)
L’Infini / L’Infinito (20/1220/17)
Les souvenirs / Le ricordanze (20/12/2019)
Le dernier chant de Sappho / Ultimo canto di Saffo (20/12/2021)
Le passereau solitaire / Il passero solitario (20/12/2022)
Le calme après l’orage / La quiete dopo la tempesta (20/12/2023)
A se stesso
Or poserai per sempre,
stanco mio cor. Perì l'inganno estremo,
ch'eterno io mi credei. Perì. Ben sento,
in noi di cari inganni,
non che la speme. Il desiderio è spento.
Posa per sempre. Assai
palpitasti. Non val cosa nessuna
i moti tuoi, né di sospiri è degna
la terra. Amaro e noia
la vita, altro mai nulla; e fango è il mondo.
T'acqueta ormai. Dispera
l'ultima volta. Al gener nostro il fato
non donò che il morire. Ormai disprezza
te, la natura, il brutto
poter che, ascoso, a comun danno impera,
de l’infinita vanità del tutto.
1833
Canti
Felice Le Monnier editore, Firenze, 1845
Poème précédent en italien :
Claudio Achillini: Broderie printanière / Scherza intorno alla primavera (01/11/2018)
Poème suivant en italien :
Michel-Ange / MichelangeloBuonarotti : « Tout ce qui naît ... » / « Chiunche nasce... » (14/01/2018)