William Butler Yeats (1865 - 1939) : L’île du lac d’Innisfree / The lake isle of Innisfree
L’ïle du lac d’Innisfree
Oui, je me lèverai et j’irai maintenant,
J’irai à Innisfree ; je construirai là-bas
Un petit cabanon fait de boue et de chaume ;
J’aurai là neuf plants de haricots,
La ruche pour les mouches à miel,
Et là j’aurai un peu de paix, car la paix y vient goutte à goutte,
Tombant des voiles du matin
Au lieu où chante le grillon;
Là minuit scintille, midi pourpre s’embrase,
Et les soirées sont pleines d’ailes de linottes.
Oui, je me lèverai et j’irai maintenant
Là-bas, car nuit et jour j’entends incessamment
Le doux clapotement du lac près du rivage ;
Debout sur la chaussée ou sur un trottoir gris,
J’écoute, je l’entends, au plus profond de mon âme.
Traduit de l’anglais par Elizabeth Ritchie et Jean-Pierre Darmon.
in, “Cent poèmes pour la liberté »
Le cherche-midi éditeur, 1984
L’ïle sur le lac, à Innisfree
Que je me lève et je parte, que je parte pour Innisfree,
Que je me bâtisse là une hutte, faite d’argile et de joncs.
J’aurai neuf rangs de haricots, j’aurai une ruche
Et dans ma clairière je vivrai seul, devenu le bruit des abeilles.
Et là j’aurai quelque paix car goutte à goutte la paix retombe
Des brumes du matin sur l’herbe où le grillon chante,
Et là minuit n’est qu’une lueur et midi est un rayon rouge
Et d’ailes de passereaux déborde le ciel du soir.
Que je me lève et je parte, car nuit et jour
J’entends clapoter l’eau paisible contre la rive.
Vais-je sur la grande route ou le pavé incolore,
Je l’entends au profond du coeur.
Traduit de l’anglais par Yves Bonnefoy
In, « Anthologie bilingue de la poésie anglaise »
Editions Gallimard (La Pléiade), 2005
Du même auteur : Les cygnes sauvages à Coole / The wild swans at Coole (25/11/2023)
The lake isle of Innisfree
I will arise and go now, and go to Innisfree,
And a small cabin build there, of clay and wattles made:
Nine bean-rows will I have there, a hive for the honey-bee;
And live alone in the bee-loud glade.
And I shall have some peace there, for peace comes dropping slow,
Dropping from the veils of the morning to where the cricket sings;
There midnight’s all a glimmer, and noon a purple glow,
And evening full of the linnet’s wings.
I will arise and go now, for always night and day
I hear lake water lapping with low sounds by the shore;
While I stand on the roadway, or on the pavements grey,
I hear it in the deep heart’s core.
1880
The National Observer
London,13December 1890
Poème précédent en anglais :
Allen Ginsberg : Tournesol soutra / Sunflower sutra (25/10/2018)
Poème suivant en anglais :
William Blake (1757 – 1827) : Proverbes de l’Enfer / Proverbs of Hell (09/11/2018)